A Kandy, la procession Esala Perahera honore la dent sacrée de Bouddha
Chaque année, un soir de pleine lune de l’été, des cortèges de plus de 3000 participants parcourent la ville de Kandy, histoire de faire prendre l’air à l’une des dents de Bouddha les plus choyées au monde.
En 174 avant Jésus-Christ, le roi des Cholas (dynastie tamoule) envahissait Ceylan et capturait 12 000 Cinghalais. Le roi cinghalais Gajabâhu parvint à libérer les captifs et à repousser les intrus. Cette victoire est l’une des nombreuses origines de la célébration de cette fabuleuse fête de la Perahera à laquelle il faut ajouter la naissance du dieu Vishnu. Les Sri Lankais sont convaincus que cette célébration leur apporte la bienveillance des dieux, lesquels donneront de la fertilité à leur terre et apporteront assez de pluie pour arroser leurs plantations. Mais, plus que tout, c’est la sortie annuelle de la fameuse «Dent de Bouddha» qui attire chaque année des milliers de pèlerins qui se massent le long des trottoirs de Kandy pour la voir passer sur le dos d’un majestueux éléphant.
Les grands airs
Parcours mouvementé: A Kandy, la visite du temple de la Dent de Bouddha est un passage obligé, que l’on soit pèlerin ou non. La ferveur des adeptes, et, surtout, des femmes, vous ferait presque devenir bouddhiste. Mais le plus fascinant est peut-être de prendre le temps de suivre le parcours hallucinant de cette fameuse dent décrit sur les fresques géantes de la grande salle. On apprend que 371 ans avant Jésus-Christ, la princesse indienne Hemamali se rendit au Sri Lanka, portant dans un noeud de ses cheveux une dent de «l’Illuminé», Bouddha, qu’elle a réussi à emporter après ses funérailles. Par la suite, cette dent sacrée allait, dans un scénario abracadabrant, rappelant l’histoire du Bouclier arverne d’Astérix, passer de main en main et de temple en temple, allant même jusqu’à engendrer des batailles rangées. Passons les détails pour nous concentrer sur l’itinéraire de cette dent qui suivit fidèlement la dynastie des rois de Cinghalais à Anurhadapura et à Polonaruwa, et ce n’est qu’en 1593 que la dent sacrée, douillettement conservée dans un écrin, fut transférée à Kandy par le roi Wimaladharmsuryia où, par la suite, un temple fut bâti qui est devenu aujourd’hui le point de ralliement des pèlerinages bouddhistes du monde entier.
Depuis le début de l’après-midi, une longue litanie émane des hauts-parleurs placés dans tous les coins de la ville. C’est celle des moines du temple de la Dent qui psalmodient inlassablement. Sur tout le parcours de cinq kilomètres que suivra le cortège du soir, la foule attend patiemment. Toutes les classes sociales et tous les âges sont au rendez-vous et ont, parfois, fait plus de 50 kilomètres à pied.
Il est 18 h. Il fait nuit noire. Seul le temple de la Dent brille de mille feux. Cachés derrière les murs du temple, les danseurs, les dignitaires et les vétérans, sans oublier, surtout, les éléphants, mettent la dernière touche à leurs tenues de fête. Dans l’obscurité, des ombres s’avancent le long des rangées de spectateurs. Une torche après l’autre s’illumine. Elles crépitent, lancent des flammèches de coprah incandescent.
