Mombasa, la bigarrée
Beaucoup d’adeptes des safaris des parcs animaliers kényans ou des stations balnéaires de la côte de l’océan Indien considèrent Mombasa comme le but d’une simple excursion-prétexte. Ceux-ci ont alors la surprise de découvrir une ville où les couleurs et l’animation sont le reflet d’un heureux mélange de civilisations et de religions.
Si les parcs du Kenya sont, de toute évidence, fort prisés pour la variété de leur faune, mais néanmoins des réserves, on peut se dire qu’il en va un peu de même pour ses visiteurs. Cela serait comme si ces derniers étaient placés dans une bulle privilégiée où les animaux sauvages et les villages masaïs auraient été placés là pour leur seul plaisir. Pour avoir une idée plus précise du Kenya et de sa vie courante, Mombasa est le meilleur exemple d’un métissage pluriethnique et pluriconfessionnel qui s’est forgé par le temps au gré des invasions ou des influences multiples, qu’il s’agisse, bien entendu des Portugais, mais aussi des cultures diverses venant du golfe arabo-persique et, enfin, de l’Inde.
Les preuves se voient à chaque coin de rue, ici, avec un temple dédié à Shiva, là avec les graffitis sur le mur d’un salon de coiffure présentant ses clientes voilées.
Le quartier de la défense
L’arrivée au centre ville de Mombasa se fait immanquablement sur la Moi Avenue dont l’originalité est cette double arche de défenses d’éléphant géantes croisées, souvenir de l’époque de la couronne britannique. C’est précisément là que les vendeurs ambulants, quelques rares Masaïs et d’autres, attendent les cars de touristes pour leur vendre des statuettes et autres objets artisanaux en bois. C’est là aussi où j’ai fait l’affaire de ma vie en marchandant un couple de statuettes de bois représentant une femme masaï accompagnée par son mari guerrier. Plus tard, toutes les boutiques, au plus bas de leurs prix en offraient au moins le double. Ceci tenterait à prouver que les harceleurs sont parfois ceux qui peuvent vous faire faire de bonnes affaires.
Belle entrée en matière pour cette ville aux parfums et aux images multiples qui la rangent dans le clan des métropoles totalement atypiques, à déguster sous un soleil de plomb et au centre d’une animation trépidante et poussiéreuse.
Mais suivons cette avenue à la circulation automobile dense et d’utilisation d’avertisseurs sans modération; cette avenue où les piétons parfois bien chargés traversent sans contrainte là où ça les arrange et sans crier gare. Une ombrelle, comme certaines femmes en portent ferait du bien mais, à défaut, suivons le trottoir chaotique jusqu’au temple jain fait de marbre blanc et mettant face à une réalité inéluctable des multiples influences religieuses à la fois venues du nord (islam) du nord-Ouest (christianisme) mais aussi de l’est (diverses religions indiennes). Ce temple jain dénoterait-il des autres édifices de cette ville?
Etalages bigarrés
C’est après une pause rafraîchissante dans ce lieu de prière qu’on se doit de se diriger vers l’une des attractions majeures de Mombasa qu’est le marché de Mackinnon et, accolé, le marché municipal. C’est là où toutes les senteurs d’épices, toutes les couleurs et toute l’atmosphère de l’Afrique orientale sont au rendez-vous. Cela va des petites échoppes d’épices aux étals de légumes ou de fruits à même le sol, concurrence admise aux grands étals des marchés couverts. Partout où cela est rendu possible, le portrait de héros de la politique ou du sport garnit le mur de la boutique. C’est en s’enfilant dans le labyrinthe des ruelles autour de l’Old Kinlindi Road qu’on découvre celle qu’on baptise la «vieille ville» et qui nous offre des tableaux insolites et tellement pittoresques: des murs blanchis à la chaux de boutiques sur lesquels apparaissent des fresques grossières indiquant, par exemple, que les femmes pourront ici se faire coiffer en gardant leur foulard devant le visage ou là, acheter des sous-vêtements féminins. C’est aussi une enfilade d’ateliers d’artisans, les uns travaillant la marqueterie, les autres l’ébénisterie, les autres encore la poterie, etc. L’ambiance est à la verve et l’espièglerie des enfants qui courent dans les jambes des adultes et se font mutuellement des farces tout en n’oubliant pas de vous réclamer quelques sous. Sur ces ruelles s’ouvrent des portes finement sculptées dans le pur style swahili. Elles proviennent bien souvent de riches demeures. En levant la tête, vous découvrirez aussi que certaines de ces maisons sont dotées de superbes balcons en bois.
Au bout de l’Old Kinlindi Road vous attendra le marché couvert aux poissons et son voisin le vieux port de marchandises où, au milieu de carcasses de boutres fatigués rappelant les temps fastes du commerce avec le Yémen et Oman, des porteurs terminent de charger deux cargos prêts à partir sous l’œil nonchalant des dockers alignés sur les marches qui descendent jusqu’au quai. On imagine bien le temps où le commerce maritime battait son plein. Et dans la baie, des barques de pêcheurs aux voiles latines passent et repassent. Quelques centaines de mètres plus au sud, l’imposant fort Jésus en corail massif domine la baie et, à ses pieds, des familles entières prennent le frais et s’adonnent aux plaisirs de la baignade et du pique-nique.
Le long des avenues
En sortant de Mombasa, le spectacle ne cesse pas pour autant. Celles qui étaient des avenues au centre-ville deviennent des routes en s’éloignant du centre. Les commerces les plus insolites les bordent, comme, par exemple, des canapés et des meubles alignés, des piles de pneumatiques, des échoppes de brochettes.
Une affaire qui flotte
L’une des attractions majeures de Mombasa est d’observer le va-et-vient incessant du ferry qui relie, le nord du terre-plein de Mombasa et le continent kényan et la route qui mène au village Mamba, à la plage de Shanzo et à Malindi. Côté Mombasa, l’appontement se trouve au bas d’une colline à environ deux kilomètres de la gare routière. Chaque jour, des dizaines de milliers de piétons et de véhicules venant des banlieues très peuplées empruntent le bac, évitant ainsi bien des détours, ceci malgré la construction d’un pont qui, bien pratique il est vrai, ne résous pas encore tous les problèmes de circulation pour se rendre vers le nord.
Les arrivées et départs des ferries sont l’occasion d’une effervescence permanente que l’on peu observer depuis le haut du talus du quartier de Mzizima. Dans une sorte de tunnel à ciel ouvert s’entassent près d’un millier de passagers aux vêtements multicolores, lesquels prennent leur mal en patience, agglutinés les uns contre les autres dans une chaleur suffocante. De l’autre côté de la ligne, on voit distinctement le ferry qui largue les amarres, plein à rabord. Il s’avance avec solennité.
La traversée ne prend guère plus de 10 minutes. Une fois le ferry apponté et les pans métalliques rabaissés, ce sont d’abord les véhicules qui quittent le navire sans demander leur reste, bientôt suivi d’un flot de passagers qui se déverse dans les rues de la capitale. Dès le signal donné pour les passagers en partance, c’est un peu comme le départ du marathon de New-York. C’est la ruée des passagers suivis de prés par des véhicules de tous acabits qui chargent le navire au maximum.
Et c’est ainsi de l’aurore jusqu’au coucher du soleil. Un spectacle permanent.
Textes Erika Bodmer,
photos Gérard Blanc
Infos pratiques
Vol
Genève-Addis Abeba-Mombasa avec Etiopian Airlines.