Les Glorieuses de Bresse et leur double AOP
On l’a vu à de nombreuses occasions, l’Appellation d’Origine Protégée (AOP) est devenue un puissant label contre les usurpateurs d’un produit, mais garantit en même temps une qualité indéfectible, avec une charte stricte signée par les producteurs. Ce concept est la fierté même de la Bresse, à cheval sur l’Ain, la Saône-et-Loire et le Jura.
Itinéraire d’un poulet gâté
Chaque année à la mi-décembre, les quatre « Glorieuses de de Bresse » poussent les éleveurs de volailles (poulets, poulardes, chapons, mais aussi oies, pintades, canards, etc.) à se surpasser dans la présentation et la qualité de leurs produits. Avant d’arriver dans les assiettes des fêtes de fin d’année, les volailles en général et le poulet en particulier vont suivre un parcours balisé débutant dès la naissance du poussin, qui est loin d’être un bâtard. Il existe en Bresse deux « couveries », dont le devoir est de perpétuer la race bressane. Les poussins n’auront guère que deux jours, lorsque que des experts sudcoréens viendront les tâter pour trier les mâles des femelles, un processus particulièrement minutieux, on s’en doute.
Beurre et crème,
la seconde AOP de la Bresse
Depuis 2015, la Bresse a été dotée d’une autre AOP que celle de la volaille, à savoir celle du beurre et de la crème. Ce n’est pas un hasard. Depuis la nuit des temps, les fermiers bressans élevaient parallèlement des volailles, des vaches et des cochons. Le lait servait à la fois à nourrir les poules et les cochons (avec le petit-lait) de même que pour produire du beurre, du fromage et de la crème. Jusqu’en 2014 l’Appellation d’origine protégée de la région ne s’appliquait qu’aux volailles. C’est en 2015 que la zone de production s’est appliquée au lieu d’origine du beurre et de la crème, sur un territoire proche de celui de la volaille de Bresse, à savoir l’Ain, la Saône-et-Loire et le Jura. Aujourd’hui, 65 exploitations laitières ont adhéré au cahier des charges de l’appellation. Elles produisent annuellement 26 millions de litres de lait, dont 12 millions sont livrés à 3 laiteries homologuées qui les transforment en 315 tonnes de beurre et 500 tonnes de crème par année sous le label Coq d’or. Outre le beurre et la crème, les laiteries produisent aussi du fromage blanc, des yogourts, etc., bref tous les dérivés du lait.
Certains mâles seront ensuite castrés pour en faire des chapons, processus tout aussi délicat car l’organe est minuscule et difficile à détecter. Si la castration a raté, il arrive que les testicules du poulet repoussent et tout est à refaire. Les autres deviendront de simples poulets qui atterriront roulés (d’où l’appellation « poulet roulé ») dans de la toile épaisse avant d’être présentés sur les comptoirs. Quant aux poules, leur sort pourra être celui des poulardes en étant tuées avant la ponte du premier œuf.
C’est alors qu’interviendra le travail de l’éleveur qui va dorloter sa volaille jusqu’au moment de son abattage. Il va se soucier à tout moment qu’elle ne manque de rien et, surtout, qu’elle puisse gambader toute la journée dans les champs afin de se nourrir de toutes les bestioles et autres vers qui y foisonnent. Ici, nous sommes loin du concept des poulets en batterie.
Les Glorieuses
Le poulet sera abattu environ 80 jours après sa naissance, mais 10 jours avant, il sera placé dans des petites niches en bois appelées épinettes où la volaille sera dans le noir, choyée à l’abri de tout stress et nourrie avec des céréales de Bresse, souvent mélangées sous forme de pâtée au babeurre afin qu’elles soit dodue à souhait. Puis viendra le moment de l’abattage. Il se fera également en douceur pour que la volaille n’ait ensuite aucune séquelle sur la qualité de sa chair. Le plumage sera peut-être le processus le plus délicat de tous car, pour être présenté au concours, la peau devra être parfaite, sans aucune égratignure. Pour arriver à un tel résultat, le plumeur ou la plumeuse devra parfois aller jusqu’à utiliser une pince à épiler pour éliminer les derniers duvets. Ensuite, l’éleveur aura soin d’emmailloter le poulet d’une toile épaisse très serrée à l’aide d’un fil et d’une grosse aiguille, afin que la chair de la volaille soit bien compacte lors de la présentation au concours du lendemain.
En route vers la consécration
La suite de l’histoire fait l’objet d’un scénario bien orchestré. Vers les 6 heures du matin, les éleveurs viennent déposer leurs volailles sur de gigantesques planches sur tréteaux dans une salle longue de 200 mètres environ. Ils donnent une dernière touche à la présentation de leurs volailles en les changeant de place ou en ajustant les rubans de couleurs qui donneront à leurs produits une décoration de fête. Pendant ce temps, dans une pièce annexe se réunira tout une panoplie de notables, restaurateurs, instituteurs, etc. qui vont composer environ une douzaine de jurys. Ceux-ci seront tirés au sort et n’auront aucune connaissance possible des noms des concurrents en compétition et dont les lots seront numérotés d’une manière totalement anonyme. Par petits groupes, ils vont regarder les volailles sur toutes les coutures : la chair est-elle ferme ? La couleur est-elle conforme ? La peau n’a-t-elle aucune égratignure ? Une fois les prix décernés avec pancarte à l’appui, tous les membres des jurys se réuniront autour d’un coup de rouge accompagné de pâtés, saucissons, etc.
Vers les dix heures, les portes de la halle seront ouvertes au public qui pourra à loisir regarder les lots ayant obtenu les meilleures notes. Les grands prix d’honneur et les premiers prix partiront immédiatement chez les plus grands restaurateurs de France et les volaillers de renom. Les seconds et troisièmes prix seront cédés aux visiteurs en présence et viendront garnir les tables de fêtes. Parallèlement, d’autres étals ou boutiques vendront les produits qui seront appropriés aux fêtes, comme du vin, de la charcuterie ou du foie gras et, parfois, un groupe folklorique avec vielle à roue et Bressanes en costume agrémentera la manifestation et fera honneur aux traditions locales.
Gérard Blanc, texte et photos
Infos pratiques
Dates et lieux des Glorieuses 2024
Vendredi 13 décembre à Bourg-en-Bresse ; samedi 14 décembre à Louhans ; dimanche 15 décembre à Pont-de-Vaux ; mardi 17 décembre à Montrevel-en-Bresse.
Tarifs
Entrée gratuite, visite guidée du concours à 4 euros.