Castellamare, Erice et Marsala, la Sicile bucolique
Si la réputation archéologique de la Sicile n’est plus à refaire, cette île contient encore bien d’autres trésors qu’on aurait, à tort, tendance à laisser de côté.
Inutile de tergiverser: le meilleur moyen de visiter la Sicile est la voiture de location. Nulle intention de dénigrer les organisateurs de circuits, mais dans un autocar, on perd bien souvent le sel de certaines découvertes sur le chemin des écoliers. Trois exemples parmi des centaines d’autres sont Castellamare del Golfo, Erice et Marsala. Il suffit pour cela de ménager un peu de temps supplémentaire entre les visites de sites certainement incontournables, comme Syracuse, Agrigente, Selinunte ou Segeste.
A quelques kilomètres de Palerme, en longeant la côte en direction de l’ouest, Castellamare del Golfo s’apparenterait à Cattolica du début du siècle dernier. Ce petit port de pêche a tout de la carte postale avec, en surplomb des maisons à flanc de falaise et les sempiternels linges pendus aux fenêtres, une plage de sable blanc et, en arrière-plan, la montagne et ses oliviers. Pour couronner le tout, une vieille ville aux toits de tuiles rondes offre une vue plongeante sur le port à l’ouest et sur la belle Bleue au nord. Avec ses rues étroites, elle représente à elle seule toute l’Italie australe avec ses archétypes, comme la vieille femme au châle noir assise sur les marches de sa maison, ou l’adolescent faisant butiner sa vespa et, au fond d’une cour ombragée, un jeune attentionné qui fera monter par l’extérieur un panier rempli de victuailles à sa grand-mère grâce à un cordage coulissant dans une poulie. Image d’Epinal aussi que ce port, où les pêcheurs réparent leurs filets sans crainte du soleil ardent, où une bande de jeunes devisent de goguenardise en nettoyant la coque d’un chalutier.
Rien de très exceptionnel dans tout cela et pourtant tellement réconfortant; une simple vision de couleurs vives et de vie quotidienne qui aurait certainement inspiré bien des peintres impressionnistes. La ville est un dédale de ruelles étroites où le visiteur inexpérimenté a vite fait de se perdre en voiture entre les nombreux sens uniques et sens interdits, les rues où deux voitures ne peuvent se croiser et des ponts étroits. La seule manière d’en sortir est encore de faire appel à l’amabilité d’un vieux pêcheur à casquette. Le moyen de locomotion le plus sûr reste donc la marche à pied qui permet en toute quiétude de visiter le château et l’église baroque.
Les salines de Mozia
A huit kilomètres de Marsala se trouvent les marais salants de Mozia. Les digues aménagées entre les bassins d’eau de mer, les ouvriers disposant des tuiles rondes sur d’immenses tas de sel et les moulins à vent alignés au milieu des bassins forment une image qu’on dirait sortie d’une toile de Van Gogh.
Au temps du Moyen Age
Après ce petit intermède, la logique veut que vous alliez visiter le site archéologique de Segeste. Ensuite, à quelques kilomètres de là, votre escapade pourrait bien être pour Erice, à laquelle on accède par une route en colimaçon, qui gravit, à travers une pinède, un promontoire rocheux d’une hauteur de 751 mètres. Au sommet, c’est la surprise totale. On est plongé dans un autre monde. Celui du Moyen Age avec des rues étroites pavées et leurs caniveaux centraux, des maisons aux murs de pierre et aux tuiles méridionales, et des monuments retraçant son histoire.
Histoire mouvementée
Comme le témoignent ses remparts et châteaux, Erice a été le théâtre d’une histoire à rebondissements multiples au fil des siècles, et ce depuis la fin du Ve siècle alors qu’elle était habitée par la peuplade des Elymes.
