EDITO
Pour remédier aux dégâts subis par les coraux, le Queensland (Australie) prévoit une vaste opération de plantations de coraux artificiels au large de Fitzroy Island, une lueur d’espoir pour la Grande Barrière de Corail. La méthode pourrait redonner des couleurs au tourisme d’exploration sous-marine.
S’inspirant d’autres expériences positives dans les Keys de Floride ou dans la mer des Caraïbes, la Reef Restoration Foundation a lancé en décembre 2017 son premier élevage de coraux artificiels près de l’île de Fitzroy Island, dans le nord du Queensland. Cette méthode de transplantation permettrait de réinstaller 25 000 coraux sains par an. Des chercheurs ont réussi à faire pousser des fragments de coraux particulièrement résistants sur des récifs artificiels. En très peu de temps, ces particules de coraux fixées par des cordes à des structures métalliques se sont transformées en constructions coralliennes gigantesques. Cette opération recevra une aide financière d’environ 250’000 CHF sur un espace de trois ans de la part de la Banque nationale d’Australie.
Une situation alarmante : Selon un rapport des Nation Unies (chronique ONU), 70 % des récifs coralliens dans le monde sont menacés d’extinction, dont 20 % ont déjà été détruits sans espoir d’amélioration, 24 % risquent de disparaître et 26 % supplémentaires sont menacés à long terme. Les coraux vivent en symbiose avec des algues unicellulaires photosynthétiques appelées zooxanthelles. En situation de stress (acidification du milieu, réchauffement des eaux…), ils peuvent expulser ces algues et blanchir. Ce phénomène, réversible si les conditions s’améliorent, est connu sous le nom de blanchiment des coraux. Il est souvent lourd de conséquences car, privé de l’apport nutritif fourni par ces algues, le corail dépérit et meurt, donnant naissance à de vastes zones mortes sous-marines désertées par la faune. Il faut à cela ajouter l’exploitation et l’extraction destructrices des coraux, comme cela s’est produit en mer de Chine méridionale et sur la côte est du Sri Lanka, où les coraux étaient jadis dynamités pour être utilisé comme sable pour le bâtiment. Il faudrait aussi mettre un terme au déversement des eaux usées et des égouts dans les eaux côtières, une pratique qui entraîne la prolifération d’algues nocives. La quantité de dioxyde de carbone (CO2) et d’autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère est lui aussi responsable de la hausse des températures des océans. Ces températures en augmentation provoquent aussi le blanchiment des coraux, mais le CO2 fait peser une autre menace sur ces derniers. En effet, lorsque les coraux absorbent le CO2 atmosphérique, il se produit une réaction chimique entre ce gaz et l’eau, produisant de l’acide carbonique. Ce composé acidifie l’eau, favorisant la dissolution du calcium et donc des parties calciques de nombreux organismes coralliens bâtisseurs.
Sauver aussi les poissons : La conséquence est désastreuse, non seulement pour les écosystèmes qui s’effondrent, mais aussi pour trois milliards d’habitants de la planète habitant à moins de 100km d’un océan et vivant des produits de la mer. En effet, la vie des coraux est directement liée à celle de la faune marine et des poissons en particulier dont le stock diminue dangereusement. Parallèlement à la sauvegarde des coraux, Il faut donc aussi mettre fin dans les plus brefs délais possibles à la surexploitation, à la pêche non réglementée et aux pratiques de pêche destructrices afin de restaurer le plus rapidement possible les stocks de poissons. Les barrières de corail sont, d’autre part, des protections naturelles contre les vagues lors de tempêtes et, enfin, un réservoir de produits naturels pour la fabrication de nombreux médicaments pour soigner d’importantes maladies comme, par exemple, l’Alzheimer.
De bonnes intentions : Après avoir minimisé la pollution marine et la déréglementation du climat, on s’achemine enfin vers des mesures de sauvetage, même si, par endroit, il est déjà trop tard. Certes, le Programme de développement durable des Nations Unies établit un plan pour la future protection des océans, mais avec, pour horizon, l’an 2030. De plus, comme beaucoup de résolutions des Nations Unies, il s’agit de recommandations non contraignantes face auxquelles se heurtent, bien souvent, les intérêts économiques divers dont, surtout, l’exploitation des énergies fossiles.
