Cluj, la plus studieuse à l’ouest de l’Europe centrale
Les Clujois disent qu’ils sont à l’extrême est du monde occidental comme, l’affirment aussi les anciennes cartes de la Transylvanie
Les diverses minorités qui peuplent Cluj sont aussi une façon d’affirmer leur mentalité occidentale avec 16% de Hongrois (anciens colonisateurs) mais surtout 120’000 étudiants venus de tous les coins d’Europe et d’Amérique pour 300’000 habitants.
Le héros national
La métropole de la Transylvanie s’est ajouté le nom de Napoca qui lui avait été attribué par les légions romaines. Cette région était alors occupée par les Daces (cousins des Thraces grecs). Mais la ville fut réellement créée en 1316 par une colonie allemande, puis rapidement assimilée par les Hongrois pour être reconstruite plusieurs fois comme place forte pour résister aux invasions Mongoles, Tatares et Ottomanes. Le héros de Cluj est le roi Matthias Corvinus (1443-1490). Les habitants montrent avec respect la maison de la place Unicii où il avait vécu. Certes, il était Hongrois, mais naquit à Cluj. On lui doit surtout d’avoir repoussé les Ottomans de la Valachie-Moldavie. L’histoire mouvementée de Cluj fut ponctuée de destructions quasiment totales de ses fortifications. Toutefois, un pan des remparts et une tour sont encore debout, témoignage de la seconde enceinte médiévale.
Au cœur de la Réforme
En déambulant dans les rues, on a le sentiment d’être davantage dans une ville occidentale qu’en Europe centrale. Mais ce qui frappe est le nombre d’ églises et de cathédrales qui témoignent d’un passé religieux bouillonnant pendant la Réforme et de la Contre-Réforme, et, en particulier, le mouvement unitaire qui y naquit sous l’impulsion de David Ferenc, pasteur calviniste en désaccord avec le principe de la Trinité. Aujourd’hui, Cluj vit au rythme du pluri-christianisme avec un partage entre les obédiences orthodoxe, unitaire, calviniste, luthérienne et catholique.
Va te faire Cluj
Dans un humour potache, c’est ainsi que s’interpellent les étudiants étrangers qui, écartés par le numerus clausus de leurs pays, se sont rabattus sur ces universités qui leur octroient des diplômes reconnus au niveau européen. Mais la vocation universitaire de Cluj n’est pas récente. Sous l’impulsion du roi Stephen Báthory en 1580, un collège jésuite et diverses autres collèges catholiques se succédèrent jusqu’à la création de l’UBB (Université Babes Bolyai). Aujourd’hui, on y trouve presque toutes les matières, mais surtout celles enseignées par les savants Viktor Babes et János Bolyai, à savoir la médecine, la pharmacie ou la biotechnologie.
La fête
En marge des strictes études, Cluj vit aussi au rythme des boîtes, discos, et des festivals en tous genres. Le rendez-vous des étudiants est d’abord sur la place ombragée des musées, là où les tables des bistrots occupent presque tout l’espace et où des jeunes, studieux ou non, étanchent leur soif avec une Silva ou une Ursus.
Turda
A une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Cluj, Turda est le site le plus pittoresque de la campagne environnante. Datant de 1568, elle a su garder son aspect authentique et ses témoignages de l’époque de la réforme. On y trouve une insolite église calviniste fortifiée contre les invasions tatares et ottomanes et la statue de Avran Lancu, libérateur de la Transylvanie. C’est également à Turda que David Ferenc fit la déclaration de liberté religieuse qui aboutit à l’édit de 1568 sur les libertés de culte de toutes les religions chrétiennes: orthodoxe, catholique romaine, calviniste, luthérienne et unitaire.
Proche de Turda, l’impressionnante mine de sel rouverte comme musée en 1992 avec 850 mètres de galeries et une salle d’une hauteur de 50 mètres. On y traite toujours les maladies respiratoires par le sel.
Enfin, a quelques kilomètres de là, les gorges Cheile Turzii dues à l’érosion des monts calcaires jurassiques Apuseni de 2 900 mètres de long, sont un espace protégé dans lequel, avec un peu de chance vous verrez un aigle royal.
La fédération associative Share Cluj-Napoca, créée dans le but d’investir dans le secteur de la jeunesse, est un exemple des festivités tout au long de l’année. Une telle initiative a eu, par exemple, le résultat de faire de Cluj la capitale européenne de la Jeunesse en 2015, avec une palette de manifestations à but caritatif comme, par exemple, des après-midis disco avec DJ sur le toit d’un immeuble ou encore des festivals tels que l’ «Untold Festival» (reggae, hip-hop), ou le «No hate speech movement». La communauté estudiantine francophone y est importante, et la population est assez francophile, preuve en est le Festival de la culture française qui s’est déroulée en 2015.
Pleins de projets
Si Cluj a été décrétée capitale de la Jeunesse 2015, elle ne s’arrêtera pas là. Son ambition est d’obtenir la distinction de capitale européenne de la Culture en 2021 (cette distinction lancée par Jack Lang et Mélina Mercouri en 1983). Cluj met beaucoup d’espoir dans ce titre qui serait un formidable levier pour son tourisme. On formule déjà des projets originaux comme l’exposition d’un bateau gigantesque au centre-ville mais il importe avant tout de se conformer à 63 critères.
Le poumon
Le Parc central de Cluj est à mi-chemin avec son homonyme de Manhattan et au Bois de Boulogne à Paris avec ses étangs propices à la promenade en barques. Le vieux casino, sorte de gentilhommière peinte en blanc, sert aux multiples réunions en tout genre, à commencer par les fêtes de mariages, mais aussi un festival annuel de Jazz «jazz in the Park».
De cruels souvenirs
Si des générations de Clujois souhaitent oublier la période noire du communisme, d’autres veulent rappeler les sacrifices des intellectuels et des artistes qui l’on combattu, preuve en sont le mausolée à la gloire des insurgés contre le communisme dans un coin du Parc central et les sept colonnes en bois représentant sept martyrs (artistes et intellectuels) persécutés par le régime de Ceausescu.
Texte & photos – Gérard Blanc
Infos pratiques
Vol
Bâle-Mulhouse/Cluj sans escale le mardi, jeudi et samedi avec Wizz Air.
Réservations
www.wizzair.com
Hôtel
Le Grand hotel Napoca à la lisière du Parc central, www.hotelnapoca.ro
Restaurant traditionnel
Le Roata, www.restaurant-roata.ro
A voir encore
Le passionnant musée Metropoli situé au sous-sol de la cathédrale orthodoxe d’Adormirea Maicii Domnului. On y trouve toute une variété d’icônes d’époque byzantine, d’icônes naïves et de bibles datant du 16e siècle.