Pays d’Enhaut : les Vaudois de l’ancienne Gruyère
Au coeur des Alpes vaudoises existe un microcosme de terroir et d’authenticité qui porte le nom de Pays d’Enhaut.
On y découvre des richesses culturelles insoupçonnées, mélange de terroir bien gardé et de retour aux sources.
Sur la route matinale le long de la ligne de chemin de fer de montagne qui relie Bulle à Château-d’OEx, il n’est pas rare de tomber sur un épais brouillard entre Albeuve et Montbovon.
Les grands airs
Le matin, il est fréquent que le vent descende vers la vallée. Plus tard, il remonte et le brouillard avec. Dans un cas comme dans l’autre, les ballons à air chaud de Château-d’OEx s’abstiennent de décoller: sécurité oblige. François Chappuis, responsable de Sky Events, l’entreprise de ballons à air chaud de Château-d’OEx, y tient. Du printemps à l’automne, Sky Events assure en moyenne 150 départs des six montgolfières de Château-d’OEx.
Embarquement à 5 h du matin (c’est à cette heure que les vents sont les plus favorables). On s’embarque pour un vol prévu pour durer une heure, mais qui peut, selon les conditions atmosphériques, s’étendre jusqu’à deux heures. Lorsque la montgolfière se trouve au sommet d’une montagne, la descente jusqu’au lieu d’atterrissage peut prendre du temps! Pour les vols de l’après-midi, les départs ont lieu deux à trois heures avant le coucher du soleil, une formule qu’adorent les romantiques !
Passé cette nébulosité, c’est l’éblouissement d’un soleil éclatant qui attend le conducteur. Cette arrivée en fanfare dans le Pays d’Enhaut est un peu comme une entrée sur scène, avec tous les feux de la rampe allumés. Chalets, montagnes, pâturages se sont parés des plus belles couleurs. Avec pour frontières symboliques la Gruyère, Gstaad, Saanenland et le col des Mosses, le Pays d’Enhaut jouit d’un microclimat favorable, qui ne fait pas pour autant obstacle aux chutes de neige qui sont indispensables à son tourisme l’hiver dans les stations de Rougemont (la Videmanette), Château-d’OEx (la Braille), Les Moulins (les Chevreuils) et le col des Mosses (la Lécherette et les Mosses). Dans cette région, qui compte plus de 250 km de pistes skiables en hiver et 300 km de sentiers pédestres le reste du temps, la nature est le premier atout pour faire la partie belle aux amateurs de flore et de faune, prioritairement dans la réserve naturelle de la «Pierreuse».
En second lieu, ce sont les superbes sculptures des façades des chalets qui sautent aux yeux, davantage d’ailleurs à Rougemont qu’à Château-d’OEx. Cette différence d’authenticité architecturale vient de ce qu’au cours des deux cents dernières années, Château-d’OEx avait subi trois grands incendies (foin mal séché qui fermentait, fourneaux à bois défectueux, etc.). Il y a bien eu aussi quelques incendies à Rougemont, mails ils n’ont jamais été aussi dévastateurs. C’est ce qui explique la caractéristique de Rougemont avec ses chalets datant du 16e et du 17e siècle. Il faut ajouter au tableau le superbe prieuré clunisien arborant la grue, symbole du temps où le comte de Gruyère régnait sur cette région. Les changements de propriétaires successifs ont ensuite eu lieu avec les Bernois, puis enfin les Vaudois.
Dans leurs amitiés voisines, les habitants du Pays d’Enhaut verraient aujourd’hui d’un bon oeil une collaboration culturelle, voire économique avec les habitants du Saanenland, de l’Oberland bernois et de la Gruyère, compte tenu de leurs points communs. Fief catholique du temps des Bourguignons, le Pays d’Enhaut est devenu à majorité protestante après le passage des Bernois. Les catholiques partirent alors vers Fribourg, tandis que les Valaisans et les Gruyèrois protestants émigrèrent vers le Pays d’Enhaut.
On se perd en conjectures à propos des deux étymologies qui valurent le nom de Château-d’OEx. Pour les uns, c’était le château d’eau de la région, pour les autres, c’était une référence au «château d’en haut», une tour qui jadis appartenait au comte de Gruyère, qui y organisait des fêtes mémorables.
Gérard Blanc