Le candomblé brésilien, une religion issue de l’esclavage
Une expérience vécue à Recife
Religion bipolaire qui puise sa source dans la tradition africaine et plus particulièrement dans l’ethnie Yoruba de Kétou dans le Bénin, cette croyance est principalement implanté au Brésil, mais on le trouve aussi des pays voisins comme le Venezuela, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay. Il se pratique de manière plutôt festive à l’occasion de cérémonies proches des transes avec des rituels parfois bizarres auxquels j’ai eu le privilège d’assister.
Les cérémonies étant ouvertes à tous, j’ai eu le privilège d’assister, grâce à un ami brésilien, à une célébration nocturne dans la ville brésilienne de Recife. La seule obligation était de porter des vêtements bleus en l’honneur de la Sainte Vierge! J’ai donc acheté une chemise bleue. Dans une petite rue, le soir venu, je suis entré dans une salle des fêtes spacieuse ressemblant à un dancing. D’un côté, sur une estrade, les musiciens se sont installés dans une sorte de cacophonie. De l’autre côté de la salle, des femmes sont entrées vêtues d’amples robes bleues et se sont déhanchées, participant au brouhaha grandissant de la salle.
On m’informa qu’une de ces femmes devait être tondue. J’ai bien senti que ça serait le moment fort de la soirée, mis en scène par le « grand prêtre ». La femme était non seulement d’accord avec cet acte, mais elle en était même très honorée. Dans une envolée de bleus qui commençait à remplir la salle, une musique très joyeuse échauffa les corps et les esprits. Au Brésil, il n’y a pas que la samba, d’autres rythmes syncopés font aussi la loi, comme celle propre au culte candomblé. La foule commençait à devenir dense et les convives dansaient, en parlant, en riant et en riant et en chantant. Bientôt la piste centrale fut trop petite pour danser. Tous les espaces de la salle furent alors occupés. On se parlait tout en virevoltant dans tous les recoins. Les enfants, plantés devant l’estrade, ne s’intéressaient qu’aux musiciens de l’orchestre. Chose étonnante, personne ne buvait ni ne fumait. Tout à coup, ce fut le grand silence. La bienheureuse s’avança et s’assit. La tonte du bonheur pouvait commencer. L’assistance convergea vers le lieu de la cérémonie. Curieux, les enfants se glissaient entre les jambes des adultes pour ne rien manquer du spectacle. L’ambiance restait enjouée. Une fois que le crane de la bienheureuse fut entièrement tondu, les musiciens attendirent en silence et, sans qu’aucun signal ne fut donné, la musique et la danse reprirent de plus belle.
Une tradition nostalgique : Très lié au Brésil, le très populaire candomblé est puise ses croyances dans celles venues d’Afrique et transmises par les esclaves venus des actuels Bénin, Angola et Congo. Les cérémonies sont des moments mystiques se mélangeant aux préceptes chrétiens transmis par les Portugais. Lors des cérémonies, on y pratique des incantations qui feront venir les divinités orixas. Selon les croyances, chaque être humain possèderait son orixá qui le protègerait dès la naissance et qui, avec l’aide d’un officiant d’un terreiro (lieu de culte), entrerait en contact avec lui à n’importe quel moment. Les musiques tonitruantes jouent un rôle de premier plan tout comme la présentation des herbes sacrées présentées sous forme d’herbiers. Les Orixas sont au nombre de seize et sont liées à des éléments naturels: eau, forêts, feu, etc. Les femmes jouent un rôle majeur dans le déroulé des cérémonies. Les lieux de culte au Brésil se comptent par dizaine de milliers. Comme dans beaucoup de religions, le candomblé n’échappe pas à une hiérarchie pyramidale allant du simple novice appelé abiâ au babalorixa, chef du terreiro. Il est le maître des cérémonies.
Cette religion exprime toute la nostalgie de l’Afrique et renvoie au temps de l’esclavage, de ce commerce humain dramatique dont certaines racines sont encore profondément ancrées chez beaucoup d’Afro-brésiliens. Le nom de Candomblé vient du terme « enfant des pleurs ». Comme la religion catholique et bien d’autres, le candomblé promet le bonheur éternel à qui suit bien ses préceptes pendant la courte vie.
Texte et photos Felicio Rodriguez