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JE PARS À LA DÉCOUVERTE

Wallonie, le pays de la bière

On pourrait se demander pourquoi, cette année, la Belgique veut rappeler au monde qu’elle est le pays de la bière tant cette particularité gastronomique est universellement connue. C’est de toute évidence un bon prétexte pour aller sur les traces de la divine mousseuse et, par là même, découvrir un pays moins connu et plein de particularismes qu’est la Wallonie.

En Wallonie, les moines ont joué un rôle prépondérant dans la fabrication des bières, des alcools et des fromages. Le but était alors de faire de l’argent pour entretenir les monastères et donner de l’argent aux pauvres. C’est ce qui a donné lieu un peu partout dans le monde, à l’élaboration de certaines recettes tenues secrètes, lesquelles ont été par la suite et pour la plupart cédées à des entreprises industrielles en échange de royalties. En matière de bières belges, la première confrérie qui vient à l’esprit est celles des Cisterciens de la «Grande trappe », d’où le nom de «Trappiste». A l’abbaye de Scourmont, les moines ne consacrent que 4 à 5 heures par jour à la vie monastique, le reste du temps étant employé à la fabrication de la bière et du fromage de Chimay.

Produits du terroir
IMG_5502  - © Gerard Blanc Découvrir la Belgique francophone par le biais de la bière invite aussi à déguster toute une gamme de produits du terroir qu’elle accompagne et dont la plupart nous est inconnue, sauf, peut-être, le légendaire jambon des Ardennes. Les premiers produits qui appartiennent au patrimoine gastronomique régional sont, bien entendu, les fromages affinés selon les recettes des moines de Chimay et, entre autres, toutes ses variétés comme le Saint-Joseph (genre de Saint Nectaire), ou le Hervé, qui ressemble au Maroual. Moins connu mais méritant amplement la découverte (surtout lorsqu’on le déguste sur place dans la fromagerie) est le Molignard à pâte demi-dure pressée et à croûte lavée, lequel peut être vieilli plusieurs mois. En Wallonie, il faut aussi goûter le Falaën, fromage à pâte molle non pressée et salée une heure et demie et dont l’aspect rappelle le Livarot ou le Pont-Lévêque. Le Faëlen et le Molignard ont une saveur fruitée qu’il faut apprécier sur place.
Outre les fromages, on goûtera le pâté gaumais, sorte de tourte à la viande; la gamme des saucissons fumés, dont certains à la bière; l’escavèche, poisson au vinaigre; le faisan aux chicons (endives); le stoemp, mélange de pommes de terre et légumes écrasés; la gamme des saucisses et boudins, parmi lesquels on peut nommer le boudin de Liège, un boudin blanc aux herbes.
N’oublions pas de mentionner tous les plats mijotés à la bière et, en particulier, le lapin.

Sur le sentier de la bière
Le thème est une occasion rêvée pour découvrir une région méconnue, pleine de surprises. La première est la découverte d’un pays qui n’est pas aussi plat qu’on pourrait le croire. La description de Brel concernait peut-être la Flandre. Par contre, la Wallonie, du côté de Dinant et de Namur, est une campagne vallonnée très verte avec des villes et les villages aux maisons dont l’architecture peut parfois être de briques rouges (Charleroi) ou carrément de murs peints en blanc ou de pierre grise ressemblant à ceux des fermes bretonnes. La région est plus grande qu’on l’imagine de prime abord, d’où la nécessité de faire des choix, surtout si le séjour ne dure que le temps d’un weekend, même s’il est prolongé. En se limitant aux provinces de Hainaut et de Namur, il y a déjà fort à faire.

Du côté de Thuin
La cité médiévale de Thuin et ses environs sont un passage obligé, ne serait-ce que pour découvrir l’art de l’alambic à distillerie de Biercée avec de célèbres eaux-de-vie et liqueurs, parmi lesquelles figurent la mémorable eau de Villée (alcool aux herbes) et la P’tit Neket: santé! Proche de là se situe l’abbaye cistercienne d’Aulne, dont les moines étaient, bien entendu, des brasseurs; Binche, avec sa Grand-Place et son musée du Carnaval et du Masque; Chimay avec son abbaye de Scourmont, et où on brasse toujours la fameuse Trappiste de Chimay.
Arrêt sur image en cours de route: l’écluse de l’abbaye de l’Aulne qui servit de décor à un roman de Simenon.
Celle ou celui qui s’intéresse à la bière en profitera pour consacrer une petite heure à la visite de l’exposition des bières et fromages trappistes de Chimay et découvrira la technique de brassage utilisée par le bon père Thomas. Thuin soi même mérite une halte pour la visite de son beffroi et de sa tour de l’horloge que l’on peut visiter de l’intérieur.

