La Guyane, un tourisme atypique
Vous allez peut-être vous demander ce qu’on peut bien aller faire en Guyane française. De la plage? Des vestiges anciens, des grandes métropoles? Eh bien non. Le tourisme en Guyane, c’est tout autre chose. Ce coin de France dans la jungle amazonienne possède une saveur méconnue et épicée pour qui est curieux de découvrir un autre tourisme, plus intimiste et aux facettes multicolores.
Après avoir vu des films tels que «La mort en ce jardin» de Luis Buñuel, «Mission» ou «L’homme de Rio», vous pouvez imaginer le paysage que l’on découvre en visitant la forêt de la Guyane française, plus particulièrement le long des fleuves amazoniens tels que le Maroni, l’Approuague ou l’Oyapock. Ces fleuves et rivières sillonnent, comme dans les pays voisins, tels que le Surinam ou le Brésil, une jungle où des chasseurs débusquent tapirs, agoutis, pécaris et autres espèces insolites qui, parfois, atterrissent dans votre assiette dans certains restaurants.
La Guyane, c’est aussi l’extraordinaire métissage de sa population composée de Français de la métropole, de Créoles, de descendants de bagnards affranchis ayant choisi de rester sur place, de Chinois, que l’on retrouve dans un peu tous les commerces, mais surtout dans les épiceries, de «Marrons», descendant d’esclaves évadés, d’Amérindiens, de Brésiliens, clandestins pour la plupart, de Hmongs, immigrés venus du Triangle d’or (Thaïlande-Myanmar-Laos) et appréciés pour leur talent de maraîchers et leur aptitude à s’acclimater au climat de la Guyane pendant la période des pluies, et bien d’autres ethnies encore.
La Guyane, c’est enfin l’intimité des petits villages, chacun avec son église, comme, par exemple, celle d’Iracoubo, décorée par un bagnard, à la sortie de laquelle, après la messe ou le culte, on va boire une bière chez le «Chinois», dont l’épicerie, faute de bistrot, sert de rendez-vous social.
Mais, en Guyane plus qu’ailleurs, le point de mire est l’écotourisme qui prend toute sa valeur grâce à une équipe de guides patentés et passionnés qui, cerise sur le gâteau, vous emmèneront une nuit assister discrètement à la ponte des tortues luth sur la plage ou, au petit matin, à l’éclosion des oeufs. Non, la Guyane française n’est plus un enfer. Les bagnes sont abolis depuis belle lurette et ne servent plus qu’à évoquer une triste histoire révolue.
Le grand corridor vert
La nature guyanaise servirait assez bien des stéréotypes, mais point tels que de vous faire manger par un caïman ou étouffer par un anaconda. Si les animaux sauvages n’ont pas encore disparus (bien des espèces sont maintenant protégées), ils auraient plutôt tendance à fuir dès votre arrivée, surtout lorsque vrombit le moteur hors-bord de la pirogue qui vous fait remonter le fleuve jusqu’à votre première étape. Pour les approcher, une seule méthode possible: s’en remettre à un spécialiste de l’observation animale et végétale et suivre ses instructions à la lettre.
La capitale: C’est à Poncet de Brétigny que l’on doit les premières pierres de Cayenne en 1643.
A défaut de pouvoir vraiment en tirer des richesses agricoles en raison de la rudesse du climat, la Guyane fut finalement choisie pour y organiser la déportation politique de 1794 à 1805 en relation avec la Révolution française de 1789. Elle connut ensuite la période de la ruée vers l’or et, enfin, le bagne des prisonniers politiques et de droit commun. Toute découverte de Cayenne commence à la place des Palmiers, plantée d’arbres géants venant des bords du fleuve Approuague. Théâtre habituel des grandes manifestations telles que le 14 juillet, cette place est dominée par un vieil hôpital qui, même un peu délabré, a conservé tout son aspect colonial.
