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Belleville, l’antidote de Montmartre

Il s’en est fallu d’un pouce pour que Belleville devienne un autre Montmartre avec son parc quotidien d’autocars de touristes. Que lui a valu cette réputation? Le Sacré-Coeur.

L’Eglise du Jourdain sur la place du même nom n’a pas, et de loin, la même notoriété que la célèbre basilique. Une autre raison, plus sournoise, fut que Belleville était considérée autrefois un peu comme la «pestiférée» de Paris, en raison de son humeur rebelle. Inscription sur un mur à BellevilleCe village dans la ville a, en tous temps, eu la réputation de l’éternelle insoumise, au point que dans le but de punir et de mater «Belleville la rouge», une administration conservatrice décida de répartir les deux côtés de la rue de Belleville dans deux administrations distinctes: celle du 19e arrondissement et celle du 20e.
C’est en effet depuis Belleville que partirent la plupart des insurrections de Paris, depuis la nuit des temps, avec, notamment, la Commune de Paris, les diverses révolutions françaises et, en tout dernier, Mai 68 qui, s’il n’était pas le départ des manifs, a trouvé en Belleville un creuset de révolte.

La rue de la môme
Mais sortie de cet aspect politique, et peut-être aussi à cause de lui, Belleville gardera toujours son caractère bien trempé qui lui valut les évocations de plusieurs poètes et chanteurs, comme le grand Aristide Bruant, la chanteuse Fréhel, qui fut un temps la compagne de Maurice Chevalier, lequel la quitta pour fréquenter Mistinguett, le grand
Maurice lui-même qui y naquit, et, peut-être, la plus célèbre de tous, qui faillit naître dans un caniveau au 72 de la rue de Belleville: Edith Giovanna Gassion, dite Edith Piaf, dont la mère était une immigrée berbère. On peut d’ailleurs suivre tout un parcours sur les traces de l’illustre chanteuse dans divers coins du quartier et même ailleurs à Paris.Devant la maison de la môme Piaf

