Carlsbad et Marienbad, les grandes villes thermales de la Tchéquie
En débarquant à Marienbad, je m’étais imaginé arriver dans le lieu où avait été tourné le film d’Alain Resnais l’Année dernière à Mariendbad. Ne m’y retrouvant pas vraiment, j’ai découvert par la suite que cette oeuvre avait été filmée dans un château proche de Munich.
La Bohême de l’Ouest, qui appartenait jadis à la région germanique des Sudètes (revendiquée par Hitler), abrite une grande partie des villes d’eaux de la République tchèque, dont deux fleurons sont Karlovy Vary (Karlsbad) et Mariánské Lázné (Marienbad). Chacune a sa personnalité mais, à l’instar de Vichy, elles ramènent à l’époque où les soins qu’elles prodiguaient étaient réservés aux gens fortunés. Aujourd’hui, la thérapie s’est modernisée et démocratisée. L’administration tchèque déploie tous les efforts de séduction pour y faire venir une clientèle de tous les coins du monde, même si, en plus des Tchèques eux-mêmes, ce sont les Allemands et les Russes qui dominent.
Sans se lancer sur les nombreuses propriétés thérapeutiques des eaux de source, nous résumerons en disant qu’il y règne une ambiance propre aux grandes stations thermales avec champ de course, terrain de golf, concerts, etc.
Liqueur porteuse
En marge des soins balnéaires de Karlovy Vary, nul ne peut se permettre d’ignorer ce qui fait l’une des fiertés de la Tchéquie, la liqueur qui porte le nom de Becherovska. C’est précisément dans la ville d’eau qu’elle a élu domicile, et on peut faire sa connaissance en visitant le musée sur l’historique d’une boisson qui, à l’origine, devait être médicinale (à base d’herbes) et qui, du jour où un certain Monsieur Becher décida d’en faire un alcool, connut rapidement une renommée internationale. Un tour dans la cave permet d’imaginer sa production phénoménale, avec des fûts dont le plus grand contient 5000 litres! S’ils ont été nombreux à vouloir copier la Becherovska, personne jusqu’à présent n’est parvenu à la reproduire, le secret étant dans la composition des herbes. La boisson a même fait l’objet d’un cocktail Becherovka + tonic du nom de «béton».
Karlovy Vary (Karlsbad) est considérée comme la ville d’eau la plus célèbre de la Bohême de l’Ouest, peut-être même de toute la République tchèque, même si bien d’autres stations tentent ici et là de lui ravir la place sur le podium. A la jonction des rivières Teplá et Ohre, elle possède une réputation séculaire car favorite du tsar Pierre le Grand et du compositeur Johann Sébastian Bach ou encore du poète Johann Wolfgang Goethe.
Depuis le sommet de la colline où se situe le musée de la Becherovka, c’est une agréable promenade par beau temps vers le lit de la Teplá entre des rangées de maisons anciennes datant de la fin du 19e siècle et des boutiques vendant les célèbres gaufres de Karlsbad. Le parcours se poursuit le long de la rivière, là où résident la plupart des sources thermales. S’il s’agit simplement de goûter les eaux aux nombreuses propriétés, leur consommation est gratuite et des échoppes vendent des petites tasses à bec pour que vous puissiez librement vous servir aux multiples robinets qui jalonnent le parcours. La source la plus spectaculaire est la colonnade d’eau de source qui projette par intermittence un geyser de trois mètres de haut et à une chaleur de 72°.
Mariánská Lazné (Marienbad) occupe probablement la seconde place en notoriété. Aménagée dans un grand parc fleuri, au milieu duquel ont été construit des pavillons, des kiosques à musique et de grands palaces, elle se distingue par de longues galeries de style Art nouveau.
Elle aussi a eu son lot de personnalités qui sont venues lui rendre visite tels Mark Twain, Franz Kafka, Gustav Mahler et le célèbre psychanalyste Sigmund Freud.
Le plus insolite est d’assister, à heure fixe, au ballet des jeux d’eau de la grande fontaine, au rythme, par exemple, de l’ouverture du Barbier de Séville de Rossini. Il est possible de se procurer le programme d’une dizaine d’œuvres interprétées dans la journée.
Le divin cristal
L’autre haut lieu de Karlovy Vary est l’usine Moser, illustre fabriquant en nombre et en qualité du fameux cristal de Bohême.
On le compare parfois au cristal de Baccarat ou de Saint-Louis en France. Créée en 1857 par Ludwig Moser, la petite manufacture familiale d’origine a fait place à une entreprise de renommée mondiale. Certes, ce n’est, et de loin, pas la seule usine à produire du cristal dans la région, mais sa renommée lui a valu la visite des grands hommes ou femmes d’Etat, de vedettes de la chanson, du cinéma et du sport.
On peut s’intéresser de près à l’historique de cette entreprise et à la description des techniques de fabrication, mais le clou de la visite demeure la visite des ateliers. On est alors subjugué par la dextérité de ces souffleurs qui réalisent de véritables tours de passe-passe.
Contrairement à beaucoup d’autres cristalleries, celle de la famille Moser a pour particularité de produire du verre sans plomb qui lui donne davantage de finesse de transparence et de luminosité.
Texte Erika Bodmer, photos Gérard Blanc
Excellent texte bien lu avant de partir en Tchequie
Merci de vos compliments qui, vous vous en doutez. nous font toujours plaisir.