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JE PARS À LA DÉCOUVERTE

Gascogne: Le bonheur est dans le Gers

Statue de D'Artagnan

Un joyau en Gascogne

Lorsque j’ai raconté autour de moi que je partais dans le Gers, tout le monde m’a enviée pour la bonne chère faite de foie gras et de confit de canard. Ils n’avaient pas tort, mais la plupart ignoraient la richesse culturelle et géographique que pouvait présenter cette région souvent bien ignorée en Suisse.

Vous avez peut-être vu ce film dans lequel jouent Michel Serrault, Eddy Mitchell et Sabine Azéma «Le bonheur est dans le pré»? Il fut tourné en grande partie dans le Gers. D’où l’idée qu’on pouvait se faire d’un pays de cocagne. Les Romains le comparaient à la Toscane. Suivez-moi donc dans un carnet de route évocateur.

Auch

Celle qui porte le titre de capitale de la Gascogne est la première étape logique. La cathédrale de Sainte-Marie d’Auch est célèbre pour sa façade de style Renaissance, mais elle bénéficie d’une autre particularité: les 113 stalles et les quelques 1500 figurines sculptées dans le bois dur dont les travaux prirent 40 ans. Parmi les autres sites à visiter, on retiendra la tour d’Armagnac, qui servit de prison et au pied de laquelle descend l’escalier Monumental de 370 marches vers le Gers. C’est sur une esplanade de cet escalier que trône la statue du mousquetaire d’Artagnan, héros confirmé d’Alexandre Dumas et non moins de la Gascogne.

La légende du mât de cocagne
Le vrai bleu de pastel est fabriqué à base des feuilles de la plante du même nom. Au 15e siècle, la région de Toulouse et du Gers était appelée le Pays de cocagne. Rien à voir avec un monde imaginaire de félicités. A cette époque, les feuilles de la plante miraculeuse étaient cueillies et compressées en pâte compacte, qu’on appelait alors «cocagne».

Pastel

Afin de sécher ces boules, elles étaient placées au haut d’un mât dit «mât de cocagne», pour éviter que des voleurs ne s’en emparent. Les mâts étaient enduits de matière grasse pour empêcher toute velléité d’y grimper. Par la suite, on plaça en haut des mâts des jambons et autres friandises qu’il fallait attraper à grands périls lors des foires et kermesses.
Autre histoire cocasse: au 15e siècle, le traitement chimique du pastel nécessitait de l’ammoniaque. On engageait alors des «pisseurs» bien payés auxquels on donnait abondamment à boire pour qu’ils urinent dans la pâte de cocagne. Au début du XIXe siècle, Napoléon 1er créa une école expérimentale à Albi pour l’extraction de la fécule colorante des feuilles de pastel. Les recherches aboutirent à la réduction du temps d’obtention de la couleur, passant de 8 mois à quelques jours. Tous les soldats de l’Empire furent habillés en bleu de pastel. L’atelier qui, aujourd’hui, a repris à son compte le traitement et l’exportation de cette plante miracle, se trouve à quelques kilomètres de Lectoure et donne une explication pédagogique de la plante, de ses propriétés et de son histoire avec démonstration pratique à l’appui.

Lectoure

Perchée au sommet d’une colline, Lectoure est un bel exemple de ces nombreuses villes fortifiées de la région du Midi-Pyrénées. Depuis ses remparts en forme de demi-lune, appelés la promenade des Bastions, la vue est infinie sur la plaine de la riche Lomagne. Ce sont ces remparts qui connurent la stratégie des habitants de Lectoure, à la fois pour la défense du comte Jean V d’Armagnac et de son épouse Jeanne de Foix, ainsi qu’une stratégie astucieuses menée par celle qui fut une garnison huguenote, lors d’un siège par Blaise de Monluc pendant les guerres de religion. La vieille ville se distingue par ses maisons médiévales, telle la tour d’Albignac et ses hôtels particuliers datant des 18e et 19e siècle. Une autre fierté lectouroise est un enfant du pays du nom de Jean Lannes, maréchal du Second Empire, dont on trouve le portrait dans le grand escalier de l’hôtel de ville, et la statue au centre-ville.

Cathédrale de Condom

Condom

Certes, Condom a aussi droit à sa cathédrale, mais son charme vient des rives bucoliques de la Baïse, rivière favorite des adeptes du tourisme fluvial. Mais le clou de cette ville est l’origine de l’eau-de-vie d’Armagnac, née d’un concept thérapeutique et ensuite devenue l’un des premiers sujets gastronomiques de la France et largement exportée hors frontière. Condom lui consacre non seulement un musée dans lequel sont décrites toutes les étapes de la fabrication du précieux liquide, mais aussi de l’hôtel de Cugnac, dans lequel une rencontre fabuleuse est celle du maître de chai, Bernard Domec, qui, depuis de nombreuses années, décrit avec enthousiasme, et avec dégustation à l’appui, les arômes et les vertus de la célèbre eau-de-vie.

