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L’Apothicairerie de Bourg-en-Bresse : entre alchimie et potion magique

Si la France regorge d’anciens établissements hospitaliers d’essence religieuse, comme les hospices ou ceux appelés hôtels-Dieu, celui de Bourg-en-Bresse possède une originalité incomparable avec son apothicairerie, ancêtre fascinant de la pharmacie.

Soigner était une préoccupation en tout temps, mais il était tout d’abord question de panser les plaies des blessés de guerre. Ensuite, les catégories de malades se divisaient entre ceux qui avaient de l’argent et pouvaient donc recevoir des soins à la portée de leurs bourses ou de celles de leurs familles fortunées, et ceux pour qui les soins étaient bien souvent donnés au titre de la charité. Cela explique donc que les hôtels-Dieu étaient tenus par des religieux, principalement des nonnes. On était donc bien loin des principes de solidarité des caisses maladie.

Apothicairerie
A Bourg-en-Bresse, actuelle préfecture du département français de l’Ain, les premiers hôpitaux ouvrirent leurs portes au 13ème siècle. Au début du 18ème siècle, ils furent débordés et la municipalité décida de construire un hôtel-Dieu au bord de la Reyssouze à côté du monastère de Brou. L’architecte désigné fut Pierre-Adrien Paris et on lui doit la  construction d’un établissement qui se distingue par son dôme, son escalier majestueux à double volée en pierre et ses rampes en fer forgé, ses deux armoires monumentales en noyer, son cloître et, plus que tout, son apothicairerie, ancêtre de la pharmacie. La gestion de l’établissement fut confiée aux sœurs de l’ordre de Saint-Augustin, pour lesquelles la vie n’avait pas été un long fleuve tranquille. Au fil des jours, et avec bien des péripéties, elles demeurèrent au service de l’hôpital jusqu’au début des années 1970.

Retour sur histoire
La première pierre de l’hôtel-Dieu fut posée le 14 août 1783. Grâce à des dons multiples, les travaux purent être entamés sans trop de difficultés financières, et l’établissement ouvrit ses portes en 1790 avec 120 lits. Avec la première Révolution française, l’hôtel-Dieu changea de nom en « hospice de l’humanité », mais les religieuses purent conserver leurs positions, les autorités de l’époque se trouvant dans l’impossibilité de trouver un personnel hospitalier qualifié et aussi bien formé sur le plan médical comme l’étaient les sœurs de Saint-Augustin. L’administration révolutionnaire contribua même à d’importantes mises de fonds pour les constructions immobilières et des dépenses de mobilier. La mère supérieure en profita pour imposer ses conditions, y compris la célébration de la messe, ce qui était pourtant contraire aux principes révolutionnaires. L’hôtel-Dieu fut, par la suite, un hôpital incontournable et rendit de grands services lors des guerres de la République et de l’Empire.

L’apothicairerie
Le clou de la visite de l’hôtel-Dieu est sans conteste celle de l’apothicairerie qui, depuis sa création, a conservé son mobilier et quantités de potions et onguents en tous genres, qui sont restés dans leurs contenants depuis plusieurs siècles. Elle a fonctionné jusqu’en 1947. Cette apothicairerie, qui distribuait les médicaments à la population depuis sa création, avait, en 1774, été déplacée telle quelle depuis l’ancienne pharmacie de l’hôpital de la place d’Armes. Elle se compose de trois pièces en enfilade, toutes restées intactes. ApothicairerieElle est d’autant plus remarquable que la plupart des autres apothicaireries ont fermé et parfois été dépouillées dès que les pharmacies modernes se sont ouvertes. A contrario, l’apothicairerie de l’hôtel-Dieu de Bourg-en-Bresse a été conservée intacte.
On entre d’abord dans le laboratoire avec, en son centre, un « piano », grand fourneau en fonte sur lequel trône un superbe alambic en laiton et son col de cygne. Le laboratoire exhibe également tout une collection de balances, de mortiers (dont un datant de 1663) et de récipients en étain destinés à la fabrication des médicaments. On y trouve aussi des vases et bassines à saignées estampillées aux dates de 1663 à 1734. Détail important, on y apprend que le laboratoire possédait l’eau courante, un luxe pour l’époque. On y trouve aussi un pressoir qui permettait d’extraire les huiles essentielles.
On entre ensuite dans l’arrière-boutique où on conservait les matières premières  dans  un étalage époustouflant d’environ un millier de pots de grès et de faïence calligraphiés et de tailles diverses, dans lesquels ont été conservés des plantes et des ingrédients ayant servi à l’élaboration de potions, de médicaments et d’onguents. Les ingrédients sont encore dans les pots originaux avec ordre de les conserver. Un exemple : des pilules conservées dans de l’or. L’or était autrefois considéré comme l’élément le meilleur pour conserver les médicaments, d’où, parait-il, l’expression « se dorer la pilule », mais dont le sens a évolué. Sur ces pots figurent des noms insolites comme le sang de bouc de dragon, le mercure, la graisse d’ours, ou la salsepareille, vous savez, celle dont on parle dans les BD des Stroumpfs.
Dans cette même pièce, les nombreuses étagères exhibent aussi une impressionnante variété d’ouvrages ayant trait à la médecine et la science, dont certains remontent au XVIIème siècle, comme, entre autres, la série complète de «L’Histoire naturelle de monsieur Buffon ».
La troisième pièce n’est autre que l’officine, là où étaient distribués les médicaments, et où sont disposés nombre d’autres pots et faïences, boîtes et verrines d’époque et matériels de pharmacie, exposés dans de jolies boiseries de chêne sculptées sur mesure dans le style Louis XV. Le plus spectaculaire des pots est celui contenant le Thériaque, le célèbre contrepoison rapporté à Rome par Pompée, puis complété par Andromaque, médecin de Néron.

Gérard Blanc et Erika Bodmer
Photographies © Gérard Blanc

Note : Les visites ne peuvent pas avoir lieu individuellement. Des visites groupées peuvent être néanmoins organisées. Pour cela, il faut prendre contact avec l’Office du tourisme de Bourg-en-Bresse : www.bourgenbressetourisme.fr

Apothicairerie

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