Nouvelle Tunisie: l’ouverture vers le grand Sud
De retour d’un voyage dans le Sud tunisien, je souhaiterais vous confirmer que je ne m’y suis jamais sentie aussi à l’aise alors que précédemment, ma profession de journaliste était bien souvent l’objet de soupçons et de surveillances.
Après le printemps arabe suivi du départ du dictateur Ben Ali, on ressent en Tunisie une plus grande liberté de contact avec la population et une amorce de développement d’un autre tourisme, celui des chambres d’hôte et des hôtels de charme, celui des vacances plus abordables pour les jeunes avec le développement des auberges de jeunesse, celui des voyages plus aventureux, comme, par exemple, les randonnées en dromadaire dans le désert, avec bivouac à la belle étoile.
Ce tourisme n’exclut nullement les formules classiques de séjours balnéaires déjà de nombreuses fois décrites, mais offre une alternative qui peut attirer une clientèle jeune qui, ayant eu les moyens de découvrir ce pays, reviendront plus tard pour des vacances plus traditionnelles.
On a amplement parlé de Tunis, du musée du Bardo, de Sidi Bou Saïd et de Carthage. On a aussi beaucoup parlé du cap Bon, de Nabeul et de Hammamet. Certes, ces destinations ne sont pas dénuées d’intérêt, mais tournons-nous pour une fois vers des lieux moins évoqués dans la presse, que sont, par exemple, Djerba et le grand Sud tunisien.
Djerba la douce
Djerba est cette île du sud-est bien connue pour ses plages qui bénéficient d’un climat idéal pour attirer les baigneurs encore tard dans la saison, en raison de sa situation avancée dans le sud. Elle est également réputée pour ses centres de thalassothérapie, dont la concentration est la plus importante de toute la Tunisie. Mais Djerba est également appelée l’île de rêve en mémoire d’Ulysse qui, s’il n’avait pas tant aimé sa femme, ses enfants et ses compagnons de voyages, y aurait probablement fini ses jours.
Retour sur terre
Ma première visite a été pour le complexe «Djerba explore» et, en particulier, le musée Lallia Hadria. On lui consacrerait volontiers trois heures, surtout quand on est accompagné d’un guide expert qui vous fait partager ses connaissances approfondies de l’art tunisien à travers les âges. Il expose une collection inédite de plus de 1000 pièces, la plus riche du genre dans le pays et révèle l’influence exercée par l’art islamique du bassin méditerranéen jusqu’aux confins de l’Asie. On y trouve des trésors de l’art arabo-islamique et, en particulier, un acte de mariage ancien, et un parchemin du coran de Kairouan, un vrai chef-d’œuvre de calligraphie. On y trouve aussi une riche collection de tentures, d’étendards d’argent et de soie de confréries mystiques, de poteries émaillées de bijoux, et de costumes traditionnels. Jouxtant le musée se trouve une ferme de crocodiles surprenante par la quantité de ses spécimens, dont une grande partie a la gueule grande ouverte, de quoi vous donner des frissons.
L’une des particularités de Djerba est sa communauté juive qui est la plus importante d’Afrique du Nord. Limitée aujourd’hui à environ mille croyants, elle atteignit jadis le chiffre de quatre mille jusqu’à ce qu’une majorité décida d’émigrer en Israël. La cohabitation pacifique entre juifs et musulmans est un bon exemple de tolérance religieuse. Plusieurs synagogues sont en activité, dont celle la Ghriba dans le village d’Erriadh, la plus visitée de toutes car la plus ancienne. A Djerba, l’ambiance bat son plein dans la ville d’Houmet Souk, la ville-marché. Outre les pittoresques ruelles de maisons blanchies à la chaux et leurs portes bleues cloutées, deux attractions dominent ce marché: la première est le marché aux poissons où des brochettes de mulets ou de calamars sont mis aux enchères avec tout le pittoresque qui accompagne cette cérémonie solennelle. La seconde est le quartier des marchands d’épices et leurs monticules multicolores de poudres qui donnent toutes les saveurs aux couscous, tagines et soupes.
On jettera inévitablement un dernier coup d’oeil au port de Djerba pour y découvrir les chalutiers en cale sèche et les grands voiliers reconstitués pour le bonheur des touristes, mais, plus insolite, cet entassement de cruches en terre servant à piéger les calamars et à les en faire sortir ensuite par une savante tactique de jets d’eau chaude.
Star Wars et lac salé
En empruntant l’ancienne voie que les Romains avaient jetée sur une mer peu profonde, on accède au continent africain par Zarzis pour gravir les flancs des montagnes où se sont jadis réfugiées les tribus berbères lors de l’invasion ottomane. Après de nombreux virages à épingle à cheveux et avoir traversé des villages de maisons en pisé dominées çà et là par des minarets blancs, on parvient au village de Matmata dont la particularité sont ces maisons troglodytes dont certaines ont été utilisées pour le tournage du film de la Guerre des étoiles et qui en gardent encore des reliquats. Nouveau départ vers le nord-ouest afin de découvrir le Chott El Djerid, un immense lac salé, qui est à sec par évaporation la moitié de l’année. Prudence en s’y aventurant, le sable peut-être très mou par endroits!
Puis, en route vers le sud avec un arrêt pour admirer les dunes pétrifiées de Dbabcha, sorte d’alignement hallucinant de menhirs difformes dans le Sahara.
