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JE PARS SÉJOURNER

Le Montreux Palace sur grand écrin

Je me réveille un matin de début d’automne sur la Riviéra vaudoise, j’ouvre la fenêtre et stupeur! Voilà un paysage sur grand écran qui m’éblouit! Je ne pouvais pas rêver mieux que d’avoir devant ma fenêtre le Léman doucement ridé par une brise légère dominé par l’imposante ligne des Alpes savoyardes et valaisannes et, sur leurs crêtes, un liseré doré dû aux premières lueurs du soleil.

Je sais, le Montreux Palace n’est pas n’importe quel hôtel, mais que ne ferait-on pas pour y vivre une série de moments magiques, dont celui par lequel j’ai commencé ce récit. Passons maintenant au bâtiment lui-même. En entrant côté lac, un escalier impérial s’offre à vous.
On imagine alors, dans les années Belle Epoque (le Montreux Palace fut achevé en 1906), les robes à crinoline et les beaux uniformes qui en ont frôlé les marches tapissées de velours bordeaux, pour se diriger vers les grands salons où ils allaient tournoyer au son d’une valse de Strauss (Richard Strauss a d’ailleurs habité le Montreux Palace et c’est là qu’il a écrit, notamment, «Im Abendrot»). Rappel permanent, les boiseries des salons, les moulures, les ferronneries et les portes vitrées m’ont rappelé le style volontairement Art nouveau qui caractérise d’ailleurs plusieurs autres immeubles d’époque à Montreux.
D’un goût résolument original, les corridors dignes de l’«Année dernière à Mariendbad» sont, à chaque étage, dédiés à un grand peintre (Toulouse-Lautrec, Magritte, etc.), exposition permanente qui mérite bien de s’attarder dans les couloirs.
Il ne faut pas loger au Montreux Palace pour y être pressé car, sinon, vous en manqueriez tout le charme! Tout se passe en douceur.
C’est en tout cas ce qui prévaut chez le personnel dans son ensemble. On m’avait dit que dans les palaces suisses le personnel était, certes stylé, mais avec le nez en l’air.
C’est faux! J’ai trouvé au Montreux Palace un personnel qui savait conjuguer la discrétion, l’amabilité, la gentillesse et la compréhension, et ceci du bagagiste à la réceptionniste en passant par la femme de chambre, le concierge, le maître d’hôtel et le sommelier. Sans aucun doute, l’encadrement doit être à la fois humain et compréhensif, et ferme et strict sur la qualité de service, car sinon, il n’en serait pas ainsi. C’est le B. A. BA d’un personnel motivé.
Non que je me sente accroc du genre «people », mais cela me fait toujours un petit effet de savoir que telle personnalité a peut-être logé dans la même chambre, dîné à la même table ou encore parcouru les mêmes couloirs, surtout quand il s’agit de personnages historiques, littéraires ou des musiciens. Si la première en date fut la divine Sarah Bernhardt, suivie de près par, on l’a dit, Richard Strauss, le plus assidu de tous fût Vladimir Nabokov.
Ce dernier n’aurait d’ailleurs jamais pu imaginer l’impression que son passage à Montreux allait déclencher chez ses compatriotes russes, car des délégations entières de journalistes venus de Moscou et Saint-Pétersbourg ne veulent actuellement à aucun prix, manquer la visite du Montreux Palace, pour avoir une pensée nostalgique pour l’écrivain de «Lolita».
Et puis, comme on s’en doute, les vedettes du jazz, acteurs du Montreux Jazz Festival, établissent leurs quartiers dans le Montreux Palace. Parmi les plus illustres passages on nommera Miles Davis, BB King, Al Jarreau, Herbie Hancock et bien d’autres encore.
Enfin, et nous allons clore ici le sujet, le palace a servi de décor pour le tournage d’illustres films tels que «Lady L» avec, souvenez-vous, Peter Ustinov, Sophia Loren et David Niven.
Au risque de me répéter, je confirme qu’au Montreux Palace il faut savoir prendre son temps. Cela se vérifie plus que jamais quand on expérimente le centre de spa et, en particulier, l’espace Ayurveda. Le succès remporté par ces cures relaxantes en Inde ou au Sri Lanka, et dont le principe est une série de massages aux huiles essentielles, s’est donc exporté. On se sent transporté à l’autre bout du monde grâce aux senteurs d’encens et à la lumière tamisée d’une lignée de bougies orangées, le tout avec une musique asiatique légère comme fond sonore.
L’apothéose est au rendez-vous au restaurant Jaan (toujours vue sur le lac), dont le maître de céans est médaillé d’une étoile au guide Michelin. Je ne sais pas pourquoi, mais on a trop souvent tendance à classer les restaurants d’hôtel comme de seconde catégorie.
C’est peut-être parce que, lorsqu’on est client d’un hôtel, l’instinct pousse à immédiatement en sortir pour découvrir les environs.
Mais je peux vous assurer qu’au restaurant gastronomique Jaan, c’est la fête tous les soirs. Allez! Je vais avoir la cruelle tâche de vous mettre l’eau à la bouche avec quelques coups de coeur tels que les deux sublimes foies gras d’Alsace (au torchon et poêlé), le velouté de bolets, la dorade royale au basilic et fenouil, le boeuf Simmental aux poireaux et topinambours, le pruneau en fausse tartelette… Arrêtons là, vous allez m’assassiner. J’y ai également découvert deux vins sublimes: un sauvignon blanc 2003 et un riesling alsacien hors pair, tout ceci sans oublier la talentueuse pianiste qui sait si bien donner le la à toute cette fête.

Erika Blanc

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