La faute au climat : En Australie et dans certaines régions de l’Asie et au Proche-Orient, l’effet est particulièrement ressenti par les effets conjugués du courant équatorial chaud du Pacifique El Nino, mais aussi par le réchauffement climatique résultant en grande partie des émissions de gaz à effet de serre. « Si le changement climatique se poursuit à un rythme rapide, les récifs coralliens seront gravement altérés d’ici au milieu du siècle », déclare Nick Graham, professeur à l’université de Newcastle (UK), qui poursuit : « Par contre, si nous parvenons à fortement baisser les émissions de dioxyde de carbone, les coraux subiront encore des épisodes de blanchissement, mais nombre d’entre eux pourront survivre. »
Le tourisme à la rescousse : On peut décrier, à juste raison, le tourisme de masse et ses effets pervers, notamment dans les régions où la masse de plongeurs sous-marins, souvent débutants, fait des dégâts, comme par exemple en mer Rouge, mais on remarque aussi que les instances gouvernementales des pays vivant en grande partie du tourisme prennent la chose très au sérieux. Face à la concurrence, les offices du tourisme déploient beaucoup d’énergie pour montrer à leurs clients potentiels qu’ils font beaucoup pour la défense de l’environnement et des coraux. Il en va de même pour certains établissements publics et privés qui n’ont pas attendu les directives gouvernementales pour prendre les choses en main, pour exemple l’hôtel Maalu Maalu qui a mis en place de longue date un projet appelé « plant a coral » sur la plage de Passikudah (Sri Lanka), initiative qui, d’ailleurs, profite aux autres hôtelier de la plage. Celle-ci consiste à reconstruire un récif avec des grilles sur lesquelles est accrochée une pépinière de coraux. L’hôtelier a, d’ailleurs, aménagé un petit musée dans lequel le processus est expliqué aux visiteurs.
Une approche éducative : La préservation des coraux se heurte le plus souvent à des intérêts privés et à des lobbies qui entravent l’efficacité des décisions gouvernementales. S’en mêlent aussi des phénomènes comme la pauvreté des populations qui parent au plus vital, en proie à la concurrence de la pêche industrielle. Enseigner l’importance de la pêche durable et offrir des possibilités de développement des énergies renouvelables et de l’écotourisme ont déjà permis d’augmenter avec succès les taux d’emplois et d’améliorer l’assainissement tout en réduisant la pauvreté, la malnutrition et la pollution. Mais le chemin est encore long. Persuader les communautés qui vivent des produits de la mer implique de les éduquer sur l’importance de la protection des récifs, comme, par exemple, l’explication des dégâts causés par les ancres de bateaux, mais aussi leur proposer d’autres méthodes d’ancrage.
Méthode naturelle : Des gastéropodes géants pourraient être lâchés sur les barrières de corail pour les protéger des étoiles de mer tueuses (qu’on appelle aussi « coussins de belle-mère » ou « couronnes d’épines »), mais il faudrait élever ces mollusques en grand nombre et à grande vitesse pour enrailler le blanchiment des coraux. A l’île Maurice, par exemple, les moniteurs de plongée connaissent bien le problème depuis les années 80 et profitent de chaque plongée pour détruire celle qu’on nomme scientifiquement l’acanthaster planci.
Positions politiques : On trouve dans diverses parties du monde tropical des initiatives courageuses. Ainsi, le gouvernement du Costa Rica a su résister au chant des sirènes en refusant les opérations de recherche et de forages pétrolifères dans les îles de Cocos. Au Belize, le gouvernement a également décidé d’arrêter toute exploitation pétrolière et a dit stop à toute exploitation de pétrole en mer des Caraïbes afin de préserver sa barrière de corail, l’une des plus prestigieuses du monde. La décision avait alors été prise suite au signal d’alarme déclenché par de nombreux écologistes qui prévoyaient une catastrophe environnementale. Et, pourtant, des forages avaient révélé d’importantes réserves situées précisément dans la zone corallienne protégée. Certes, le Bélize tire un trait sur 17% de revenus potentiels, mais, en contrepartie, préserve 10% de son PIB généré par le tourisme, soit plus de 200 millions de dollars annuels. Mais rien n’est totalement gagné. L’administration Trump souhaiterait contre-attaquer cette décision.
Prévoir pour mieux guérir : La Nouvelle-Calédonie, ce Territoire d’outre-mer français, qui a été récemment à la une avec la visite d’Emmanuel Macron, n’est pas encore au même stade que l’Australie en ce qui concerne le blanchissement des coraux. Pourtant, elle effectue un état de santé en permanence depuis 1995. Elle utilise pour cela les bases de données internationales du Global Coral Reef Monitoring Network (GCRMN), qui opère un suivi scientifique des récifs coralliens du monde entier et peut ainsi mieux prévoir les menaces que représentent le réchauffement climatique et l’acidité des eaux. 27 stations réparties tout autour de la Grande Terre et dans les îles de la Loyauté sont régulièrement surveillées par des plongeurs bénévoles formés spécialement par l’organisme l’Initiative Française pour les Récifs Coralliens (IFRECOR).
Gérard Blanc
Sources : Chroniques de l’ONU, 24 Heures, Les Echos, Global Spots, Le Temps, la Tribune de Genève et les offices du tourisme de la Nouvelle-Calédonie, du Belize et du Costa-Rica.