Rhodes: le cadeau d’Hélios
Où la mythologie, l’histoire, les tavernes et les plages font bon ménage.
La douceur du climat, un art de vivre millénaire et une situation géographique privilégiée entre Orient et Occident ont suscité bien des convoitises au fil des années, depuis le règne d’Hélios au tourisme d’aujourd’hui. Au sud du Dodécanèse, archipel de la mer Egée, Rhodes baigne à quelques encablures de la Turquie, d’un côté dans la Méditerranée et de l’autre dans la mer Egée. Elle a en tout temps bénéficié d’une situation stratégique sur le chemin des divers commerces de la Méditerranée ainsi que sur le chemin des pèlerins de Jérusalem. Ses premiers temps forts furent dans les multiples guerres de l’Antiquité, dont la plus intense fut la domination romaine. Cette étape, ainsi que celles qui vont suivre, permettront au visiteur de mieux comprendre le pourquoi et le comment des monuments qu’il va visiter et les architectures variées qu’il va croiser lors de sa visite de la ville de Rhodes et des autres îles du Dodécanèse.
Une histoire mouvementée
Comme presque partout en Grèce, l’existence de Rhodes commence par la mythologie. Quand Zeus distribua les îles de la Grèce, Hélios était absent et se trouva donc dépourvu. Zeus fit alors surgir des flots une île exprès pour lui: Rhodes. Le créateur physique a, par contre, sa statue à Paropoula (banlieue de Rhodes). Il s’agit de Dorius. Avec son frère, ils portent sur leurs épaules en triomphe leur père, Diagoras, déclaré à Olympe le champion incontesté du 5ème siècle avant J.C au pugilat. C’est en référence à Diagoras que l’aéroport de Rhodes fut baptisé.
La belle Lindos
La présence humaine n’a jamais discontinué depuis l’Antiquité. Après la ville de Rhodes, c’est sans conteste le site le plus visité de l’île. Les ruelles sinueuses gravissent un chemin étroit au flanc d’un éperon rocheux appelé le roc de l’Acropole d’où on a une vue plongeante sur l’ensemble de la ville et sur la crique au fond de laquelle sommeille une plage. Les images qui se présentent sont un peu l’archétype du village grec avec des murs blancs se détachant sur la mer bleue outremer, les marches d’escaliers, les maisons fleuries de lauriers et les petites chapelles orthodoxes.
Le Roc de l’Acropole se distingue d’abord par la fondation du sanctuaire de la déesse de la nature Athéna Lindia, datant du 9e siècle avant J.C. Son histoire se poursuit avec le tyran Cléobule (VIe siècle av. J.-C), qui construisit le premier temple de pierre. Une fortification fut ensuite érigée aux époques byzantine, ottomane et médiévale pour devenir un bastion des Chevaliers hospitaliers. A son entrée, on peut voir le curieux relief de la poupe du navire de guerre triémiolia qui fut exécuté à l’occasion d’une victoire navale des Rhodiens.
Archéologie oblige
Le temple d’Apollon pythien se dresse sur une montagne dominant la ville de Rhodes. C’est le site archéologique premier qui vécut bien des péripéties (destructions, tremblements de terre, pillages, abandons, reconstructions, etc.). Toujours adepte du béton armé, l’administration italienne de l’époque fasciste a voulu reconstruire une partie du site, qui est actuellement en train de s’effondrer vu la friabilité du matériau à longue échéance. Des monuments d’origine ne restent que quelques gradins du stade reconstitué jouxtant le temple, mais il est toujours intéressant d’imaginer le déroulement des épreuves sportives de l’époque sous les yeux d’environ 40’000 spectateurs, presque tous assis par terre ou sur des bancs en bois (les sièges en marbre viennent du temps des Romains).
Sur la côte ouest de l’île, les ruines de la ville antique de Camiros s’étendent sur environ un kilomètre et demi. C’est un exemple typique de la cité hellénique revue par les Romains, avec, en substance, le quartier publique avec l’agora, le quartier résidentiel et l’acropole dédiée aux dieux. C’est l’un des sites les plus parlantes qui existe, avec, en plus, le bleu turquoise de la mer en toile de fond. Les Chevaliers hospitaliers Après Malte, Rhodes est peut-être le séjour le plus marquant de leur épopée. Rappelons que le but original de leur mission était de protéger et de secourir les pèlerins qui se rendaient à Jérusalem. Ils résidèrent à Rhodes depuis leur arrivée de Chypre en 1310 jusqu’à leur départ pour Malte en 1523, avec, au palmarès, des fortes personnalités comme Foulques de Villaret, Pierre d’Aubusson, Andrea d’Amaral (le chevalier félon) ou encore Philippe Villiers de l’Isle-Adam. En visitant les lieux historiques, dont le palais des Grands Maîtres ou la rue des Chevaliers hospitaliers, un bon guide vous racontera en détail leurs exploits, tels que l’expédition et la bataille du port d’Alexandrette pour détruire la flotte ottomane de Soliman le Magnifique, ou encore le siège de Rhodes par la même flotte reconstituée. Un autre témoignage des Chevaliers de Saint-Jean est la porte rouge, rapport au sang coulé lors de l’assaut repoussé des troupes de Mehmet le Conquérant en 1480 par les mercenaires cosmopolites des communautés grecque, arménienne et juive aux côtés des 450 Chevaliers de Saint-Jean (Français, Provençaux, Auvergnats, Italiens, Anglais, Allemands, Espagnols et Vénitiens).