Un village
Paris offre le plaisir de se laisser découvrir, encore plus aujourd’hui, grâce à cette belle initiative qu’est le «vélib’», ce système de mise à disposition par la ville de Paris de vélos qui fait fureur et attire de plus en plus d’adeptes.
La grande capitale est comme un rassemblement de plusieurs villages les uns collés aux autres. Belleville en est l’un des meilleurs exemples et ce n’est d’ailleurs pas par hasard qu’on l’appelle le «hameau».
Dépêchons-nous donc de visiter Belleville et de découvrir ses aspects très «province», en entrant dans les nombreuses cours d’immeubles qui sont abondamment fleuries.
Pourquoi se dépêcher? Parce que les portes des immeubles en question sont de plus en plus équipées de codes d’entrée. Si vous souhaitez les découvrir, il est peut-être préférable de s’octroyer les services d’un guide patenté comme, par exemple, le fameux François Kneuss, un Suisse qui habite à Paris depuis plus de trente ans et connaît Paris «presque» comme sa poche, qui est au courant de certains codes et peut vous guider vers les cours les plus pittoresques. On découvre alors de véritables jardins campagnards, bacs à fleurs et arbustes, petits pavillons à un étage, bref, rien de ce qui pourrait faire penser au «grand» Paris. Plusieurs artistes et autres vedettes du spectacle y ont d’ailleurs élu domicile, à un tel point qu’une ruelle porte désormais le nom du comique Fernand Raynaud. Au sortir d’une cour, une fois passé le portail de l’immeuble, c’est la circulation trépidante qui reprend ses droits.
L’une des cours les plus étonnantes à découvrir est encore celle qui abrite l’ancienne mairie du 19e arrondissement.
Si les graffitis et les tags sont des expressions à la mode, parfois heureuses, parfois non, il n’est pas rare de trouver sur les murs de Belleville des expressions pittoresques, voire poétiques, le hameau ne manquant pas de têtes créatrices. L’un des slogans les plus en vue (qui n’est pas un graffiti d’ailleurs) reste cette façade d’immeuble avec des personnages fictifs accrochés à des échafaudages et annonçant: «Il faut se méfier des mots!», signé Ben (le fameux Ben Vautier qui fit scandales avec «La Suisse n’existe pas»).
Belleville, c’est aussi, et a d’ailleurs toujours été, l’un des quartiers les plus cosmopolites de Paris comprenant, entre autres, un quartier chinois); une preuve irréfutable que les communautés françaises et étrangères peuvent se côtoyer et fraterniser.
La raison de ce métissage vient tout d’abord du 20e siècle, alors que Belleville connut une forte immigration de Grecs, de Polonais et d’Arméniens, lesquels étaient principalement engagés pour travailler dans l’industrie de la chaussure. On les logeait alors dans des îlots insalubres, dont presque tous ont heureusement disparu. Par contre, quelques ateliers mécaniques et usines datant de l’ère paternaliste sont encore debout, pour exemple l’ancienne usine «la Forge», sauvée de la destruction en 1996 pour en faire un lieu d’animation culturelle pour les enfants et un atelier d’art plastique.
BellevilleEn 1960, ces communautés déménagèrent dans des HLM de Sarcelles ou Créteil et furent remplacées, en 1960, par des Algériens et des Tunisiens, qui occupèrent alors les vieux immeubles voués à une proche destruction. 1980 connut l’arrivée des Africains de l’Ouest et des Asiatiques.
Aujourd’hui, la nouvelle immigration est celle des Français de la classe moyenne et des artistes qui donne une intéressante diversité culturelle, mais aussi un goût prononcé pour la spéculation immobilière, car il devient «branché» aujourd’hui d’habiter Belleville au même titre que Ménilmontant, la rue d’Oberkampf ou les abords du cimetière de Père Lachaise. Au sommet de la rue de Belleville, la place Jourdain et son église font à nouveau penser au centre d’un village de province français, avec les petits commerces faisant partie de l’image d’Epinal, avec des commerçants fiers de leur savoir et de leurs traditions, à l’exemple du boulanger «au 140», artisan de la fameuse «baguette 140», qui gagna le prix de la meilleure de Paris en 2001 et reçut le privilège de livrer la table de l’Elysée, ou encore du fromager Beillevaire, qui propose ses 350 fromages, parmi lesquels un machecoulais de sa propre fabrication (un régal!). L’apparition de la tour Eiffel dans l’enfilade de la ruede Belleville rappelle toutefois à la réalité, celle que nous sommes bel et bien à Paris.

Goualantes et guinguet
A l’instar du Sacré-Coeur, Belleville a, elle aussi, droit à son esplanade, avec Paris à perte de vue, et une vue plongeante sur le Parc de Belleville, un coin de verdure agréable, surtout pendant les grandes chaleurs de l’été: pelouses ouvertes au public, fontaines en cascades, et 1200 arbres et arbustes composent cet espace vert dû à l’architecte François Debulois. C’est aussi, pour Paris, un symbole de liberté, contrairement à bien d’autres lieux parisiens du même style, où il était jadis interdit de marcher sur les pelouses… sauf à Belleville.
A deux pas de l’esplanade se trouve le «Vieux Belleville», où une équipe d’irréductibles chantent des «vraies» chansons de Paris, tels Riton la Manivelle ou Minelle et son Fromager Place des fêtes à Bellevilleaccordéon qui évoquent les révolutions françaises, les vieilles «goualantes» (sortes de blues parisien), les classiques d’Aristide Bruant, les complaintes de la Commune de Paris, les chansons antimilitaristes de la Première Guerre mondiale, etc. Seule ombre au tableau, les voisins qui imposent un couvre-feu à 23 h 30.
Pensez-donc, s’ils habitaient à Pigalle…
Le public bon enfant reprend les rengaines en levant un verre de Guinguet (qui a donné son nom aux guinguettes), ce vignoble typiquement de Belleville, et qui repousserait sur les pentes du parc.

Gérard Blanc

Infos pratiques

 Y aller:

TGV Lyria de Bâle, Neuchâtel, Lausanne et Genève.

Renseignements :

Atout-France : www.ch.france.fr/fr

Voyagiste spécialisé

Frantour, 058 455 45 55,www.frantour.ch, dans les gares ou les agences de voyages.


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