Belfast, les murs ont la parole
Quel bonheur que de se promener dans les rues d’une Belfast ayant retrouvé la sérénité! Cette ville prend rapidement le chemin des autres destinations favorites pour l’escapade d’un week end à l’instar de Paris, Londres ou Barcelone.
La réouverture de la ligne régulière d’easyJet à partir du 19 décembre entre Genève et Belfast a deux motifs évidents: répondre à une augmentation du niveau de vie belfastois générant un déferlement annoncé de skieurs sur les pistes de ski alpines, suisses et savoyardes, et le développement de Belfast en tant que point de départ de la visite de l’Irlande du Nord au Sud et, de pair, un centre de shopping pour les Romands et les voisins français. Depuis le cessez-le-feu de 1994, c’est comme si elle voulait d’un coup reprendre goût à la vie et se consacrer sans plus attendre à son développement de l’immobilier, de la culture et du tourisme.
Belfast peut se diviser en quatre quartiers centraux qui peuvent facilement se visiter à pied: Le centre-ville qui s’étend à quelques centaines de mètres autour de la place Donegall et l’hôtel de ville en son centre; le University Quarter, autour de l’Université de Queen et du jardin botanique; le Cathedral Quarter et ses maisons victoriennes; et le Golden Mile, au-delà de Bradbury Place et de Great Victoria Street, dont les étudiants de Belfast aiment à dire avec une légère moquerie: «Ce n’est pas un mile, ce n’est pas doré, mais c’est finalement assez sympa».
Fresques éloquentes: Ce qui attire en premiers lieux les touristes d’aujourd’hui sont les «circuits politiques» des quartiers périphériques ouest et leurs quelques 120 peintures murales, à message politique pour la plupart.
Il y a quelques années à peine, la zone la plus dangereuse de Belfast était celle des quartiers populaires ennemis voisins: Falls pour les républicains et Shankhill pour les loyalistes. On passait de l’un à l’autre en traversant l’ancien «Mur de la paix» qui séparait les deux idéologies opposées par des points de contrôles militaires. L’un d’entre eux était d’ailleurs baptisé «Check-Point-Charlie», rappel sarcastique au Mur de Berlin. Ces deux quartiers sont donc aujourd’hui la grande curiosité de touristes venus du monde entier pour admirer principalement les expressions murales qui les caractérisent.
Admirer est le juste mot car, dans certains cas, ce sont des véritables oeuvres d’art, malgré la violence qu’elles peuvent dégager.
Le mur le plus spectaculaire est celui d’inspiration révolutionnaire de Falls Road, lequel fait état d’une sympathie évidente pour la Palestine, le pays Basque (not Spain, not France), Cuba et les héros de l’IRA, ainsi qu’une antipathie manifeste pour l’administration Bush.
Dans les rues adjacentes, on découvre bien d’autres fresques encore: ici un violoniste irlandais au plus fort de son inspiration dans un thème musical gaélique, là une épitaphe à l’honneur des dix grévistes de la faim, dont la revendication était le statut de prisonniers politiques et non de criminels de droit commun. Ils moururent sous l’intransigeance de Margaret Thatcher. Plus loin encore, le portrait de leur leader et poète, le célèbre Bobby Sands, élu au parlement de Westminster, bien qu’incarcéré. D’autres épitaphes ici et là rappellent à la mémoire des passants les adultes et les enfants qui tombèrent sous les balles perdues, bien souvent, avant le cessez-le-feu de 1994.
Passons maintenant dans le quartier de Shankhill où se trouvent tout autant de fresques que dans celui de Falls, mais avec des messages parfois plus violents. Pour la plupart, elles font l’apologie des paramilitaires cagoulés qui tiraient contre les habitants des quartiers républicains. D’autres fresques sont à la gloire d’Oliver Cromwell, mais surtout une peinture hautement symbolique est celle du roi William III, prince d’Orange, traversant la rivière Boyne à l’occasion d’une victoire contre les catholiques en 1690, bataille célébrée chaque année par une procession des ligues orangistes jusque dans le quartier républicain, provocation qui causa maintes fois l’embrasement de Belfast. Une autre des célèbres fresques du quartier de Shankhill est encore celle représentant les divisions de l’Ulster qui percèrent les lignes allemandes à la bataille de la Somme et perdirent 3000 hommes (la population totale irlandaise n’était alors que de 1,4 million d’habitants).
Le «Mur de la paix» en cours de démolition, de même que certaines parties des anciens quartiers belligérants, sont actuellement l’objet de fortes spéculations immobilières qui placent désormais Belfast au 3e rang des villes du Royaume-Uni, où les prix des maisons à acheter sont les plus élevés.
Un chantier de 38 000 personnes
Il y a trois ans, personne n’aurait imaginé que des bateaux de croisière viendraient faire escale au port de Belfast. 2007 a été l’escale de pas moins de 3 navires arrivés par la passe Victoria: le signe d’une reprise de l’activité portuaire, mais surtout une excellente promotion pour la nouvelle attraction de Belfast qu’est la remise en état d’un circuit des chantiers navals du Titanic.
