La Vallée sacrée des Incas au Pérou, mémoire d’une civilisation prestigieuse
De l’aéroport de Cuzco à l’apothéose qu’est le fabuleux site du Machu Picchu, la Vallée sacrée des Incas adjointe au plateau de Chinchero est, dans les Andes péruviennes, l’âme du peuple quechua. C’est là même qu’on prend conscience d’une civilisation datant de plus de 4000 ans.
La Vallée sacrée des Incas est, plus prosaïquement, une portion du lit du rio Urubamba entre Pisac et Ollantaytambo. L’eau de l’Urubamba poursuit sa course dans les Andes pour rejoindre le rio Tambo et, finalement, alimenter l’Amazone. Ce phénomène est insolite quand on réalise que cette eau prend un chemin aussi long pour se jeter dans l’Atlantique, alors que l’océan le plus proche est le Pacifique. Cette vallée emblématique semble sortie d’un album d’Hergé avec les montagnes aux sommets enneigés en toile de fond, des champs d’herbes parfois jaunies au second plan, et tout proche des torrents tumultueux de nombreuses rivières qui descendent des vallées et des gorges attenantes.
L’altitude en toute sérénité
L’altitude des Andes n’est pas une mince affaire. La pression atmosphérique diminue et l’oxygène se raréfie. L’organisme réagit de deux manières : dans l’immédiat, la fréquence de ventilation et la fréquence cardiaque s’accélèrent. Le corps cherche à capter davantage d’air. Cette réaction coûte beaucoup d’énergie car elle fait travailler davantage les muscles respiratoires et le cœur. Dans un second temps, cette réaction cède la place à un mécanisme d’augmentation du nombre de globules rouges, transporteurs d’oxygène. Ils mettent du temps à se fabriquer. Il faudrait passer au moins une semaine en altitude pour voir augmenter leur production. On peut alors ressentir le phénomène du « mal de l’altitude » qui se ressent différemment selon les conditions physique des uns ou des autres. Pour se maintenir en bonne santé en altitude, le Quechuas ont compris depuis des millénaires qu’en utilisant l’effet diurétique des feuilles de coca cela permettait d’éliminer les toxines ayant une influence néfaste, notamment sur le cœur. Ils ont aussi compris, sans en connaître les raisons scientifiques, qu’absorber du sucre était également bénéfique. Il agit sur le corps pour accélérer la production de globules rouges. Si le pisco (alcool local) est fort en sucre, la consommation quotidienne qu’en font les Quechuas n’est pas forcément un exemple à suivre.
Les nombreux sites archéologiques qui s’y concentrent sont autant de témoignages d’une vie intense orchestrée par la civilisation inca, dont le concept se basait sur le commerce, les échanges et le contrôle des microclimats favorables à une agronomie incroyablement développée pour cette époque, à savoir entre 1200 et 1532 après J.C.
Les terres étaient divisées en trois parties, suivant les ordres de l’Etat. La récolte de la première partie était utilisée comme offrande au dieu Soleil à l’occasion de rites. La seconde partie était réservée au chef Inca (Sapa Inca), à sa famille, à ses serviteurs et ses soldats, et la dernière se distribuait entre les travailleurs, les vieux, les malades, les veuves, les orphelins et, d’une manière générale, à tous les absents pour des causes multiples, comme les obligations militaires ou les corvées. Les tupus (terres distibuées aux familles) comprenaient des terrains à différentes altitudes pour que les familles puissent diversifier leurs cultures. La vie de l’empire inca était déterminée par deux systèmes de production différents : la culture des légumes et l’élevage des lamas sur les hauts plateaux.
Par principe, les Incas avaient décidé de s’installer dans la montagne plutôt que sur la côté péruvienne, ayant constaté qu’elle n’était pas le meilleur endroit pour vivre, et ce pour de multiples raisons (tremblements de terre, sécheresse, influence d’El niño et le manque de terres cultivables. Ils y ont aménagé un immense réseau de voies de communication à flanc de montagne, dont le plus fameux est le « Chemin Inca ». A leur arrivée, les Espagnols ont déplacé tout le monde vers la côte pour se trouver près de la mer avec les conséquences sociales, politiques et économiques encore présentes aujourd’hui.
La richesse archéologique de cette région est aussi immense avec les sites incas tels que ceux qu’on trouve à Pisac, à Chinchero, à Ollantaytambo, à Moray ou, surprise, aux salines de Maras.