Kébili l’ancien, un retour vers le futur
Sur la route reliant Tozeur à Gabès, vous trouverez le village de Kébili. Ne passez pas votre chemin. Enfoncez vous dans cette palmeraie qui compte plus de 100’000 palmiers. A quelques kilomètres de là, vous trouverez une clairière où est niché un village fantôme dont l’abandon date d’il y a environ 30 ans. L’ancien Kébili refait surface grâce à de nombreuses initiatives locales qui ont décidé de le rebâtir plus beau qu’avant et de le faire revivre en commençant par la restauration d’une ruelle, et celle d’un marabout (mausolée), ou encore par le réaménagement d’une mare où les lavandières frapperont à nouveau leur linge. Mais l’objectif principal est d’en faire un village-type qui fera revivre au naturel les nombreux métiers qui y étaient pratiqués jadis. Bienvenue aux sponsors qui seront prêts à acheter des parcelles pour y restaurer des maisons paysannes en application stricte de l’architecture ancienne. Une équipe de maçons, d’historiens et de sociologues s’attachent de pied ferme à remettre en activité ce village dans un esprit de contre-exode. L’objectif est aussi, bien entendu, de relancer une vie économique et de redonner du travail à la population locale.
Aux portes du désert
L’aimant du désert agit sur beaucoup d’êtres humains. Douz est à la porte du Sahara où se croise quotidiennement une population bigarrée sur la grande place. Elle se compose de vieillards coiffés de chéchias, de jeunes se poursuivant en mobylette, de bergers nomades berbères et de targuis arborant fièrement leur barbes d’opérette, le tout dans un décor de voitures 4X4, de terrasses de bistrots sombres servant du thé à la menthe brûlant et de bières glacées.
C’est le point de départ des méharées pour la grande aventure des randonnées au balancement des dromadaires. Si la marche est longue et parfois fatigante, le couronnement est le coucher de soleil majestueux sur un bivouac. C’est le temps d’allumer un feu jusqu’à la formation de braises et d’y placer une galette de pain sans levain qu’on pourra déguster encore chaud en regardant le soleil disparaître derrière les dunes. Douz et les ksours environnants offrent des spectacles permanents sur les places de villages où, en périodes de festivals, et chaque fois que l’occasion se présente, tonnent les tambours et crient les raïtas ressemblant à des bombardes bretonnes, et où les acrobates portant des piles de poteries sur leurs têtes grimpent en équilibre sur des échelles, où les cavaliers font des acrobaties sur leurs montures et où les chameliers se lancent dans des courses de dromadaires effrénées.
Texte Erika Bodmer,
photos Gérard Blanc
Infos pratiques
Vols
Genève-Djerba sans escale deux fois par semaine avec Tunisair.
Renseignements
Office national tunisien du tourisme, http://www.bonjour-tunisie.com/
Hôtels
A Djerba: du luxe au moins cher: Hasdrubal (palace dont toutes les chambres sont des suites); Yadis (**** + thalasso). Le coup de coeur sera pour l’hôtel de charme Dar Dhiafa (style ryiad); et, le moins cher (dès 18 euros la nuit!), mais tout à fait correct (chambres avec douche), est le El Arischa à Houmet Souk, près de la place d’Algérie. A Douz: l’hôtel El Mouradi, qui organise également des bivouacs sous tente dans le désert pour des groupes.
Boire et manger
Deux bonnes adresses à Djerba sont le restaurant Haroun donnant sur le port et, plus intime, le restaurant du Dar Dhiafa. Une découverte: l’estouffade à la gargoulette, un mélange de viande d’agneau et de légumes cuits à l’étouffée dans une amphore en terre bouchée avec une pâte à pain. Et puis, n’oublions pas les briks, beignets de pâte feuilletée fourrés à la viande hachée, à l’œuf, au fromage, etc., le tagine (sorte d’omelette aux légumes – rien à voir avec le tagine marocain) et les pâtisseries, dont le makroudh, spécialité de Kairouan.
Je tiens à vous féliciter pour cet article qui décrit si bien la Tunisie et donne vraiement envie de partir à la découverte. Moi-même attachée de presse à L’office de tourisme tunisien à Vienne,j’ai eu l’occasion de connaîte ce pays sous tous ces facettes et cette variété de paysages. Comme vous dites – la côte est belle (surtout celle du Nord!) mais il y a tant de choses à voir à l’intérieur et nous mettons tous nos efforts pour promouvoir le tourisme individuel danns le but de motiver les maisons d’hôte et les auberges à se developper. Mon coup de coeur:le Tamerza-Palace à Tamerza et le Ksar Ezzit à El Fahs (au sud de Tunis). Merci ecore pour votre article et meilleures salutations de Vienne.
Merci pour vos commentaires. Ravi que cet article sur la Tunisie vous ait plu. Si vous allez dans les brèves, vous trouverez aussi quelques textes indiquant que, fort heureusement, le tourisme en Tunisie repart bien. D’autres textes et photos sur cette destination seront bientôt produits et vous trouverez prochainement un article sur l’hôtel de charme Dar Dhiafa à Djerba: vous connaissez? Sinon, soyez à l’affut, il paraîtra bientôt à la fois sur le site et dans notre version papier.
Bien à vous
La rédaction