Pour rappel, le paquebot qui connut le destin tragique qu’on connaît, fut construit dans le port de Belfast, de même que son grand frère, l’Olympic, oeuvres gigantesques de l’entreprise Harland & Wolff que l’on peut se représenter en visitant le complexe Odyssey.
On peut imaginer l’ampleur du labeur en voyant sur un mur l’agrandissement d’une photo de l’époque faisant état de l’arrivée chaque matin de plus de 38 000 ouvriers aux cales sèches des deux navires en chantier que furent le Titanic et l’Olympic et dont l’histoire sera très prochainement relatée dans le musée du Thompson Dry Dock, qui ouvrira ses portes à l’occasion du 100e anniversaire du naufrage du Titanic en 2012, y compris un vaste espace scientifique qui sera aménagé dans les anciens chantiers de Harland & Wolff et qui portera le nom de Titanic Quarter.
Gaélisme et culture pubs: Bien que les Irlandais du Nord se présentent à 50% comme des citoyens du Royaume-Uni, Belfast est indubitablement irlandaise. Certains habitants auraient presque un accent à couper au couteau, similaire à celui des Dublinois.
Falls se mute aujourd’hui en «Gaeltacht» (zone de culture gaélique) et s’est récemment doté d’un centre culturel avec une bibliothèque, un théâtre et un restaurant, où il est de bon ton de parler la langue irlandaise. Peu à peu, les magasins des alentours adoptent aussi cet idiome sur leurs enseignes.
Mais ce qu’apprécieront les non-initiés sera surtout l’authenticité des pubs où la musique traditionnelle est reine, au même titre qu’en République de l’Eire, les fleurons étant Fibber Mc Gee’s, Madden’s, John Hewet ou le Duke of York. Il est préférable de s’informer préalablement sur les jours de semaine où ils sont ouverts et où la musique est annoncée.
Faire le tour des pubs est aussi une façon de remonter dans l’histoire de Belfast, au temps où la cité vivait une intense activité commerciale marine et, notamment, lorsque rivières et bras de mer arrivaient jusqu’au centre de la ville. Les pubs dans certains quartiers, où la vie nocturne était intense, tant dans les débits de boissons que dans les lieux de rendez-vous galants ou maisons closes, étaient alors visités par les marins. Tels furent le cas des Kelly Cellar’s, White’s Tavern et The Mermaid, des vieux pubs qu’on croirait sortis d’un roman de Charles Dickens.
La pièce de musée est avant tout le Crown et ses alcôves aménagées pour que même depuis le premier étage d’un «double-decker» (bus à 2 étages toujours en circulation à Belfast) l’épouse ne puisse pas y voir son mari qui, censé être au travail, se trouvait en charmante compagnie.
Belfast se branche
Belfast se branche: Avec pour épicentre la City Hall (hôtel de ville), le coeur de Belfast est devenu un vaste espace commercial avec les bureaux aux étages et, au rez-dechaussée, un éventail de boutiques de vêtements «in», de bijoux et de marchands de chaussures. Un peu partout, le shopping prend ses marques. Des mégacentres commerciaux ouvrent leurs portes. «Trendy» est le terme pour désigner les quartiers branchés ou en devenir de Belfast. Ceux-ci se situent aujourd’hui dans le quartier estudiantin du «Golden Mile», l’artère qui relie le centre-ville aux quartiers universitaires, ou encore aux alentours de la cathédrale (Cathedral Quarter), où pullulent les manifestations artistiques (environ 50 par jour). Mais il est un quartier périphérique à voir de près: la Lisburn Road. A environ à 20 minutes à pied de la Donegall Place, cette longue avenue devient la coqueluche des amateurs de peintures modernes, de mobilier design ou de poteries. Imaginez un quartier dominé par les collèges de la pure inspiration britannique, où la dominante architecturale est celle des maisons victoriennes à un étage dans lesquels les décorateurs et architectes d’intérieur s’activent pour d’imminentes ouvertures de galeries de tableaux, de bars ou de restaurants qui recevront les prochains habitants de ce quartier venus d’un peu partout de l’Europe. Déjà certains établissements ont à leurs palmarès les visites régulières de Sharon Corr, chanteuse des Corrs, ou encore le champion de formule 1 Eddie Irvine, sans oublier l’équipe de football de l’Irlande du Nord. On peut les croiser au cocktail’s bar du Merchant Hotel, aux pubs The Spaniard ou The Duke of York, ou encore aux cafés plus modernes tel The Tatu.
Mais les clubs en vogue qui datent tout au plus de 1995 sont en tout premier lieu le Shine, où se produisent les groupes nord-irlandais, comme Layo and Bushwacka, Felix da Housecat ou encore David Holmes.
Gérard Blanc (texte et photos)
Infos pratiques
Vols
Genève-Belfast avec easyJet
Renseignements
Belfast Visitor & Convention Bureau: +44 28 9023 9026,www.gotobelfast.com.
Agences spécialisées
L’Atelier du voyage, +41 21 312 34 22, Falcon Travel, +41 22 787 57 00