Vinrent ensuite les Carthaginois, puis les Romains les Vandales, les Normands, les Arabes, les Turcs, etc., un défilé incessant d’envahisseurs. Sur le côté est, les murailles phéniciennes sont encore bien conservées grâce aux remaniements normands du 12e siècle, principalement aux alentours de la Porta Spada à laquelle on accède par l’escalier de la Via Adolorata. Le château de Pepoli domine le verdoyant jardin du Balio, mais il faut aller jusqu’à la pointe antique, là où se trouve le château médiéval arabo-normand de Vénus pour avoir à la fois une vue sur la colline d’Erice, le dôme de l’église San Giovanni Battista et la campagne de Valderice. Le plus grand plaisir est encore de flâner dans les rues et le long des remparts puniques pour y glaner de merveilleuses images qui feraient le bonheur de beaucoup de photographes. Le tableau le plus pittoresque de tous est celui de la Piazza Umberto avec sa charmante terrasse de bistrot, qui appelle à la pause. Un tel promontoire offre aussi l’avantage indéniable d’un magnifique panorama sur Trapani et son port. En visitant Erice en basse saison, on a l’impression d’une ville déserte, comme si les habitants craignaient d’hypothétiques envahisseurs qui n’ont pas cessé de meubler les siècles d’histoire qu’a vécu cette ville. C’est que la plupart des maisons sont des résidences secondaires des habitants de Trapani ou de Marsala.
Du vin et su sel
En continuant à longer la côte ouest en direction du sud, l’étape suivante est pour Marsala, ville mondialement célèbre pour ses vins. A la pointe du cap Lilibeo, elle est typiquement méditerranéenne avec ses quartiers de résidences de vacances fleuries de bougainvilliers et de lauriers roses, ses quartiers plus populaires regroupés autour d’une place de marché et la cité médiévale. Le long des quais interminables qui contournent la ville en longeant la mer, les Marsalesis s’adonnent à leur passetemps favori: la pêche à la ligne.
Son nom vient de Mars-el-Allah, influence arabe. Sans entrer plus à fond dans l’histoire, vous remarquerez que le vieux quartier de style baroque n’a rien perdu de sa planification urbaine punique avec, notamment ses rues rectilignes. En passant la grande Porta Nuova on pénètre au coeur de la vraie ville de Marsala, celle délimitée par les vias Sibilla, Battiosti, Colocasio et Alagna. On y découvre notamment la cathédrale dédiée à Thomas Becket qui domine la place de la République. C’est là que sont exposées huit magnifiques tapisseries flamandes datant du XVI ème siècle, lesquelles retracent les épisodes de la guerre romano-juive. Sur la même place donne le palais Pretorio, dans la cour duquel les notables perpétuent les palabres très gestuels, les mêmes depuis des siècles.
Textes Erika Bodmer, photos Gérard Blanc,
sauf Une à Erice © stocklib_bepsphoto
Informations pratiques
A manger
Petites seiches, filets de rougets, pâtes busiata faites à la main, coings cuits dans le moût, miel de sarriette, cassate à la mode d’Erice: bon appétit! On trouve tout ça au restaurant Le Mozia à Mozia (buffet d’hors d’œuvre local, poissons grillés) ou, avec vue panoramique et cadre rustique, à La Pineta à Erice.
Pour dormir
A Marsala, le Baglio Oneto, ancienne ferme fortifiée transformée en hôtel de charme, tout autant que La Tonara de Bonagia à Erice, une ancienne thonerie.
Caves
Les boutiques pour touristes proposent une variété de vins de Marsala aux parfums multiples (oeuf, amandes, mandarine, etc.). Ces derniers sont ouvertement dénigrés par les oenologues des grandes caves, comme celle de Pellegrino, qui veillent à ce que l’appellation contrôlée du Marsala, vin de dessert ou d’apéritif comme le Porto, soit rouge ou blanc, sans additif, tel que l’avait imaginé son créateur britannique John Woodhouse, qui voulait renouveler l’expérience juteuse du Porto.
Agences spécialisées
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