Sur un air de Cappadoce
4h30 du matin, Nevsehir, Cappadoce, Turquie. Nous montons les yeux encore chargés de sommeil dans le minibus venu nous chercher à la porte de l’hôtel. Bien que nous soyons à mi-juin, la température nous fait remonter le col du blouson. On nous dépose au siège de la compagnie de montgolfière pour un café chaud, mais surtout pour le pointage minutieux des passagers à répartir dans les nacelles des ballons à air chaud. Au bout d’une demi-heure, on nous désigne un bus en partance pour l’aire de décollage.
5h30, un petit jour timide pointe à l’horizon. Nous voilà arrivés. Trois camions arrivent tractant des nacelles dans leurs remorques. Chacune contient aussi un sac géant et une grosse bouteille de gaz. On lâche des petits ballons-sondes qui évalueront la force et la direction du vent. L’essai n’est pas concluant. Le vent est trop fort et la direction n’est pas favorable. Après près d’une demi-heure de patience, nouvelle tentative de ballon-sonde: même effet.
Le soleil pointe du côté d’Ushisar. Au bout d’une heure, le pilote décide de changer de lieu de décollage. Nous partons vers la vallée Rose. Nous déboulons dans une petite prairie engoncée entre deux lignes de cheminées de fées.
Ultime essai de ballon-sonde. Cette fois, le capitaine décide de décoller. Deux montgolfières sont déployées et arrimées aux nacelles. C’est alors le long travail de gonflage des ballons par des jets de flammes à intervalles réguliers. Notre ballon prend peu à peu du volume. La poche qui gonfle râpe une branche d’abricotier. Va-t-elle se crever? Cela n’émeut pas les techniciens. Le ballon est prêt! Nous nous hissons à bord. Le pilote lance à intervalles réguliers son jet de flamme bleue qui s’engouffre à grands soupirs dans la poche. Ça y est! On décolle! Comme des enfants, nous nous réjouissons de nous élever en douceur dans les airs.
C’est le miracle de l’ascension. La montgolfière frôle la canopée de cheminées de fées et des habitations troglodytes. Au loin, deux, trois, six autres montgolfières sont, elles aussi, dans les airs. C’est féérique, c’est sublime. Rien n’ose rompre ce grand silence magique, sauf les souffles réguliers de la flamme actionnés par le pilote. Il est sept heures, la Cappadoce s’éveille.
La géologie fantasmagorique de ce pays éclate aux yeux. C’est à perte de vue, les pitons coiffés de Zelve ou des vignes du Pacha, le musée en plein air de Göreme avec ses pitons sortis d’un conte pour enfants, les sculptures surréalistes de la roche poreuse dues à l’érosion du vent et de la pluie, les stries parallèles des champs fraîchement sarclés et, au loin, l’imposant château naturel d’Ushisar qui domine la plaine.
Nos appareils photos crépitent. La surprise passée, les passagers de la nacelle rompent le silence et commentent: « Ho ! Tu as vu ça ? Incroyable ! ».
On resterait des heures suspendu en pleine contemplation méditative, mais tout a une fin. Après une heure et demie de notre ascension, le pilote donne à la radio les indications pour que le véhicule qui nous suit fidèlement au sol trouve le chemin de notre atterrissage. Ce pilote est un as : il pose la nacelle exactement dans la remorque du camion. À la descente, des diplômes et du mousseux nous attendent pour fêter cet original baptême de l’air.
Texte et photos Gérard Blanc
Infos pratiques
Y aller
Vol Genève-Istanbul-Kayseri avec Turkish Airlines.