Rajasthan, la féerie des monarques de l’Inde
Il suffit d’entendre prononcer le mot de Rajasthan pour que la féerie de l’époque dorée où les princes de terres du nord-ouest de l’Inde vivaient dans le faste des cours ou scintillaient les diamants et où la chasse au tigre était une distraction courante nous fasse rêver.
Au départ des Britanniques, au milieu du siècle dernier, les territoires gérés par des monarques petits ou grands appelés maharadjahs (grands rois) ont été réunis en un seul Etat du nom de Rajasthan. Si les privilèges de ces seigneurs ont alors été considérablement réduits, ceux-ci ont gardé néanmoins leurs palais qu’ils ont, soit transformés en musée dont ils touchent les entrées des foules qui s’y bousculent, soit aménagés en hôtels-palaces de luxe, ce qui contribue à leur garantir des lendemains confortables.
C’est donc le 30 mars 1949 que les Etats princiers ont formé un Etat appartenant à la république de l’Inde sous le nom de Rajasthan, avec Jaipur pour capitale. Il y a mille et une manières de découvrir l’Inde, mais la plus sûre et la moins frustrante reste celle de visiter cet immense sous-continent par étapes, en ayant soin d’y retourner plusieurs fois, pour y découvrir à chaque voyage une facette qui sera profondément différente des fois précédentes.
La ville en rose
Jaipur, la capitale du Rajasthan, est aussi appelée la «ville rose», en raison de la couleur rose qui recouvre une partie des façades des maisons et palais de la ville, décorés ainsi en guise de bienvenue lors de la venue du prince de Galles en 1876. L’architecture est d’inspiration moghole et rajput, à laquelle il faut ajouter une touche britannique. Construite en 1727, Jaipur est l’une des villes les plus agréables et vivantes de l’Inde. Elle est un plaisant mélange de modernité et d’exotisme traditionnel. Les femmes avec leurs vêtements de couleurs vives et leurs bijoux en argent ou laqués apportent une touche de gaieté.
A 10 km de Jaipur se dresse le fort Amber, qui fut d’antan le siège originel du pouvoir royal. C’est depuis le XIIe siècle que la citadelle des Kachwahas porta le titre de capitale jusqu’à ce que le maharadjah Sawai Jai Singh II la transfère à Jaipur.
Arrivés au pied de la falaise sur laquelle est érigée la citadelle, nous quittons les voitures et montons à pied jusqu’à l’intérieur du fort situé au nord-est du centre-ville de Jaipur. L’enceinte, entourée de murailles à flanc de montagne, rappelle la Grande Muraille de Chine, en plus modeste. En entrant par la Suraj Pol ou Porte du soleil on débouche sur la grande cour au centre de laquelle s’élève sur un podium le Diwan-i-Aam ou hall des audiences publiques, doté d’une double rangée de piliers en grès rouge, dont les supports sont sculptés en forme de têtes d’éléphants. En traversant la porte de Ganesh (d’après le dieu éléphant Ganesh, symbole de porte-bonheur et de gardien du foyer) et en suivant des jardins et dédales, on arrive au palais privé des rois du fort. Le Jai Mandir se compose de plusieurs pièces remarquables par leurs décorations murales: le Sheesh Mahal ou palais de verre, décoré du sol au plafond de mosaïques de verres colorés et de bris de miroir, le Diwani-Khas ou hall des audiences privées, et bien des pavillons aux peintures à motifs floraux et aux moucharabiehs finement ciselés, lesquels permettaient aux dames de la cour de voir sans être vue et de profiter de la fraîcheur procurée par ces aérations providentielles, le Sukh Niwas ou hall des plaisirs, et bien d’autres merveilles encore.
L’influence moghole est évidente dans les constructions et jardins aménagés avec canaux et fontaines. La position surélevée du fort permet aussi de découvrir les ruines de l’ancienne ville, mais, surtout, de contempler un magnifique temple hindou, joyau de l’ancienne ville Amber.
Un autre must de Jaipur est le Hawa Mahal ou palais des vents (datant de la fin du XVIIIe siècle), qui est considéré comme l’une des merveilles de l’architecture rajput. Les centaines de fenêtres et balcons (environ 950) qui ornent sa façade sur cinq étages sont construits de façon à permettre aux femmes du harem royal (zenana en hindou) de voir à l’extérieur sans être vues en retour et de façon à permettre au vent de circuler à l’intérieur et, ainsi, de les rafraîchir.
Parc national Ranthambore
Autrefois prisé par les maharadjahs comme terrain de chasse, en particulier les tigres, le parc de Ranthambore est aujourd’hui une réserve protégée et la chasse au tigre y est interdite. Comme tout safari, il est aléatoire de rencontrer certains animaux et, en particulier des tigres, un peu comme il serait difficile de croiser un lion ou un rhinocéros dans certains parcs africains. On enregistrera donc comme exceptionnel le fait de croiser un tigre à Ranthambore et, pourtant, le parc en compte une trentaine, et tout surplus de population de ce félin fait automatiquement l’objet d’un transfert dans un autre parc indien tant il est vrai qu’un tigre est un animal solitaire qui a besoin pour lui seul non seulement d’un territoire de chasse, mais aussi des espaces pour une ou plusieurs femelles. Cela explique donc qu’il faille parcourir pas mal de kilomètres en 4 x 4 pour avoir une quelconque chance d’entrevoir le roi des animaux indiens. A défaut, réjouissez-vous d’y voir des chitals (cerfs tachetés), des mangoustes, des crocodiles, des sangliers et une incroyable variété d’oiseaux. L’excursion vaut largement aussi par son paysage. Si le cœur vous en dit, vous pourrez grimper sur le piton rocheux au sommet duquel trône un fort du Xe siècle. Vous y aurez une vue imprenable sur le lac Padam Talab et la jungle à perte de vue. Pour les tigres ou les panthères ça sera un coup de chance !
