JE PARS TRÈS LOIN
Salvador de Bahia est la base même de la création du Brésil. En 1501, le jour de la Toussaint, l’explorateur Amerigo Vespucci, celui à qui revient l’appellation même de l’Amérique, posa le pied sur une presqu’île, plus précisément dans la baie qui, juste suite des choses, s’appellera la «Baie de tous les saints».
C’est aussi à cet endroit que, par la suite, débarquèrent pendant plusieurs décennies des cargaisons entières d’esclaves importés d’Angola et du Nigéria, pendant toute la période de ce détestable commerce qui dura néanmoins plusieurs siècles. Salvador de Bahia est donc non seulement le point de départ de la création du Brésil, mais aussi la genèse de la population afro-américaine qui compose la large majorité de ses habitants, et lui donne une personnalité unique. C’est, par exemple, dans la province de Bahia que naquit la fameuse capoeira, cette danse inventée par les esclaves auxquels il était interdit de se battre. Ils inventèrent alors cette exhibition où les danseurs, dans une chorégraphie tenant de l’acrobatie, s’affrontent fictivement au son du tambour et d’autres instruments, dont le berimbau, cet instrument de fortune à une seule corde.
C’est aussi à Salvador de Bahia que se pratique le culte du candomblé, cette religion où se mélangent le catholicisme et les anciens rites s’apparentant au culte vaudou venant des esclaves et se référant notamment aux bases de la nature que sont, l’eau, le feu, la forêt, etc. Au Brésil, cette religion est encore très active, voire grandissante, au contraire de la religion catholique romaine. C’est enfin à Salvador que les femmes portent encore ce bracelet porte-bonheur appelé balandangã à laquelle sont accrochées des boules en argent représentant des fruits. Autrefois, les femmes esclaves se faisaient offrir une de ces boules par leur maître chaque fois qu’elles avaient fait une chose que celui-ci avait apprécié. La femme qui avait treize boules à son bracelet pouvait être affranchie.
Le Salvador moderne ressemble un tantinet à la tendance nord-américaine avec ses résidences secondaires sécurisées, ses grands immeubles et ses centres commerciaux. Mais là où on retrouve le caractère profond de ses habitants à majorité afro-américaine, se reflète dans l’attitude d’une certaine nonchalance fataliste. Elle n’empêche nullement une exubérance débridée dès qu’il s’agit de se ruer dans les commerces le samedi ou de danser à perdre haleine lorsque joue à tue-tête un orchestre de samba. Et puis, rien ne peut dérouter un habitant de Salvador lorsqu’il prend son café du matin ou sa caipirinhia au moment de l’apéro, qu’il soit seul ou en compagnie.
Quand on déambule dans les ruelles du quartier historique, il n’est pas rare d’entendre le son des percussions. Il peut, certes, s’agir d’un groupe musical s’entraînant pour le traditionnel carnaval, mais peut être aussi le fruit d’une initiative de l’ancien président Lula da Silva qui voulait que les jeunes se valorisent par la musique traditionnelle. Notre guide patenté nous a entraînés dans le sous-sol d’où montaient les sons de tambours et autres congas, pour assister à l’enseignement d’un professeur de percussion entraînant une demi-douzaine de jeunes élèves appliqués.
Le quartier des piloris
Le quartier historique situé en haut d’une colline est appelée, logiquement, la ville haute, comparativement à la ville basse, qui se trouve en bordure de mer. C’est un passage primordial pour toute visite de Salvador de Bahia avec, pour point de départ, la place du Palácio Rio Branco, là où se succédèrent les premiers gouverneurs. Chacun voulait mettre son grain de sel dans la décoration, ce qui donne aujourd’hui quelques incohérences esthétiques. C’est depuis l’esplanade de ce palais qu’on bénéficie d’une vue panoramique sur la baie de Tous les saints.
De là, le parcours classique mène vers la place rectangulaire Terreiro de Jesus, place municipale archétypique des zocalos latino-américains, avec, donnant sur une place arborisée où trône une fontaine et, à chaque point cardinal, des monuments tels que la cathédrale Basilica, le Musée afro-brésilien et l’église São Domingo.
A l’extrémité est de cette place se dressent la cathédrale et son monastère, les plus spectaculaires de tous les lieux saints de Salvador dédiés à Saint-François d’Assise. On décernera au cloître la palme des azulejos portugais, dont plusieurs représentent des leçons de morale, et à sa cathédrale, qui pourrait rivaliser de dorures avec les autres églises du Brésil. On pourrait encore citer et dépeindre des quantités d’autres églises, car il semble que Salvador de Bahia en ait environ 365.
Le long de ruelles animées aux maisons colorées occupées par des restaurants et des galeries de peintures et autres ateliers artisanaux, on descend en pente douce vers la place des Piloris (Pelourinhos) où les maisons aux murs bigarrés ont emprunté le style baroque. C’est sur cette place qu’étaient réunis, fouettés et vendus, sous l’oeil serein de l’église Notre- Dame du Rosaire des Noirs, les esclaves nouvellement arrivés devant la maison qui, par la suite, fut habitée par l’écrivain national Jorge Amado.