Un détachement d’hommes en sarong et portant un bandeau autours de la tête s’avance. Ils manient de gigantesques fouets qu’ils font claquer dans les airs comme des coups de pistolets. C’est signe que le cortège peut s’ébranler. Les premiers tambours s’avancent et donnent la cadence de l’interminable cortège qui durera près de trois heures. Les quelques mille danseurs, joueurs de tambour, souffleurs de conque, jongleurs de feu sur échasses, porteurs d’offrandes, marcheurs sur braises et porteurs de drapeaux se succèdent parfois altiers, parfois désabusés, parfois en transe. Leur humeur pourra changer le long des cinq kilomètres de parcours qu’ils devront accomplir. S’intercalant entre deux groupes de danseurs ou de musiciens, les éléphants (environ 80) font sensation. Ils ont revêtu leurs plus belles parures faites de tissus chatoyants, de métaux précieux et de pierreries. Marchant à pas comptés dans une lenteur digne du pas du légionnaire, ils se balancent pesamment de gauche et de droite. Pas peu fiers, les cornacs qui les accompagnent ou les chevauchent, mesurant toute la noblesse de leur position ! Quatre éléphants ont l’honneur suprême de porter des reliquaires en l’honneur des dieux, le plus resplendissant étant, bien entendu, celui de la Dent de Bouddha. Marchant d’un air solennel, des dignitaires appelés «chieftains», revêtus de tissus brodés d’or et coiffés d’or et de pierreries adaptent leurs pas à ceux des éléphants. En fin de cortège défilent les quelques rares femmes donnant une touche élégante avec leurs gestes pleins de charme et jetant des pétales de fleurs au public enchanté.
Grandeurs impériales
Certaines personnes n’occupent leurs vacances au Sri Lanka qu’à se bronzer sur une plage alors qu’à 116 km au nord-est de Colombo se situe Kandy, la première d’une série de villes impériales, toutes plus fascinantes les unes que les autres. L’ancienne capitale des rois cinghalais, bâtie autour d’un lac artificiel, fut l’œuvre de Rajasinha, le dernier roi kandyen. A 200 km au nord de la capitale Colombo se trouve Anuradhapura, une autre des anciennes capitales du Sri Lanka, créée au IVe siècle avant Jésus-Christ. Les vestiges d’Anuradhapura, déclarée capitale de Ceylan en 380 avant Jésus-Christ, sont un modèle d’urbanisme. Les civilisations puniques, grecques ou romaines de la Méditerranée n’ont, semble-t-il, rien inventé en matière de confort, si on constate qu’à Anurhadapura des pensions et des hôpitaux existaient déjà, ainsi que tout un système très sophistiqué d’approvisionnement en eau. Certains monuments sont encore debout, comme Abhayagiri, le «Mont de l’Intrépidité», le plus grand des dagobas (temple bouddhiste) du monde, ou encore le palais d’Airain et ses 1600 piliers.
Le clou de la visite pour les pèlerins bouddhistes est le Bo sacré: un arbre né d’une pousse de l’arbre sous lequel Bouddha reçut l’illumination suprême. A une cinquantaine de kilomètres au sudouest se situe Polonaruwa, la capitale médiévale du Sri Lanka, qui prit la succession d’Anuradhapura. Les témoignages les plus impressionnants en sont les sculptures colossales de Bouddha, incrustées dans le granit et un Bouddha couché de 15 mètres de long et 7 mètres de haut. On y trouve aussi le fameux temple où fut gardé la relique de la Dent et le Siva Devale, temple hindou du 11e siècle et ses statues qui rappellent les sculptures de Khajurâho dans le nord de l’Inde. Même s’il n’a pas hébergé la Dent de Bouddha, l’un des sites les plus spectaculaires est le promontoire de Sigiriya (200 mètres de haut), forteresse taillée dans le roc au Vème siècle avant Jésus-Christ sur l’ordre du roi parricide Kâsyapa, qui fut aussi appelé le «roi lion», appellation étrange quand on sait que ce genre d’animal a toujours été inconnu au Sri Lanka. Sur le flanc du rocher, de nombreuses marches abruptes conduisent au sommet. En cours d’escalade, on peut admirer dans une petite grotte les fresques des «21 Demoiselles des nuages», lesquelles ont remarquablement résisté aux épreuves du temps, et ce depuis 475 avant Jésus-Christ.
Texte Gérard Blanc et Erika Bodmer
Photos © Gérard Blanc
Infos pratiques
Dates
La version 2020 aura lieu du 25 juillet au 4 août. L’achat de billet pour les tribunes lors des différents cortèges peut s’effectuer sur le site : https://www.kandyperaherabookings.com/
Y aller
Genève-Colombo via Dubai avec Emirates ou via Moscou avec Aéroflot + train Colombo-Kandy
Hotels à Kandy
The Kanfdy House, Cinnamon, Mahavely Reach
Mesdames, Messieurs
Félicitation – très bon texte, jolie fotos!
Harry Kolb