Umeâ, le pays du soleil de minuit
Umeâ (prononcer Uméo) se trouve au nord-est de la Suède à une cinquantaine de kilomètres du pays lapon et du cercle polaire. Mais que vont donc faire ces voyageurs qui, dès le printemps, embarquent à bord de vols, réguliers ou charters, pour se rendre dans ce coin perdu?
Si vous leur posez la question, ils vous diront qu’ils cherchent d’abord la «grande» nature, les longues randonnées, l’observation de la faune et de la flore, les paysages infinis de forêts et de lacs, la pêche, la chasse, l’authentique dans les fermes et villages et, pour certains, le soleil de minuit.
Mémoire paternaliste
En moins de 10 minutes, le ferry «MS Norrbyskär», qui nous mène sur l’archipel du même nom, permet de faire un petit voyage dans le temps. En accostant sur la verdoyante et paisible île principale, il est difficile de s’imaginer qu’il s’y activait, il y a environ cent ans, une fourmilière humaine dans ce qui fut l’un des fleurons de l’industrie suédoise et une des plus grandes scieries d’Europe. L’industriel et despote Frans Kempe y organisa une société ouvrière sur le modèle du paternalisme alors en vogue. Le patriarche, garant du bien commun, proposait à ses ouvriers et leurs familles un logement gratuit et des prestations sociales alléchantes, mais contraignantes. Une anecdote illustre la générosité toute relative du maître: très satisfait du travail de jardinage effectué par une jeune fille qui venait tous les jours nettoyer son jardin gracieusement, M.Kempe lui offrit, dans sa grande générosité… une carte à sa propre effigie. Ce rêve industriel atteint finalement ses limites en 1952.
Aujourd’hui, une partie de l’ancienne usine abrite un musée dédié à son glorieux passé. Quelques maisons de l’époque, un hôtel confortable et pittoresque, un parcours aventure, des bateaux et un village miniature permettent d’accueillir des participants, jeunes et moins jeunes, à des colonies de vacances, des séminaires ou des noces. D’une place industrielle, l’archipel est devenu une réserve naturelle.
Si, comme les oiseaux, les poissons et les phoques, vous voulez profiter en toute quiétude des étendues de terre et de mer, alors Norrbyskär est fait pour vous plaire.
Les phoques remportent les suffrages des visiteurs. Après 15 minutes de trajet en Zodiac, on vous mène à un îlot où une colonie de phoques a élu domicile. Certes, ceux-ci n’attendent pas particulièrement que vous arriviez pour s’installer en rang d’oignon sur leur rocher, à l’heure du repas. Mais la curiosité les pousse néanmoins à pointer leur tête dès qu’ils savent qu’un Zodiac est dans les parages.
Il n’est pas facile de s’y habituer. Si vous êtes bien occupé, vous oublierez parfois de regarder votre montre et vous vous apercevrez avec étonnement qu’il est 23 h et qu’il fait encore jour. Même chose lorsque vous allez vous mettre au lit. Un bon conseil, fermez bien les rideaux et plongez-vous dans le noir. Sinon, votre corps ne sécrétera pas cette indispensable mélatonine dont vous avez besoin pour vous jeter dans les bras de Morphée, et vous aurez toutes les peines du monde à vous endormir. Pendant la nuit, si, d’aventure, vous vous réveillez vers les 3 h, le soleil brillera comme s’il était 8 h.
C’est aussi une superbe expérience et de magnifiques tableaux naturels d’un diffus crépuscule en bordure de lacs ou sur le littoral.
Elle ne manque pas de bouleaux: Si l’histoire d’Umeâ remonte à 1622, celle qu’on appelle la «ville des bouleaux» donne un aspect très nord-américain, avec ses rues perpendiculaires. C’est qu’au 19e siècle, au cours duquel Umeâ fut le théâtre de multiples batailles entre la Suède et la Russie, bien des maisons en bois furent détruites, et aussi lors d’un incendie dévastateur. Dès lors, la reconstruction d’Umeâ fut réalisée avec de grandes avenues plantées de bouleaux ce qui lui valut son sobriquet actuel.
Aujourd’hui, Umeâ apparaît un peu comme une ville de poupée aux maisons colorées et bien léchées avec, par endroits, des bâtiments préservés datant de 1785, tels l’hôtel de ville, la Stora Hottelet (Le Grand Hôtel) et la villa Sharinska.
Mais avant tout, Umeâ est le point de départ idéal pour de nombreuses excursions le long de la côte, vers les montagnes du nord, dans les forêts sans fin et dans le pays lapon.
Un petit estuaire avec une eau bouillonnante se déversant dans la mer, une mouette se posant sur une barque colorée, en bordure de forêt, une maison de bois peinte en rouge, un calme olympien, voilà le charme de cet endroit où l’on va se ressourcer.
Mais l’essentiel de la visite est l’écotourisme, la vie en pleine nature, et, parfois, la surprise d’un spectacle insolite comme le «Mirage» de Kontsvägen: l’apparition à environ 100 mètres de la route d’une chapelle de verre.
Les promeneurs peuvent, avec un peu de chance, rencontrer des troupeaux de rennes, plus fréquemment des élans, plusrarement des ours ou des renards, mais, sur la côte, une multitude d’oiseaux de mer (fous de Bassan, macareux, etc.) dans d’immenses réserves naturelles côtières, comme celle de Kronören.
