Jersey, Guernesey et les autres : les îles anglo-normandes nouvelles vagues
Moins kitsch qu’on l’imagine
Dans le golfe de Saint-Malo, les îles anglo-normandes sont résolument britanniques, mais s’inspirent des Français voisins. Elles sont à la fois étonnantes et atypiques. Le tout est de ne pas se trouver en pleine saison au milieu des hordes d’Anglais qui, heureusement, se concentrent sur Guernesey.
Sortons des clichés: les îles anglo-normandes ne sont pas habitées que par des retraités; il y vit aussi une population de jeunes, qui y étudie et sait faire la fête. Et puis, c’est le grand bol d’air, les côtes découpées et les grandes marées qui doublent la surface de chaque île. L’archipel a plus de points communs avec la Bretagne ou l’Irlande qu’avec la Grande-Bretagne, à laquelle ces îles appartiennent cependant, tout en conservant certains privilèges politiques. Les habitants ont à la fois le flegme britannique et l’esprit frondeur à la française. Les villages, les baies, les caps et les rues portent pour la plupart des noms français, dont les habitants ignorent souvent la signification et qu’ils prononcent à l’anglaise. A Jersey, trois langues sont officielles: l’anglais, le français et le jériais, un patois vieux normand, dont les intonations rappellent celles du québécois. Guernesey est la plus habitée et la plus kitsch touristiquement parlant avec, comme point de mire, la ville et le port de St Peter. Certains lieux sortent de l’ordinaire comme le village du Variouf avec ses cottages proprets et leurs jardinets bien léchés, ou encore les plages de Rocquaine Bay ou de Vazon Bay où, à marée haute, les vagues viennent frapper les parapets créant de véritables geysers d’eau de mer.
À Jersey, la seule ville de Saint-Hélier est une attraction pour qui veut se donner la peine de s’intéresser aux vieilles rues et de visiter la place Pierson, référence à un héros qui tint tête à l’armée de Napoléon; la St Helier Parish Church, où se réfugièrent des Huguenots après la révocation de l’Edit de Nantes; le marché couvert et le Musée de la société jériaise.
Le coup de cœur sera pour les routes campagnardes et en bordure de mer avec les côtes sauvages, les plages à perte de vue, les phares dans la brume et les cottages de granit.
Aurigny ou l’anti-conformisme touristique: C’est celle que j’ai préférée. Il n’y aura pas pendant longtemps encore de foules à Aurigny. Non seulement, la capacité des avions qui la relie aux autres îles ne le permet pas, mais les lignes maritimes qui naviguent entre l’Angleterre et les îles anglo-normandes ne veulent pas y faire escale en raison de son faible potentiel. « A Aurigny, les touristes n’existent pas. Ce sont des visiteurs! » affirme Ilona, une Aurignienne. Ce rocher de 3km de large et de 5km de long entend prouver que chez elle, les visiteurs sont des amis de la famille. L’environnement social est bon enfant. Ici, c’est l’anti-tourisme par excellence, là où rien n’est structurellement organisé pour les vacanciers. Pour y aller, il faut le mériter en faisant escale à Jersey ou Guernesey et en rejoignant Aurigny par bateau ou par avion. Sur place, la bicyclette ou la marche sont reines pour visiter Fort Albert, la baie de Braye, le château de l’Etoc ou le bourg de Sainte-Anne. Tout cet espace est protégé. Il y évolue une grande variété de la flore et de la faune et, en particulier des oiseaux marins, comme des macareux ou des cormorans. Sa seule attraction touristique, pour les Aurigniens comme pour les visiteurs, est le petit train qui, avec ses deux wagons empruntés au « London Underground », ne couvre guère plus de deux kilomètres et sert de nostalgie à quelques vétérans fous de chemin de fer. « Ne cherchez pas ici une aventure extraconjugales, s’amuse Ilona, tout le monde sera au courant. » Si un groupe d’Aurignien convoite un objectif culturel, chacun se constitue en actionnaire pour réunir un capital servant à financer une opération: c’est moins cher comme ça. C’est notamment le cas de l’unique cinéma, qui peut ainsi se permettre de louer des films de qualité. Pour participer à la vie de l’île, un seul moyen: bavarder avec la patronne du guesthouse ou avec les clients du pub.
On apprend quand aura lieu la prochaine course au trésor ou le calendrier des nuits folles en boîte organisées dans un ancien blockhaus allemand, loin des habitations, jusqu’à 6 heures du matin si l’ambiance est là. Chacun verse à l’organisateur une obole qui assure les frais de sono et de boissons. C’est une manière idéale de se faire des amis parmi les 2’400 habitants de l’île. « Haro, haro, haro ! A l’aide, mon Prince, on me fait tort!» est la parole que doit prononcer en français tout plaignant à la salle de justice de Saint Anne pour être entendu. Ouverts à tous, les délibérations sont spectaculaires.
La retraite d’Hugo
A la suite du coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte, qui allait devenir Napoléon III, Victor Hugo passe à l’opposition et quitte la France pour Bruxelles. Pour avoir publié le pamphlet « Napoléon le petit », il est exilé à Jersey, puis ses écrits l’obligent à déménager à Guernesey. En 1855, ses séjours dans les îles anglo-normandes seront prolifiques en œuvres littéraires. L’office du tourisme des îles anglo-normandes déploie tout un programme de visites des lieux où il vécut et de manifestations en tous genres lors des anniversaires de sa naissance ou de son décès (son et lumière, expositions, spectacles, etc.).
L’île excursion
A 20 minutes en bateau de Guernesey, Herm est la destination des excursionnistes d’une demi-journée, voire de quelques heures. Que faire sur place sur ce rocher d’autre que, comme la plupart des excursionnistes, s’entasser dans l’un des trois pubs en cas de mauvais temps ou, par beau temps, de faire un tour à pied et d’observer la nature ? En arrière-saison, les plages y sont quasiment désertes et les paysages très sauvages.
Gérard Blanc
Infos pratiques
Vols
Genève-Londres-Jerrsey avec British Airways
Hôtels
Jersey : Longueville Manor, Revere Hotel; Guernesey : La Barbarie Hotel, The Farmhouse, Aurigny : Bray Beach, The white house.
Restaurants
À Aurigny : Le Pesked, The Georgian House; à Jersey : Le Bohemia.