Balcon sur la mer…
Entre montagnes et mer, villages médiévaux et plages sablonneuses, la Ligurie dessine un arc de terre aux multiples cordes. Florilège avec Francesco, natif du coin et chauffeur de taxi.
« La Ligurie, c’est comme la Côte d’Azur, mais sans le béton. Sa nature a été préservée.» La septantaine alerte, Francesco, chauffeur de taxi, commente dans un français parfait sa région. Un territoire formé de quatre provinces – Gênes, Imperia, la Spezia et Savonne – qui, bien que petit par sa taille, possède d’innombrables charmes. Les paysages d’abord, conciliant mer et montagnes, entre les eaux de Ligure, les Alpes et les Apennins. Des tableaux qui se déclinent en plages sablonneuses, vertigineuses falaises, collines boisées… «Ce qui symbolise le plus la région? Les oliviers et les fleurs», répond sans hésiter le conducteur tout en vantant l’excellence de l’huile du cru tirée de minuscules et savoureuses olives noires et vertes. «Mais attention, il vaut mieux l’acheter directement aux producteurs. Beaucoup d’huiles sur le marché mentionnent à tort leur origine ligurienne. Souvent, seule leur mise en bouteille a été faite ici.» Si les champs d’oliviers argentés ponctuent les balades, la culture des fleurs, se pratiquant sous serres, échappe en revanche au regard. Mais pas les extraordinaires plantes grasses, larges variétés de cactus, bouquets de girofles, grappes de lilas… agrémentant souvent rues et habitations.
La séduction des bourgs…
Outre la richesse et la diversité de sa nature, la Ligurie abrite nombre de petits villages qui justifient eux aussi un séjour dans la région.
«Le plus beau, c’est sans conteste Apricale», affirme Francesco. Accroché à flanc de montagne, tout près de la frontière française, le bourg est en effet un petit joyau d’architecture médiévale avec sa concentration d’édifices typiques, ses portes antiques, son château, ses sombres et sinueuses venelles, les carruggi, reliées par des perrons raides…
Mais il ne s’agit-là que d’un exemple parmi tant d’autres. Plusieurs bourgs à l’image de Cervo, serti dans un écrin de pins et de chênes, qui affiche lui aussi un jeu capricieux de passages et de ruelles ombragées, ou Noli, «ancienne gloire maritime», aux tours mouillées par la mer, enchanteront les promeneurs, qui pourront apercevoir, au gré de leur pérégrination dans l’arrière-pays, ici des frantoi, anciens pressoirs à huile, là de ravissantes églises, ou seulement goûter à la quiétude de hameaux aux charmes désuets.
… et des petites villes
Longeant la route côtière bordée d’une onde vert émeraude, Francesco gagne Imperia, «la commerçante». Cette ville souriante avec ses arcades, son marché, ses pittoresques ventes de poissons à la criée, sa promenade en bord de mer, lui remémore des souvenirs. Née de la fusion en 1923 de deux villes, Oneglia, qui fut la propriété des Etats de Savoie, et Porto Maurizio, étroitement liée à Gênes, Imperia conserva longtemps la mémoire des rivalités passées.
«Moi, je viens de Porto Maurizio, mais j’ai suivi l’école à Oneglia. Toute ma jeunesse, on m’a appelé l’étranger!» Connue pour ses fabriques de pâtes – même si Francesco regrette qu’on ne produise aujourd’hui à Imperia plus que quelques variétés de barila sur les dizaines existantes – la ville est aussi en passe d’abriter un des plus grands ports touristiques d’Europe. Pour les plaisirs balnéaires, on préférera toutefois Alassio avec sa plage de sable fin, ponctuée de terrasses engageantes. Une localité également réputée pour son interminable rue marchande et son muretto, petit mur, où ont été apposées des plaques en céramique signées par des personnalités. On y verra par exemple la griffe de Louis Amstrong, de Jacques Prévert ou de Picasso. Point de départ d’une excursion sur une ancienne voie romaine, les hauts de la cité offrent pour leur part une vue imprenable sur la «Grande Bleue», le port de yachts blancs et l’île de Gallinara – réserve naturelle et paradis des mouettes.
Aussi pour le palais
Capitale de la Ligurie, Gênes ne saurait être boudée du circuit. Ne serait-ce que pour flâner dans ses quartiers historiques, visiter ses musées, ou découvrir son gigantesque aquarium. On ne manquera pas non plus de voir ou de revoir, dans la province Portofino, les jolies maisons dessinant un arc-en-ciel pastel sur la côte du levant. Havre coquet dont la célébrité n’a rien enlevé à sa superbe. Du moins en basse saison… Mais si la Ligurie a de quoi ravir le regard, elle sait aussi combler les palais les plus exigeants avec sa goûteuse cuisine méditerranéenne et ses spécialités de poissons, fruits de mer, gibier… sans oublier ses vins. «Le plat traditionnel: les pâtes au pesto. Délicieux», affirme Francesco maugréant maintenant contre la densité du trafic.
«Des solutions existent pour désengorger la côte. Mais les projets dorment toujours dans les tiroirs. C’est aussi ça, l’Italie, la désorganisation, les pots-de-vin, les belles promesses…. » Pas de quoi faire oublier l’exceptionnelle lumière dans laquelle baigne la région, véritable balcon surplombant la mer, son climat tempéré et cette douceur de vivre présente à l’ombre des parasols comme dans l’arrière-pays, pour peu qu’on sache se perdre sur le chemin des écoliers.
Texte et photos Sonya Mermoud