Mais la grande attraction est de se faire conduire en zodiac jusqu’à des îles peuplées de colonies de phoques, d’otaries, de morses ou de lions de mer qui, de nature plutôt curieuse, n’hésitent pas à montrer leur museau entre deux bouchées de poissons.
Une télécabine gigantesque: Enfin, nous sommes au pays des lacs, des rivières et des forêts à perte de vue. La meilleure façon d’en prendre conscience est de se rendre à Örsträsk et d’embarquer à bord de la plus longue télécabine du monde. A l’origine, les pylônes avec le câble servaient à transporter du minerai par un moyen économique en période de pénurie de pétrole. Par cette route de 100 km de câble, il était alors possible d’acheminer 70 tonnes de minerai en une heure.
Aujourd’hui, les cabines sont modernes et permettent aux visiteurs de survoler le sommet des arbres et de jouir d’un éblouissant spectacle de forêts et de lacs pendant un trajet de plus de 2 heures (pique-nique à bord). Avant le départ, il faut en profiter pour visiter le musée d’Orsträsk retraçant la vie quotidienne au moment de la construction sur chemin câblé.
Dans cette région et, en particulier, le long de la côte, ce ne sont pas les musées qui manquent. Chaque village ou presque a droit au sien avec des ours, des rennes, des élans ou des aigles empaillés, et des descriptifs détaillés des plantes rares qu’on y trouve, la nature étant un inépuisable fournisseur de sujets pour susciter l’intérêt des randonneurs.
Des p’tits clous…: Le plus insolite se trouve à quelques kilomètres de la côte balte, le Musée des travaux du fer d’Olofsfors à Nordmaling.
Il a été construit sur le site d’une ancienne forge qui a été remise en activité avec le souffle, la fournaise, etc. On y visite également la maison des ouvriers et le manoir des anciens propriétaires. Vous y verrez le célèbre «marteau à clous», qui peut produire encore aujourd’hui 500 clous à la minute (4000 clous par jour, n’abusons pas).
Le visiteur peut y forger son opinion, certes, mais aussi son propre décapsuleur ou autre objet ne demandant pas plus de 30 minutes de fabrication.
Le manoir d’Olofsfors qui, de jour, sert de restaurant et d’hôtel, reçoit parfois la visite de fantômes. Alors, si vous êtes sage…
A la rencontre des Lapons
Le premier contact avec les Lapons est à Lycksele où, dans le village sami de Gammplatsen, Lorentz Sjul. Asdell explique l’historique et les coutumes de son peuple.
Les Samis sont les représentants d’une nation datant de plus de 9000 ans. Aujourd’hui, ils sont environ 70 000 dans le nord de l’Europe: 40 000 en Norvège, 20 000 en Suède, 6000 en Finlande et 2000 en Russie.
Mais hormis les aspects politiques, comme le fait que les Sami suédois ont leur propre parlement, ou encore linguistique, avec le fait que les Samis parlent quatre langues et neuf dialectes (difficile parfois de se comprendre pendant les grands rassemblements internationaux lapons), le plus intéressant est de prendre connaissance des traditions qui ont cours aujourd’hui.
Il y a tout d’abord le yoik, cette façon particulière de chanter, qui autrefois a valu bien des déboires aux Lapons jusqu’au milieu du 20e siècle, parce que ce chant était considéré comme de la sorcellerie. Le yoik est aussi le nom d’un dialecte et d’une philosophie s’approchant du shamanisme.
On ne «yoik» pas à propos de quelque chose, on «yoik» quelque chose. Ca n’a l’air de rien, mais c’est une nuance importante.
Mais pour les Sami, deux des traditions les plus tenaces sont encore le concept de la hutte laponne et celle du tambourin. On apprend, par exemple, qu’au fur et à mesure que l’on entre dans une hutte sami par la porte profane (la porte arrière menant vers l’infini), on s’avance à chaque pas vers la divinité absolue.
On apprend aussi l’usage d’un tambourin qui, tendu par la chaleur du feu, et généreusement décoré de figurines primitives, sert de guide pour les prochains actes du Sami. Une pièce de métal est posée sur la peau du tambourin. En la faisant rebondir sur la peau, la pièce se place sur l’une ou l’autre des figurines. Elle indique alors par où passer pour éviter des dangers, comment se comporter avec son épouse, comment négocier, etc.
Texte et photos Gérard Blanc
Infos pratiques
Vol
Genève-Stockholm-Umeâ avec SAS ou Genève-Stockholm avec Swiss et Stockholm-Umeâ avec SAS.
Agence spécialisée
info@kontiki.ch,www.kontiki.ch/fr
A voir ou à faire
• A la ferme d’élans d’Älgen Hus, proche de Bjurholm, tenue par Christer Johansson et son épouse Ulla, on peut, certes, côtoyer une dizaine de ces charmants cervidés, et, en particulier, le vétéran Charlie et sa descendance, mais aussi goûter aux fromages, dont le bleu d’élan fabriqué à base de lait d’élan.
• A Lycksele, l’église de Margareta, héroïne du peuple lapon qui, après avoir rejoint Stockholm à pied, fit valoir auprès de la couronne à Stockholm la survie du peuple lapon.
• La pêche à la mouche dans les millions de kilomètres de rivages de torrents de lacs et de rivières.
Gérard Blanc