Moray, le modèle : À première vue, on dirait un grand amphithéâtre avec des terrasses disposées en cercles concentriques, et d’autres de plus petites tailles à proximité. En réalité, il s’agissait d’un centre de recherche agronome inca où étaient pratiquées des expériences de culture. Si on connaît bien les collines (convexes), ont connait moins les dolines (concaves). Ces sont ces dernières dépressions qui ont été abondamment exploitées par les Incas afin de « domestiquer » les plantes, chaque terrasse offrant un microclimat différent. Les archéologues ont d’ailleurs baptisée cette région le «Centre de recherche agricole inca». La civilisation inca avait le souci de trouver en permanence des nouvelles plantes pour enrichir la variété de fruits et légumes, y compris des plantes tropicales. Outre la pomme de terre, la tomate ou les avocats, l’agriculture qui avait le plus de valeur (on pourrait comparer aux puits de pétrole de nos jour) était celle de la feuille de coca. On plantait la bouture sur la terrasse la plus abritée pour, petit à petit, l’installer sur les terrasses supérieures, au fur et à mesure de sa croissance. La plante s’accoutumait progressivement au froid et pouvait affronter les rigueurs de l’hiver. Des greniers étaient installés dans les hauteurs pour une meilleure ventilation dans lesquels étaient stockée de la nourriture (viandes et végétaux) souvent déshydratée pour une conservation optimale.
Sur le même principe : Tout aussi impressionnantes sont les ruines de Pisac, Chinchero ou d’Ollantaytambo, mais disposées différemment de celles de Moray. Ce qui donne son charme aux terrasses de Chinchero est sa vue sur les sommets annonçant ceux du Machu Picchu, ainsi que son église coloniale attenante et son village de tisserands. Pisac la majestueuse, que l’on visite par le Chemin de l’Inca à flan de coteau, offre une vue vertigineuse sur la vallée. Ollantaytambo est le point de départ du train pour le Machu Picchu, mais a aussi son histoire propre. Son site archéologique est également fait de terrasses à flanc de colline. Un plus est la vue plongeante sur le village et ses toits en tuile.
Le sel de la terre : L’une des découvertes les plus insolites et fascinantes de la vallée sacrée est celle des salines de Maras, proche du village troglodyte de Pichinccoto. On se croirait dans les marais salants de Guérande au milieu des montagnes ! Il s’agit de sel gemme venant de la terre, sorte de micro similitude avec le désert andin d’Atacama. Ces salines sont exploitées par les familles de Maras. L’image est époustouflante, avec cet étalage à flanc de la montagne Quebrada de petites terrasses brunes cerclées de blanc où sèche le sel dans l’attente d’une récolte qui nourrira les villages andins des environs. Dans les marais salants, les paludiers sont inlassablement pliés sur leur travail sous un soleil parfois implacable pour la récolte de ce don de la nature.
Hutchuy Qosqo, le palais des Incas : Celle qu’on appelle la « petite Cusco » surplombe la Vallée sacrée au-dessus du village de Lamay. C’est une ancienne résidence des souverains incas. On peut y accéder en randonnée au départ de Tambomachay ou du village de Chinchero.
A la rencontre
«Vous voyez cette maison ? Avez-vous remarqué le petit chiffon rouge accroché à un poteau ? C’est une chichara, là où on peut boire cet alcool local qu’on appelle la chicha. Elle est préparée à base de maïs, d’arachide, de manioc ou encore de riz, ingrédients auxquels on ajoute des fruits. La fermentation dure deux mois et donne une boisson faible en alcool, un peu comme de la bière. Ici, les gens ne boivent pas seuls. Ils se réunissent dans un espace convivial et socialisent en parlant des récoltes et du temps, mais assez peu des problèmes de la ville» raconte Kallpa, un Quechua qui a fait ses études à Lima et qui nous accompagne. Il poursuit : « Tout à l’heure, vous risquez d’être choqué car vous trouverez des femmes vendant des cochons d’Inde à la broche. C’est très bon, vous savez, mais je sais qu’en Europe, ce sont des animaux de compagnie. Si vous mourez de faim, pourquoi ne pas essayer ?» On va de surprise en surprise en apprenant toutes les coutumes d’un peuple qui peut en remontrer à beaucoup d’autres sur la terre, notamment en ce qui concerne l’esprit de solidarité, d’hospitalité et le dédain de la fièvre du profit comme nous la connaissons dans notre monde moderne. Il n’est pas rare qu’au bord du chemin, des Quechuas vous adressent la parole en disant une formule traditionnelle : « Ne mens pas, ne vole pas, ne sois pas paresseux », à laquelle il faut répondre : « Quanpas inallataq » (qu’il en soit de même pour toi).
Texte Gérard Blanc
Photos Gérard Blanc et Isabelle Blanc
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Infos pratiques
Y aller
En avion, KLM propose de bonnes correspondances de Genève à Lima via Amsterdam. Ensuite, plusieurs compagnies offrent la suite vers Cuzco avec Latam, Peruvian ou la lowcost Viva Air Peru.
Site
www.visitperu.com