Le littoral
On peut rejoindre la ville basse par la partie inférieure de la place des Pèlerins ou encore descendre vers le marché Modelo et le fort de São Marcelo par le spectaculaire ascenseur «elevador Lacerda», construit en 1873 avec un dénivelé de 72 mètres. Il est dommage que la ville basse, en bordure de la «Baie de tous les saints», ait perdu son caractère au fil des années, mais entre les maisons résidentielles, les centres commerciaux, les immeubles et quelques espaces de bidonvilles, on trouve ici et là des sites typés.
Le pittoresque quartier de Rio Vermelho et son port de pêche ont pour centre d’intérêt la criée aux poissons, et dans le même local, une pièce insolite est aménagée à la gloire de Lemanjá, la déesse de la mer d’origine africaine et issue du culte candomblé. Elle est représentée sous différentes apparences, telle la vierge Marie ou une sirène sor tant des flots. Les adorateurs ne se privent pas de décorer ce petit local avec des monceaux de fleurs. Face à ce temple de fortune, un mur dominant le port sert de repos aux poissonniers qui devisent pendant les heures creuses en attendant avec nonchalance le moment du prochain départ à la pêche.
Sur les remparts du Forte de Santa-Maria, les amoureux se donnent rendez-vous à la tombée de la nuit pour des rendez-vous romantiques face au soleil couchant. La ville basse affiche résolument sa dévotion au culte candomblé, avec plusieurs statues des fameuses déesses «Orixas» au centre du lac Dique do Torro.
Plus au nord encore se trouve le quartier de Barra, avec ses restaurants de poissons en bordure de mer et ses promontoires, l’un arborant un ancien fort et l’autre un phare et une statue du Christ. Tout le long de la baie, les murs ont la parole avec une profusion de tags artistiques, voire même des mosaïques multicolores sur les thèmes de la mer ou de la vieille ville. L’église de Bonfim domine la baie. Sa visite a un côté insolite avec sa chambre latérale sur les murs de laquelle ont été épinglés des ex-voto sous forme de photos des personnes aimées ou de statuettes et sculptures représentant des parties du corps humain qui ont été guéries. A la sortie, on vous vendra comme porte-bonheur les petits bracelets de couleurs de Senhor do Bonfim da Bahia, qui exaucera trois voeux si vous faites trois nœuds autour du poignet.
Texte Erika Bodmer, photos Gérard Blanc
Infos pratiques
Vols
Genève-Lisbonne-Salvador avec TAP Portugal; Genève-Paris-Rio-Salvador avec TAM Airlines.
Hôtels à Salvador
Vila Galé (les pieds dans l’eau); Pousada des Arts (hôtel de charme dans le centre historique); Villa Bahia (quartier historique, hôtel de charme de classe, vue sur la place de Pelourinho); Villa Novo (hôtel budget de qualité, demander une chambre côté mer).
Boire et manger
Ne pas manquer la caipirinha (punch au rhum, cascaça et citron vert); poisson grillé, crevettes grillées ou en sauce, feijoada (buffet de viandes et de haricots). Une bonne expérience est celle du churrasco.
Une bonne adresse
Le Moi Preto face à l’aéroclub. Un conseil, mieux vaut avoir jeûné pour avoir un bon appétit. Des serveurs arrivent vers vous avec toute une variété de viandes grillées à la broche et vous servent à volonté. Au début, la combine est de dénigrer les broches d’abats ou de saucisse et d’attendre les meilleurs morceaux qui viennent ensuite. Le tout est agrémenté d’un gigantesque buffet de salades, de hors-d’oeuvre divers et de desserts.
Conseils
Les ruelles adjacentes de la place des Pèlerins sont dites peu sûres. Si vous décidez de vous y rendre, n’y allez pas seul, car les pickpockets y sont rois. Par contre, ils s’attaquent rarement aux groupes.
A voir encore
Dans la ville basse, le marché São Joachim et l’église Boa Viagem.
A rapporter
L’histoire du Brésil nous rappelle que l’or, l’argent et les pierres précieuses ont été convoités à l’extrême par les Portugais, en grande partie dans l’Etat qui s’appelle aujourd’hui Minas Gerais. Beaucoup de mines sont encore en activité. Au numéro un de la petite rue de Ordem Terceira, en plein quartier historique, la bijouterie Santos Simon est tenue par le joailler d’origine fribourgeoise Claude Schwarz. Les bijoux sont montés dans ses propres ateliers avec des pierres précieuses venant des mines artisanales brésiliennes.
Agrandir le plan
Bonjour, un grand merci pour l’article, bien détaillé et très intéressant. Cependant, je me permets de vous signaler que le mot « pelourinho » ne se traduit pas en français par « pèlerin »…les esclaves était attaché au « pilori » pour être punis…voilà l’origine du mot. Et il y a, bien entendu, toute une histoire sur cet endroit de souffrance…étant brésilienne d’origine et travaillant aussi dans le tourisme en collaboration avec un réceptif Brésilien basé à Rio, j’habite en France et serai ravie de vous être utile. Bien à vous, Maria de Oliveira
Bonjour Madame,
Votre commentaire est pertinent.
En retournant sur l’article, vous remarquerez que nous avons fait la correction nécessaire.
Merci de nous avoir signalé cette erreur.
Meilleures salutations.
La rédaction