Overtourism: Les villes historiques au bord de l’asphyxie
A Florence, des initiatives sont en marche pour décentraliser la culture.
L’ «overtourism» est une appellation nouvelle qui décrit en bref le phénomène de saturation due à l’invasion de touristes, laquelle déclenche un peu partout un sentiment de ras-le-bol de la part des habitants de certaines villes, européennes en majorité. Les raisons ne sont pas nouvelles, mais ne semblent pas évoluer. La première place revient au développement des croisières de villes flottantes qui déversent une dizaine de milliers de passagers pendant les escales. En seconde position vient le phénomène des vols lowcost qui, par les prix ridiculement bas qu’ils pratiquent, encouragent les passagers à voler plus souvent et parfois à effectuer des escapades le temps d’un week-end, voire d’une journée. Viennent ensuite d’autres facteurs, tels que le phénomène Air B&B qui change les logements de leurs affectation primaire en en faisant des logements de tourisme, au détriment des habitants qui ont peine à se loger à un prix abordable. On pourra aussi citer les VTC tels qu’Uber offrent des prix concurrentiels à ceux des taxis sans en avoir les mêmes contraintes administratives.
Cette surfréquentation déclenche une forme de touristophobie.
arcelone, WTTC, Etat des lieux: Dans un rapport du WTTC (World, Travel § Tourism Council), sur 68 villes du monde concernées, six d’entre elles sont en état d’urgence. En nombre de touristes par habitant, les chiffres des six villes les plus concernées sont: Venise (545 touristes par habitant), Santorin (157), Dubrovnik (97), Barcelone (20), Amsterdam (20), Budapest (2,4). On constatera dans cette liste que les trois premières les plus impactées sont des escales classiques de croisières méditerranéennes, avec une vision d’horreur de milliers de passagers déferlant en même temps dans les petits ports de Santorin ou de Dubrovnik.
Le tourisme toscan, un pionnier: Si Venise est le point culminant de l’insupportable avec l’image bien connue du bateau de croisière qui dépasse d’une hauteur les maisons et églises qu’ils côtoient et qui irrite le peu d’habitants qui y demeurent encore, bien d’autres sites connaissent une situation identique. Il est d’évidence que sur la botte, ce sont l’admiration des œuvres artistiques (ou surtout qui font partie des visites inclues dans les excursions de voyages organisés) qui sont bien souvent le but des ruées de touristes, mais celle-ci peut aussi être taxée de superficialité, tant il « faut » avoir vu tel ou tel musée ou tel ou tel monument, sans vraiment en apprécier la valeur. Forte de cette constatation, le directeur de la Galerie des Offices de Florence a, par exemple, fait passer le prix du billet d’entrée de 8 à 20 euros. Mais plus en profondeur, un programme de décentralisation du tourisme urbain vers un tourisme rural est en marche dans la ville toscane sous le nom de « Terre degli Uffici ». Le célèbre musée florentin met en place le rapatriement de plusieurs œuvres artistiques qui, jadis, venaient d’anciennes villas de maître dans la campagne toscane. Entre 60 et 100 maisons et domaines seront ainsi aménagés pour l’exposition d’œuvres dont certaines ont appartenu à la famille Médicis, comme la villa de Monte Lupo Fiorentino à l’ouest de Florence; celle de Livourne; la villa belle époque de la ville thermale de Montecatini ou encore le Palazzo Ducale de Lucca.
Hôtellerie redistribuée: Parallèlement, il est prévu de développer des hébergements proches de lieux historiques décentrés, sur l’initiative d’hôtels florentins. Utiliser des architectures médiévales existantes dans des petites villes désertées et des campagnes préservées est le fil conducteur de la redistribution du tourisme hors des grandes agglomérations italiennes. On envisage l’aménagement de monuments historiques en auberges comme, par exemple, dans la ville forteresse médiévale de Santo Stefano di Sessanio dans les Abruzzes.
Ailleurs en Italie: Des mesures se prennent ici et là en Italie sur l’île de Giglio, les visiteurs doivent payer un droit d’entrée de 3 euros par personne en saison estivale, lequel est réduit à 2 euros en hiver. Sur l’île de Lampedusa, les voitures portant des plaques étrangères sont interdites de juillet à septembre. La Sardaigne cherche aussi à canaliser le flux des touristes, principalement concernant l’entassement des baigneurs sur les plages étroites.
Gérard Blanc
Sources: le Figaro/Le Quotidien du tourisme/European Heritage Tribune/Les Echos.