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JE PARS EN WEEK-END

Riga, entre tradition et modernité

On ne peut jamais connaître une ville quand on l’a visité le temps d’un week-end et, à fortiori, 25 ans après. C’est le constat qu’on peut faire avec la visite de Riga qui, sur la ligne droite de l’économie de marché est entièrement transformée. Grâce à la nouvelle ligne aérienne Genève-Riga assurée par Air Baltic, j’ai pu découvrir une ville métamorphosée.

Déguster le balzam
Si l’armagnac est l’alcool porte-drapeau du sud-ouest de la France ou le pisco celui du Pérou, Riga a le balzam, ce mélange noir d’herbes locales additionne d’épices et d’alcool fort qui fut importé par des Norvégiens pour devenir la boisson nationale lettonne. On lui connaît plusieurs variétés, dont la première est celle de base avec sept différentes herbes, recette gardée secrète et ressemblant au « Ferney Branca », à laquelle on peut ajouter des liqueurs lui donnant des goûts moins abrupts, comme, par exemple, le cassis ou la cerise. Pour bénéficier d’une dégustation en règle, la bonne adresse est celle du « B bars ».

Je l’avais visitée en 1993, à la sortie toute fraîche du régime soviétique. Riga avait encore un peu de la rigueur dirigiste du Kremlin. Aujourd’hui, la minorité russe représentant près de 20% de la population a toujours du mal à accepter qu’elle n’est plus la  classe dirigeante et que les Lettons d’origine ont repris leur place. Le 7 octobre 2018, la Lettonie a tremblé lors des dernières élections parlementaires, rapport au parti pro-russe fortement inspiré par Vladimir Poutine et qui risquait de rappeler de mauvais souvenirs. Ce parti n’a finalement pas obtenu que 24 sièges sur 100, ce qui reste quand même une menace car c’est encore le premier parti du pays. L’une de ses requêtes était de réintroduire le russe comme langue officielle.

 

Riga

Une ville-musée

Heureusement, la vieille ville (Vecriga) a été préservée des grandes tours modernes. Les maisons de style baroque et les entrepôts hérités de l’époque hanséatique sont toujours debout, voire même mis en valeur. Par temps clair, c’est un vrai bonheur que de grimper dès l’heure d’ouverture des portes, en haut de la tour de l’église Saint-Pierre et, de la terrasse en plein ciel, admirer la vue contrastée entre la vieille Riga et, pardessus le fleuve Daugava, l’architecture moderne de la Bibliothèque nationale, et à sa droite, les tours de verre formant un quartier qu’on pourrait comparer à celui de La Défense à Paris, démonstration de la part de l’administration urbaine de bien séparer la ville historique des quartiers des affaires. A Vecriga, les restaurations au fil des années ont  agréablement mis en valeur les monuments et les vieilles maisons. Des parkings et des squares ont investi les endroits où les bombes avaient semé la désolation pendant la Seconde guerre mondiale. La maison de style renaissance hollandaise des « Têtes noires », siège de la Guilde des marchands célibataires, a eu droit à un sérieux coup de rimmel  lui donnant  un air de pièce montée. Des enseignes nouvellement restaurées pointent ici et là, aussi bien dans le quartier du bazar des Bergs que dans celui des anciennes casernes, proche de ce qui reste des remparts et de la tour de la poudrière. Nombreuses sont les maisons qui ont été investies par des cafés ou des restaurants en tous genres, de toutes les époques, lettons ou non, allant du médiéval où vous mangez avec les doigts et où on vous sert en costume d’époque au bistrot de chaîne, en passant par le restaurant gastronomique ou la pizzeria. Des terrasses de bistrot ont pris possession de la pittoresque place Livu et les alentours de la cathédrale Saint-Pierre. Cette nouvelle activité donne des ailes aux initiatives originales en tous genres de la part des startups bien inspirées, cherchant à se faire leur place au soleil. Parmi les nombreux exemples, il y a deux originalités qui valent qu’on les considère: le Rocket Bean où une équipe de trentenaires s’est lancée dans la torréfaction de cafés en provenance d’Amérique latine et dont les grains sont garanti cueillis à la main, un snobisme qui semble avoir pris à Riga, à voir la foule de jeunes qui préfèrent ce lieu aux sempiternelles Starbucks. Autre expérience du genre, celle du Valmiermuizas dans le quartier de brasseries artisanales, avec un chef, ancien linguiste, formé sur le tas et exerçant depuis sept ans. Il a élaboré un menu gastronomique original de quatre plats, chacun d’eux étant accompagné d’une bière différente.

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L’ambre et le tourisme
Riga est réputée pour son ambre, cette oléorésine fossile sécrétée par des conifères et utilisée pour la fabrication d’objets ornementaux. Nombreuses sont les boutiques de Riga qui en proposent, bien que seules  20% d’entre elles vendent de l’ambre véritable. Mieux vaut se méfier des prix trop bon marché de bijoux à base d’ambre car en ce cas, il s’agit bien souvent de contrefaçons telles que du polybern, de la bakélite et autres plastiques en tous genres, souvent importés de Chine. Le mieux est encore de vous faire conseiller par une personne de confiance si vous souhaitez en ramener à la maison.