L’avenue du Général-de-Gaulle donne une bonne idée de ce que pouvait être Cayenne au temps des colonies, avec plusieurs maisons anciennes sur le modèle de celles qu’on trouve dans les centres des villes de Saint-Laurent-du-Maroni ou de Kourou, parfois coincées entre des boutiques et des grands magasins. Ici et là, des places pittoresques et ombragées font leur apparition comme la place des Amandiers face à la mer, prolongée par la pointe Buzaré d’où on bénéficie d’une vue sur des palmiers et une plage de sable, image insolite quand on sait que les Guyanais ne se baignent en général pas dans la mer, l’eau étant boueuse. Sur les hauteurs, le fort Cérépau domine la baie de Cayenne. Son site fut jadis habité par les Améridiens, puis par les colons français. Enfin, les marchés de Cayenne (aux fruits et aux poissons) représentent un événement essentiel pour les habitants et sont hauts en couleurs.
L’un des meilleurs exemples de cette aventure douce est au rendez-vous au fil de l’Approuague, un fleuve de 270 km de long, où les touristes ne se bousculent pas encore. La remontée du fleuve peut prendre deux heures de navigation depuis le village de Regina, au coeur de l’infiniment vert.
Au premier plan s’élèvent deux immenses parois de végétation luxuriante et haute d’une vingtaine de mètres. A grandes embardées de moteur hors-bord, la pirogue se faufile entre les écueils rocheux jusqu’à racler le fond lorsque le niveau de l’eau est bas.
Parfois, le piroguier coupe le moteur et laisse l’embarcation filer en silence, un moment béni que les passagers respectent avec recueillement. Chacun est aux aguets du cri triomphal d’un perroquet vert qui se perche au sommet d’un arbre, d’un singe qui observe son monde et disparaît en glissant sur les branches ou du plongeon d’un quelconque rongeur.
Le but est avant tout de communier avec la nature grâce aux commentaires du guide qui, noblesse oblige, connaît la jungle comme sa poche et, en pirogue comme sur terre, est apte à commenter les moeurs des insectes aussi bien que celles des plantes ou des animaux sauvages et, pardessus tout, vous expliquer la biodiversité et l’importance de chacun des composants de la nature. Il peut, enfin aussi, vous mettre en garde contre certains animaux ou plantes que, par ignorance, vous jugerez inoffensif alors que le simple fait de les toucher peu vous intoxiquer, telle, par exemple, la fameuse grenouille dandrobat, dont la sécrétion de la peau est un vrai poison. On ne touche que du regard!
Après une navigation d’un «saut» (petite cascade) à l’autre, on arrive en vue d’un campement à la Robinson Crusoë. L’embarcadère improvisé est relié à une clairière où a été établi un campement de carbets (cabanes en bois surmonté d’un toit conique en chaume) dans lesquels le sommeil est prévu en hamac. Ces campements sont souvent tenus par d’authentiques aventuriers qui s’entourent occasionnellement d’orpailleurs amateurs décidés à continuer de tenter leur chance.
De telles expéditions de quatre jours comprennent en général des baignades dans de petites criques sauvages, la relève des filets tendus en travers du courant et de longues randonnées pédestres dans les sous-bois pouvant parfois durer jusqu’à cinq heures à travers forêts et marécages menant, par exemple, aux sauts du Grand Machicou ou du Grand Canori, le plus grand rapide de Guyane, et sa cascade haute de 19 mètres.
Des images inoubliables, comme celle, enfin, d’un bivouac au coin du feu avec un verre de «ti-punch» à la main. De quoi perdre la notion du temps de la vie trépidante.
Les rocs du bagne
Enfer ou paradis? C’est la question qu’on se pose après avoir visité les îles du Salut en Guyane française. C’est en paradis terrestre que se sont métamorphosées ces îles inhabitées depuis le rapatriement des derniers bagnards en 1954. Une végétation tropicale s’y est abondamment développée. Cela donne aux trois îles du Salut l’apparence de jardins botaniques avec cocotiers, hibiscus et bougainvilliers. Mais ces lieux deviennent un enfer quand on imagine la vie qui y régnait entre 1852 et 1954. Il n’y avait alors de végétation que dans les jardins du personnel d’encadrement, les prisonniers étant exposés aux ardeurs du soleil et aux pluies diluviennes. La chaleur y était suffocante.
Aujourd’hui, des animaux (aras, agoutis et singes capucins) s’ébattent entre les ruines des bâtiments carcéraux en cours de restauration pour remémorer l’une des pires institutions du régime carcéral français.
