JE PARS EN WEEK-END
Si le street art a aujourd’hui acquis ses lettres de noblesse, il a, à Paris, pris une place incontestable. Le quartier de Belleville en est l’un des meilleurs exemples.
Nombreuses sont les villes européennes qui ont maintenant droit à leur street art, à savoir l’art d’utiliser les murs pour une expression parfois simpliste et n’ayant initialement que le but d’une recherche d’existence et de reconnaissance. Il fallait se faire connaître à tout prix, avec ou sans talent et, dans beaucoup de cas, un esprit de provocation. Aujourd’hui, les choses ont changé et un certain nombre d’artistes sont parvenus à créer de véritables œuvres d’art qui se sont, peu à peu élevées au rang d’art à part entière au même titre que la peinture ou la BD. Cela va de la bombe aérosol à la peinture au pochoir ou, carrément, à la grande fresque occupant un pan de mur entier.
Qu’il soit dans les couloirs du métro ou à ciel ouvert, le street art est l’une des expressions les plus populaires à Paris et fait souvent l’objet d’une course à qui spayerait le tag le plus spectaculaire dans le lieu le plus insolite, qu’il soit sur les transports public, sur les rideaux de fer des magasins, des clôtures de chantiers ou des maisons en démolition.
Si Mai 1968 a vu fleurir sur les murs de Paris des phrases revendicatrices (des livres ont été publiés sur une sélection de graffitis parmi les plus cocasses), c’est plutôt au début des années 1980 que le street art a vraiment pris son essor avec, comme le style hip hop, un décalage d’environ 15 ans avec les tags des Etats-Unis. Au début, il émanait de lycéens et de jeunes chômeurs entre 10 et 18 ans, venus des quartiers populaires ou périphériques. Par la suite, il s’est étendu à des élèves d’écoles des beaux-arts, estimant que les galeries et les musées ne pouvaient être à la portée de tout le monde et qu’il n’y avait que la rue pour y remédier. A Paris, un musée du graffiti a même vu le jour en 1987.
Certains esprits parisiens ne sont toujours pas ouverts aux œuvres des tagueurs, leur reprochant leur absence de talent et surtout jugeant leur présence inappropriée.
Il arrive que des espaces soient accordés officiellement au street art, mais, pour certains tagueurs, cela ôte évidemment le goût de l’interdit, de la provocation, de la course entre le chat et la souris avec les autorités et de l’appropriation de l’espace public. On a assisté à des procès mémorables, notamment entre le tagueur Azyle et la RATP. Certains tagueurs se sont même constitués en association de défense comme ceux qu’on appelle les Zulus.
L’administration parisienne et les transports en commun se plaignent journellement des frais de nettoyage astronomiques qu’ils doivent engager et qui, en 1988, ont coûté 35 millions de francs à la RATP, 70 millions de francs à la SNCF et 20 millions de francs à la mairie de Paris. Mais depuis, des attitudes de conciliation ont été constatées, comme, par exemple, la SNCF qui a intelligemment organisé un concours sélectionnant les meilleures œuvres.
Belleville, Oberkampf et Ménilmontant
Selon les endroits, les œuvres demeurent encore illégales et souvent éphémères. Les plus pérennes sont souvent celles qui occupent des pans de mur entiers et ont été officiellement autorisées comme, par exemple, à la place Verte au 107 de la rue Oberkampf. Ce mur fait partie des espaces attribués à l’association « le mur » avec la créat5ion d’une nouvelle fresque environ toutes les deux semaines. C’est dans ce secteur et aux alentours de la rue de Belleville et du boulevard de Ménilmontant qu’on découvre un éventail particulièrement touffu. Cette association de fresquistes du street art a été créée par le peintre et sculpteur français Jean Faucheur, les artiste Thomas Louis Jacques Schmitt, Malitte Matta et du collectionneur Bob Jeudy.
On y trouve des œuvres et des signatures de tout acabit. Elles émanent de Parisiens, mais pas seulement. Il en vient d’artistes venus d’ailleurs (Allemagne, Angleterre, Etats-Unis). On trouve assez souvent la signature de Johnny Boy avec ses personnages grotesques ; RED avec ses pochoirs noirs de l’homme d’affaires à la mallette ; Barbanar et ses Barbapapas discrets de couleurs diverses, chacun dans une posture différente, et, bien entendu, l’incontournable mosaïste international Invader, inventeur du « rubikubisme », cet étudiant aux Beaux-arts de Paris dont les œuvres se retrouvent dans plusieurs métropoles du monde, y inclus au Japon et aux Etats-Unis. On trouve aussi de simples phrases d’extraits de poèmes émanant d’auteurs méconnus. Belleville, au même titre que Montmartre, a droit elle aussi à celle qu’on appelle l’esplanade du Parc, d’où on peut jouir d’une vue plongeante sur Paris et ce coin de verdure agréable qu’est le parc de Montmartre, ses fontaines, ses cascades et quelques 1200 essences d’arbres. C’est à cet endroit qu’on peut admirer les fresques de jeunes filles du renommé Seth, peintes sur celles qu’on appelle les colonnes du Belvédère.
Mais Belleville ne serait pas Belleville si on n’y trouvait pas, proche de là où elle naquit dans le ruisseau, son héroïne: à savoir la môme Piaf.
Texte et photos Gérard Blanc
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