Le marché central
Sur les bords du fleuve Dougava qui traverse Riga de part en part, se dressent cinq impressionnants hangars de 30 mètres de haut faisant partie du grand marché central, ouvert tous les jours de 08h00 à 17h00. Ils ont été bâtis en 1930 pour héberger des zeppelins dans un espace de 7 hectares au sol, mais ce que l’on aperçoit n’est que le sommet de l’iceberg. Affecté en marché central à la fin de la Seconde guerre mondiale, des sous-sols d’une surface de deux hectares ont été creusés sous les hangars et servent aujourd’hui de salles de stockage et de chambres froides. Chaque hangar a son attribution, un pour les viandes, un pour les produits de la mer, etc. A l’extérieur des hangars, de nombreux étals exposent des fruits, des légumes et des fleurs, mais aussi des vêtements, neufs ou d’occasion. Ce marché a été fidèlement conservé dans son esprit populaire avec, par exemple, le hangar des viandes qui propose beaucoup de produits fumés (les Lettons, paraît-il fument viandes, poissons et même légumes) et, la côte se trouvant à 16 km au nord de Riga, le hangar des produits de la mer dont le « Russian caviar » provenant d’élevages d’esturgeons lettons !!!  Mais si vous n’êtes pas convaincu, vous pourrez vous rabattre sur les plus réalistes œufs de saumon, excellents à déguster sur des blinis sortis du four. Pour stimuler la vie de ce marché, la municipalité de Riga organise de temps à autre des concours adaptés aux saisons, comme, par exemple, celui des champignons d’automne. Dans l’un des hangars se trouve une échoppe vendant les produits de la fabrique de chocolat lettone Laima. On vous y proposera un bonbon au chocolat fourré à l’abricot, du nom de « serenade », dont la paternité revient à un employé de l’usine qui, d’une timidité extrême, avait inventé une recette pour séduire l’élue de son cœur. L’histoire ne dit pas si la belle avait apprécié mais, en tout cas, le bonbon a fait un tabac.

Marché Riga Caviar Marché Riga

Les années d’oppression

En Europe de l’Ouest on ignore bien souvent les épreuves qu’ont subies les pays baltes, et la Lettonie en particulier, entre 1940 et 1991. A cette époque, plus d’un tiers de la population de Riga a péri lors des massacres, tortures et déportations des nazis, immédiatement suivis de traitements identiques infligés par le régime staliniste avec de nombreuses déportations dans les goulags. Peu à peu, de nombreux rappels à cette période témoignant de la brutalité de ces régimes ont été mis en place afin que cette période ne tombe pas dans l’oubli. Il y a d’abord le musée de l’Occupation de la Lettonie et, en second lieu, celui des barricades montrant le courage avec lequel les habitants de Riga résistèrent, à l’instar de Prague ou de Budapest, pacifiquement aux troupes du Pacte de Varsovie. Ensuite, il faudra visiter le musée du Ghetto dans le quartier de Spikeri. Un autre témoignage est apposée une plaque sur un mur de la vielle ville, en l’honneur du docteur Theol, pasteur luthérien, qui dénonça avec détermination les déportations du régime soviétique et fut à plusieurs reprises, lui-même déporté dans les goulags. Il y a enfin la synagogue, ayant été épargnée des incendies provoqués par les nazis lors de l’invasion de Riga en 1941, parce qu’elle se trouvait dans un quartier où la plupart des maisons étaient collées les unes aux autres. Si on y avait mis le feu, tout le quartier se serait embrasé. Six autres synagogues furent par contre totalement brûlées avec des juifs à l’intérieur. Il existait jusqu’alors aussi un musée sur les pratiques du KGB, fermé récemment, mais, peut-être, rouvrira ses portes.

_MG_9866Le quartier « Art nouveau »
Le nom d’Eisenstein vous est peut-être familier, mais c’est certainement  à Sergueï que vous pensez, le cinéaste, auquel on doit « Le cuirassé Potemkine » ou « Alexandre Nevsky ». Plus rares sont ceux qui ont entendu parler de son père Nicolaï. Riche architecte, on lui doit un certain nombre d’immeubles de style Art nouveau, style dominant de tout un quartier de Riga. S’il n’était pas le seul à suivre cette mode qui faisait rage au début du 20ème siècle, on lui doit quelques-uns des chefs-d’œuvre parmi les quelques 50 immeubles de ce style qui virent le jour dans les années vingt, alors que Riga était considérée comme la « Shanghai » de l’empire tsariste. Ces immeubles furent construits entre des maisons en bois, sauvées des destructions souhaitées par les promoteurs de l’époque. Les amateurs apprécieront les figurines où se mêlent des évocations égyptiennes, les visages sortis de films d’horreurs et autres serpents, voire même des jeunes femmes qu’on assimilerait aux walkyries de Wagner.

Gérard Blanc, textes et photos

À lire aussi :
Riga, capitale culturelle en marche silencieuse vers la prospérité

Infos pratiques

Vol

Air Baltic assure une liaison entre Genève et Riga sans escale 3 fois par semaine pendant toute l’année les lundis, jeudis et vendredis. www.airbaltic.com.

Renseignements

www.liveriga.com

Restaurants

Kolonäde, le Bergs (le chou dans tous ses états), la brasserie Valmiermuizas, le restaurant médiéval Rozengràls.

A voir encore

Le musée de la Guilde des artisans retraçant la vie au 16ème siècle (meubles et instruments de musique anciens) ; le musée de la Mode de la fondation Alexandre Vassiliev ; le musée de l’Automobile, le Musée national d’art.

Autres bonnes adresses

Le café-chocolaterie Kuze (Jékaba iela 20) ; le bijoutier Georgs Romulis, spécialiste des colliers d’ambre, au passage Rátes (Rátes Psaza).

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