Le palais des grands Maîtres
Dominant la ville, il s’impose à la vue des marins entrant ou en sortant du port. Il fut presque entièrement reconstitué par le régime fasciste italien en 1912 qui voyaient grand et ont augmenté la stature du bâtiment avec un étage supplémentaire non prévu à l’origine et l’ajout de statues romaines et de mosaïques rapportées des îles voisines du Dodécanèse.
Les temps du fascisme
Le régime fasciste italien, de 1923 à 1945, a progressivement suivi un programme de «deshéllénisation» des îles du Dodécanèse. Il imposait non seulement l’abandon de la langue grecque dans les universités et les administrations en faveur de l’italien, mais aussi de la religion orthodoxe pour le catholicisme. Le résultat fut l’exode d’environ 60’000 Grecs du Dodécanèse. On doit aux dominateurs le souci parfois maladroit de restauration de plusieurs sites avec du béton ou «fausse pierre», par exemple sur les façades des bâtiments pour leur donner un style néo-classique. On déplore aujourd’hui la détérioration avancée de ce matériau périssable, notamment de la poste principale, bâtiment d’origine ottomane.
Symi, la perle du Dodécanèse
A deux heures de bateau de Rhodes, Symi est l’excursion favorite des Rhodiens pour le week-end. C’est une montagne plongeant dans la mer avec sa petite ville aux maisons de style néo-classique multicolores, un tableau à elle seule. Son port dort au fond d’une baie étroite avec la marque de ses pêcheurs d’éponges, une activité qui décline malheureusement sous les effets conjugués de l’occupation italienne, de la marine à vapeur et de la surpêche, causes du déclin progressif de l’économie de Symi. Aujourd’hui, le tourisme prend le dessus. Il faut grimper à flanc de colline pour bénéficier d’une vue panoramique sur l’ensemble du port et de la ville. Une excursion en bus local permet d’accéder au monastère de Panormitis
Sur le front de mer, d’autres bâtiments témoignent de cette influence coloniale orientaliste avec le Nea Agora (nouveau marché), suivi par le style moderniste rectiligne, de 1936 à 1945, avec, par exemple, celui qui fut le palais de justice. Un autre édifice de marque de cette période est l’église de l’Annonciation qui fut convertie en mosquée pour finir comme église orthodoxe.
Le port
A l’entrée du port de Mandraki, les statues d’un daim et d’une daine trônent sur deux colonnes. La légende veut qu’elles chassèrent les serpents de l’île. Pour cette raison, elles sont le symbole de Rhodes aujourd’hui, symbole qu’on retrouve un peu partout à Rhodes. Ce qui distingue ce port, ce sont les deux tours crénelées datant de l’époque médiévale, qui officialisent l’entrée de la ville. Autre édifice marquant: la tour de Saint-Nicolas, jadis point névralgique de la défense de la ville par les Chevaliers hospitaliers. Et le fameux colosse? Personne n’ignore celui qui fut compté parmi les Sept Merveilles du monde listées par Philon de Byzance. Mais il réside une certaine ambiguïté quant à l’emplacement de cette statue que la plupart situent probablement par erreur à l’entrée du port de Mandraki. Les témoignages des pêcheurs qui voyaient Rhodes apparaître indiquaient que le colosse s’imposait à la vue, or, les experts disent qu’il se trouvait plutôt au sommet du palais des Grands Maitres, à savoir sur les hauteurs de la ville. Cela ne l’empêcha pas de s’effondrer lors d’un tremblement de terre.
Texte — Erika Bodmer, photos — Gérard Blanc
Infos pratiques
Vol
Aegean Airlines opère un vol sans escale entre Genève et Rhodes le vendredi, et via Athènes les autres jours.
Renseignements
www.visitgreece.gr, www.rodosisland.gr.
Agences spécialisées
Atelier du Voyage, 021 312 34 22; VT Vacances, 021 695 60 40; Sunorient, 021 340 60 60
Restaurants
Le Mavrikos à Lindos; la taverne Old Kamiros à Kamiros; le Dinoris en vieille ville de Rhodes.
Evénements
Le Marathon international de Rhodes se déroulera le 17 avril 2016. Jusqu’à la fin novembre 2015, une exposition de plusieurs oeuvres du musée du Louvre de Paris seront exposées en ville de Rhodes sous le nom de «Rhodes, une île à la porte de l’Orient». Cette exposition itinérante a été organisée en collaboration avec Le Louvre, le British Museum et les musées de Copenhague et de Berlin.
A voir aussi
Les termes de Calitea, lieu de villégiature du début du 20e siècle; le monastère de Panagia et l’église de Saint-George (14ème siècle) au milieu d’une pinède et d’une colonie de paons; la forêt de Pétaloudès et ses papillons de l’espèce écaille chinée, lesquels viennent en nombre pour s’y reproduire en juillet et en août, attirés par la sève aromatique du platane; Throne of Helios , exposition avec cinéma en 9D, une bonne introduction à l’histoire de Rhodes.