Pushkar
Sur la route reliant Jaipur à Udaipur est nichée la ville hindoue la plus sainte du Rajasthan. A l’instar de Vanarasi (Bénarès), des ghats (sorte d’escaliers) descendent jusqu’aux plans d’eau, où les fidèles viennent faire leurs ablutions, se purifier et déposer leurs offrandes aux pieds des temples qui les surplombent. Ce haut lieu de pèlerinage abrite de nombreux temples, dont le plus important est le temple dédié à Brahma. C’est peut-être plus encore à Pushkar qu’ailleurs au Rajasthan qu’on se doit de prendre un bain de foule haute en couleur qui déambule dans les ruelles dégorgeant de petites échoppes et boutiques de souvenirs, allant de bijoux en argent ciselé aux sacs en tissus multicolores. Jeunes et vieux, riches et pauvres se côtoient, et le turban local est de mise. Pushkar est aussi le centre d’un marché aux chameaux de réputation nationale.
Udaipur
Udaipur est un joyau au bord du lac Pichola et ses paysages vallonnés et verdoyants. La vieille ville a servi de décor du fi lm de Fritz Lang Le Tigre du Bengale. Elle est perchée au sommet d’une colline qui héberge notamment le légendaire City Palace, constamment agrandi et embelli depuis plus de 400 ans, dont une partie est dédiée à des musées montrant, entre autres, les appartements jadis occupés par les familles royales. Jouxtant le City Palace, le Fateh Prakash Palace est encore partiellement habité par la famille royale du maharana (distinction supérieure dans la hiérarchie des maharadjahs). L’essentiel de cet imposant bâtiment a été aménagé en hôtel de luxe. C’est dans ces locaux que fut tourné le James Bond-film Octopussy.
C’est aussi dans le Fateh Prakash Palace que se visite le fabuleux musée de Cristal qui raconte une histoire extraordinaire: Le maharaja Sajjan Singh avait commandé à une cristallerie anglaise à Birmingham vers la fin du XIVe siècle tout un mobilier fait entièrement de cristal, composé de tables, chaises, fauteuils, lustres, sans parler de la vaisselle, et bien d’autres objets encore, et même un lit, fait entièrement de cristal. Les objets souhaités furent d’abord sculptés en bois en Inde pour servir de modèle, puis envoyés à une cristallerie en Angleterre. La commande fut exécutée et livrée à Calcutta, comme prévu, mais, malheureusement, le maharadjah mourut peu avant l’arrivée des pièces commandées. Par miracle, aucune des pièces (démontables) ne fut cassée pendant ce long voyage par bateau jusqu’à Calcutta et à dos de mulets et de chameaux. Dans ce même palais, il faut admirer la salle de réception et les portraits de l’actuel maharana Arvind Singh, de sa famille et de ses ancêtres.
Le palais de Lac (Lake Palace), une splendeur toute en marbre blanc du pays, dont la construction a été ordonnée par le maharana Uday Singh, occupe une île entière qui servait de résidence d’été à la famille royale. Depuis l’indépendance de l’Inde – sur la suggestion de Jacqueline Kennedy, invitée par le maharana – le palais a été reconverti en un hôtel de luxe.
Textes Erika Bodmer,
photos Gérard Blanc
Infos pratiques
Vols
Genève-Paris-Delhi avec Air France. Autres possibilités decorrespondances avec Turkish Airlines via Istanbul; via Doha avec Qatar Airways; via Dubaï avec Emirates; via Bruxelles avec Brussels Airlines et Jet Airways; via Zurich avec Swiss; via Francfort avec Lufthansa, etc.
Renseignements
Incredible India à Paris, 00331 45 23 30 45; www.incredibleindia.org
Logements
Le Maharajah’s Express, train nostalgique effectuant des circuits de quatre ou huit jours au départ de Delhi; à Jaipur, le Mansing Towers; à Udaipur, l’Inder Residency.
Attraction à Jaipur
Le spectacle des marionnettes de l’empereur au musée folklorique qui offre des saynètes d’une demi-heure retraçant les légendes folkloriques.
Attraction à Udaipur
La grande spécialité des palais d’Udaipur est la décoration murale par des miniatures, tableaux peints minutieusement avec des pinceaux en poil d’écureuil, sortes de bandes dessinées décrivant les faits et gestes (chasse, réceptions grandioses, etc.) des maharadjahs. La tradition est maintenue dans des ateliers où il est possible d’assister au travail des artistes.