Le Pousse-rapière de Monluc

C’est dans le village de Saint-Puy que se trouve le château de Monluc, où vécut la lignée du même nom, dont le sanguinaire Blaise de Monluc dit le «boucher royaliste», réputé pour ses massacres parmi les huguenots et sa lutte acharnée contre le capitaine protestant Symphorien de Duras. Mais l’édifice, un château du 18e siècle construit sur les vestiges d’un château-fort du 10e siècle, possède une histoire relativement brève et son attrait principal est ce cocktail portant le nom de Pousse-rapière eu égard aux Gascons du 16e siècle qui usaient habilement de l’épée appelée rapière.
Il s’agit en fait d’un cocktail de vin mousseux blanc de blanc additionné de liqueur d’Armagnac et d’un zeste d’orange amère, boisson dont la renommée a largement dépassé les frontières de la Gascogne, voire de la France. Ledit mousseux est vinifié selon la méthode champenoise dans les caves du château.

La ville du jazz

Marciac est à l’origine une bastide devenue aujourd’hui une charmante bourgade, au centre de laquelle trône une place centrale du style «plaza mayor» espagnole, avec des arcades abritant des magasins et restaurants, bistrots, etc. Si ses attractions patrimoniales sont l’église Notre-Dame ou le couvent des Dominicains, sa renommée est due à son festival Jazz in Marciac (JIM) fin juillet-début août. Tout a commencé en 1978 dans le but de lutter contre l’exode rural. L’instituteur Jean-Louis Guilhaumon eut l’idée d’organiser un festival de jazz pour récolter de l’argent pour la maison des jeunes. La première édition accueillit plus de 500 entrées! Aujourd’hui, les festivaliers dépassent les 200’000 entrées pour écouter les sommités du jazz mondial en général et des Etats-Unis en particulier. Cet engouement vaut à Marciac le musée des «Territoires du jazz» et sa rétrospective des débuts du gospel à aujourd’hui. Un autre personnage attachant vaut qu’on lui consacre une visite: l’atelier du peintre-sculpteur Rémi Trotereau. Chaque pièce mérite qu’on s’attarde devant elle, qu’on s’y plonge et se laisse imprégner par elle.

Tous pour un, mordiou!

Charles de Batz-Castelmore, comte d’Artagnan, connu sous le nom de d’Artagnan tout court, et figure de proue des Trois mousquetaires d’Alexandre Dumas, a bel et bien existé, de même que la compagnie des mousquetaires du roi dits «Mousquetaires gris», en raison de la couleur de leur tunique. C’est la fierté même de la Gascogne, et les références à l’illustre personnage se retrouvent çà et là dans la région. C’est sur les marches de l’escalier Monumental d’Auch que se trouve une première statue et, en compagnie des trois autres mousquetaires, sur la place de la Cathédrale de Condom.
Il existe d’autres statues du personnage, une à la place du général Catroux à Paris en compagnie des membres de la famille Dumas et de celle de Sarah Bernard, la dernière se trouve à Maastricht, là où il perdit la vie. A Lupiac, entre Condom et Marciac, on peut voir le château de Castelmore où il vécut son enfance, et visiter un musée à son nom. Autre lieu qui fera rêver les littéraires, Casteljaloux, village sans prétention, qui inspira Edmond Rostand dans les «Cadets de Gascogne de Casteljaloux»: Cyrano de Bergerac.


Texte Erika Bodmer,
photos Gérard Blanc


Infos pratiques

Renseignements

Comité régional au tourisme de l’Occitanie: https://www.tourisme-occitanie.com

Logements

A Auch, le Domaine de Beaulieu. A Fourcès, le château de Fourcès. A Marciac, la chambre d’hôte
la Maison aux 5 sapins.

Restaurant

A Lectoure, l’Auberge des Bouviers; à Marciac, le café Zik.

A voir encore

Larresingle, le plus petit village fortifié de France du 13e siècle d’architecture médiévale; l’abbaye de Flaran pour son ensemble cistercien du 12e siècle, sa collection privée de peintures «Simonow» et son original jardin biologique et son insolite sculpture grillagée représentant une femme nue; Montréal-sur-Gers classé parmi les plus beaux villages de France pour sa place aux arcades fleuries.

 

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