IMG_5461 © Gerard Blanc

Dinant, la romantique
Dominée par une citadelle à la Vauban, Dinant est, à mon goût, le summum du pittoresque de la province de Namur.  Bordant la Meuse et ses chalands, cette ville aux façades colorées s’enorgueillit d’avoir accueilli Bill Clinton lors de son passage en Belgique. Pourquoi cette illustre visite?
Parce que c’est là que naquit Charles-Joseph Sax (1791), l’inventeur du saxophone. A plusieurs endroits de la ville se trouvent ça et là des rappels du fameux instrument et une statue du musicien. C’est aussi à Dinant que se trouve l’abbaye de Leffe, qui donna son nom à l’une des plus prestigieuses bières belges (brune, blonde, triple et radieuse). Après de nombreuses péripéties historiques, sa recette fut confiée à l’industriel Albert Lootvoet. Les moines (Prémontrés de l’abbaye de Leffe) d’aujourd’hui se consacrent entièrement à leurs activités contemplative, apostolique, hospitalière paroissiale et communautaire. A l’entrée de l’abbaye coule une source, dont on dit que si elle n’est pas bue dans le mois qui suit, elle se transforme en whisky. Aucune des personnes qui y puisent n’a ni confirmé ni infirmé la chose.IMG_5443 copie
Depuis Dinant, il faut prendre la route bucolique qui longe la vallée de la Molignée et aller visiter une autre des grandes abbayes célèbres pour sa bière qu’est celle de Maredsous. Son centre d’accueil Saint-Joseph est le lieu de promenade dominicale favorite de tous les Wallons. Là encore, la fabrication de la bière a été cédée à des industriels et l’ancienne brasserie se résume aujourd’hui à une salle d’exposition. Mais la visite du monastère garde tout son intérêt, surtout pour les reliques que l’on ne vous dévoilera que si vous montrez patte blanche.

La pinte des pintes
Bruxelles se garde pour la bonne bouche. Certes, la découverte de la bière est au rendez-vous à chaque coin de rue, mais rien ne vaut de finir en apothéose à la taverne de la «Mort subite», où toutes les variétés de bières (ou presque) sont proposées et accompagnent avantageusement des mets simples, comme des tartines de fromage blanc, de jambon des Ardennes, de «tête pressée» (fromage de tête), d’oignons crus et de radis au sel. Le chemin ne sera pas trop loin pour terminer le périple à l’exposition «Made in Belgium» sur le trottoir d’en face. Cette ultime visite permettra de faire un tour complet de tout ce qu’on ignore parfois comme faisant partie du patrimoine belge dans le domaine du Cinéma, de la chanson, de la recherche, de la BD, du sport et, bien entendu, de la bière.

Musées coup de cœur
Même le pire des allergiques aux musées ne peut faire autrement que d’être enthousiasmé par celui du Carnaval et du Masque de Binche, la patrie des Gilles. La grande attraction de cet établissement est le premier étage, là où est mise en valeur la solide tradition des Gilles, initiée en 1549 par Marguerite de Hongrie. Ces personnages costumés issus de la Comedia dell’Arte sortent en rangs serrés (environ un millier) le jour de Mardi gras sur la Grand’Place de Binche. Cet événement tenant plus du rite que du spectacle, est classé d’ailleurs comme chef-d’oeuvre du patrimoine oral et immatériel par l’UNESCO. Gilles de BincheLe musée met agréablement en valeur tout le cérémonial de préparation minutieuse de la sortie des Gilles, comme, par exemple, la solennité du costumage, dont le bourrage de paille, fera du Gille une sorte de Polichinelle, l’apprentissage du pas rituel, le dessin du masque avec ses lunettes, sa barbe et sa moustache rousse, et le maniement du balai et du panier à oranges: fascinant! Mais, surtout, que cela ne retire en rien le premier et le dernier étage du mussée, où quelques-uns des trois mille masques qui sont en stock sont exposés à tour de rôle: des masques africains camerounais, dogons ou congolais, amérindiens ou encore ceux de l’Engadine ou du Valais.
Je vous ai gardé le second pour la bonne bouche. Il s’agit de la fondation Folon à côté du château de la Hulpe, proche de Bruxelles. Qui n’a pas un jour de sa vie vu les envols du générique de fin d’Antenne 2 ou les illustrations des campagnes d’Amnesty International ou des romans d’Albert Camus ou de Jean Giono. Il ressort dans le jeu de lumières et des effets d’optique des quinze salles consacrées aux peintures, aquarelles, découpages, objets divers et sculptures du grand et bien modeste maître, comme une infinie douceur et une sérénité qui vous réconcilient avec la vie, imaginaires peut-être, que veut nous faire partager le grand poète-peintre-sculpteur belge de renommée internationale, qui n’hésite pas à dénoncer les grands fléaux (politiques surtout) de notre monde. On sort de cette exposition la tête pleine de rêves à la Jacques Prévert, envers qui Jean-Michel Folon a d’ailleurs témoigné son admiration avec son illustration des deux escargots se rendant à l’enterrement d’une feuille morte.

Texte et photos Gérard Blanc

Infos pratiques :

Vols : Genève-Bruxelles, plusieurs vols quotidiens avec Brussels Airlines.

Musées et expositions

Musée du Carnaval et du Masque de Binche +32/6433 57 441, Fondation Folon au château de la Hulpe: +32/26353 34 56; Expo «Made in Belgium», +32/2218 44 08.

Brasseries, abbayes, distilleries et expositions sur la bière:
La Biercée, ferme de la Tour à Ragnies, +32/71500050; Centre de Maredsous à Denée, +32/82698284.

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