Certes, tous les détenus qui séjournèrent dans les bagnes de Guyane et, en particulier des îles du Salut, n’étaient pas des saints.
Mais elles hébergeaient aussi des prisonniers célèbres, tels que Dreyfuss ou Séznec, dont la culpabilité ne fut pas établie. En visitant l’île Royale et son musée du bagne on frissonne en imaginant les traitements inhumains que subissaient des hommes dont la culpabilité n’était pas toujours prouvée. On a froid dans le dos quand on visite les cellules sans fenêtre, où les détenus punis avaient les pieds aux fers et ne pouvaient que dormir sur le dos ou s’asseoir sur leur lit dans une obscurité totale pendant six mois ou plus. Parmi les autres bâtiments rappelant l’ère du bagne, il faut citer l’église, dont les murs ont été décorés par un bagnard doué aussi bien pour les fresques religieuses que pour fabriquer des faux dollars. Enfin, on pourra bientôt visiter l’hôpital réservé aux civils, un bâtiment imposant dont la restauration sera achevée sous peu.
Promenade
Outre sa forêt tropicale et ses iguanes verts, le sentier côtier de l’île Royale permet de découvrir des bâtiments dignes d’intérêts, comme la tour du haut de laquelle on surveillait les éventuels évadeurs de Dreyfuss.
Juste à côté se trouve l’ancrage transbordeur, d’où un cable reliait l’île du Diable. On véhiculait par ce moyen une cabine dans laquelle étaient transportés des prisonniers soumis à la punition de «forteresse», ainsi que des vivres pour nourrir les bagnards et leurs geôliers. Des frissons viennent enfin en visitant la boucherie, où les abats de viande étaient jetés à la mer, non sans avoir sonné la cloche pour avertir les requins qu’un festin allait être servi, histoire de décourager les éventuels fugitifs à la nage.
Les autres îlots
Les trois îlots s’appelaient jadis les îles du Diable, nom donné par les navigateurs à voile, qui, en raison des forts courants, ne parvenaient pas à les approcher. Ensuite, les premiers colons qui vinrent s’y installer les baptisèrent îles du Salut, parce que bénéficiant d’un climat plus salubre que celui du continent et sans caïmans ni serpent. Si l’île Saint-Joseph est aujourd’hui occupée par la Légion étrangère, celle du Diable ne reçoit guère de visites. Depuis l’île Royale, on aperçoit une autre maison spécialement construite pour Dreyfuss lorsqu’il fut mis à l’isolement.
Une autre découverte émouvante est celle du «centre de tri» des bagnards à Saint-Laurent-du-Maroni.
En route pour l’infini
Si certaines personnes ne peuvent guère situer avec précision la Guyane française et Cayenne sur une carte géographique, plus nombreux, par contre, sont celles qui ont entendu parler du Centre spatial guyanais de Kourou. C’est l’attraction première des visiteurs qui transitent par Cayenne, un peu comme le visiteur d’Orlando (Floride) qui ne manque pas le détour par le Cap Canaveral. A environ 60km de Cayenne, le centre est spécialisé dans le lancement de satellites à missions commerciales et scientifiques. Des foules de curieux s’intéressent chaque jour davantage aux centres opérationnels, aux rampes et aux tables de lancement géantes et aux nombreuses autres installations techniques comme, par exemple, le spectaculaire système de refroidissement par arrosage, relié à un château d’eau. L’idéal, bien entendu, serait de pouvoir assister au lancement d’une fusée, mais, au même titre que l’éruption d’un volcan, il ne peut pas toujours être prévu avec précision et doit être parfois repoussé de plusieurs mois pour des impératifs techniques ou météorologiques. Mais que le visiteur ne se décourage pas, les chances sont nombreuses, les lancements pouvant dépasser la dizaine par année. Pour compléter la visite du site, un musée de l’espace a été conçu hors de l’enceinte du centre spatial à proprement parler.
Gérard et Erika Blanc
Infos pratiques
Formalités
Passeport valable.
Santé
Crème solaire, produit antimoustiques, vaccin contre la fièvre jaune.
Se renseigner
Office fédéral des affaires étrangères.