Slovénie : de Ptuj à Jéruzalem
Histoire et papilles dans la tête de la poule
Vue d’avion, la Slovénie ressemble à une poule. Au nord-est, dans le cou et la tête, Ptuj est une petite ville pleine de références historiques, mais la région bénéficie aussi d’une étonnante diversité en matière de produits gastronomiques du terroir.
Ptuj la Romaine
Bâtie sur une colline, Ptuj domine la tumultueuse rivière Drava. Elle est l’une des villes les plus pittoresques de la Štajerska (Styrie) qui, selon les frontières actuelles, se partage entre l’Autriche et la Slovénie. Sa forte empreinte romaine remonte au premier siècle de notre ère, lorsqu’une légion prit position sur les bords de la Drava, la rivière qui coule au bas de la ville. Sur la colline vivait une tribu celte. Les deux ethnies pactisèrent et la ville devint prospère. L’époque romaine a laissé nombre de traces à Ptuj, comme, par exemple, celles de la religion monothéiste du dieu Mithra, implantée par les Perses, esclaves des Romains, mais pas reconnue par ceux-ci. Sur cinq temples d’origine, Ptuj en a conservé deux qui peuvent se visiter sur rendez-vous. Devant la porte d’un bâtiment administratif trône une statue de l’empereur Trajan qui, au 2ème siècle après J.C., donna à Ptuj le statut de colonie. Un autre rappel du passage romain est le buste du général Marcus Antonius Primus, originaire de Toulouse, qui se trouve dans le centre de bien-être Primus. Primus vécut à Ptuj en 69 après J.C. Au troisième week-end d’août, on commémore une bataille qui eut lieu entre les Romains et les Barbares. Un spectacle est mis en scène avec chants des vestales, camp légionnaire et reconstitution de bataille. A l’époque romaine, sa population atteignait les 50’000 habitants contre 17’000 aujourd’hui. Ce chiffre s’explique par le fait que Ptuj se trouve hors des grandes voies de communication.
Sur la place de Slovénie trône la stèle funéraire romaine d’Orphée jouant de la lyre, et des représentations de la déesse de la lune Sélène et du dieu Sérapis. Au Moyen Age, cette stèle servît de pilori. Jouxtant le monument se trouve la grande tour, dont le cadran de l’horloge, volontairement, n’est pas tourné vers le château, en représailles à la pingrerie du châtelain autrichien, qui avait refusé de financer la construction de l’édifice.
À droite de la stèle d’Orphée se dresse l’église paroissiale de Saint-Georges, qui fut bombardée par erreur par les Alliés de la seconde Guerre mondiale. Dans l’église, des photos montrent l’état de l’église avant, pendant et après le bombardement.
En gravissant la colline, on atteint le grand château duquel on bénéficie d’une magnifique vue sur les toits orangés des maisons baroques construites en décalé pour lutter contre les incendies. Les salles accueillent un musée régional exposant des tableaux allégoriques, des armures, d’anciens instruments de musique, et, surtout, une collection de masques du carnaval Kurentovanje, rappelant les Tschäggättä du Lötschental.
Repas à la ferme
Perchée sur l’un des coteaux des vignobles de Jéruzalem, la ferme-auberge de Hlebec vit au rythme des tambourinades des épouvantails à moineaux en bois au grés du vent. De concert avec un projet culturel du gouvernement slovène, des artistes venus des pays voisins y ont été invités à passer une semaine aux frais de la princesse sur le thème des relations entre le vin et l’art. En remerciement, ils ont laissé leurs tableaux et sculptures qui décorent le jardin et les chambres. Si le patron est rarement sur place, occupé à traiter la vigne, son père accueille chaleureusement les visiteurs et leur fait faire le tour du propriétaire, sans omettre de leur montrer l’alambic servant à distiller le brandy qui vaut un cognac et qui clôturera le repas campagnard qui va suivre. A table, ce sont bien entendu des produits du terroir qui sont servis accompagnés de vins de la région.
Jéruzalem, royaume du vin
La Styrie slovène regorge de produits de terroir. La culture de la vigne est une longue tradition slovène. Depuis plus de 400 ans, c’est aux environs de Maribor que se trouve la plus vieille vigne du pays avec les cépages žametovska et modra kavčina, mais c’est encore à Jéruzalem, au nord-est, que la production de vin se révèle la plus florissante. Mais d’où vient ce nom curieux ? Des chevaliers partis pour la 10ème Croisade auraient été hébergés par le comte Frededric de Ptuj, et auraient comparé la région à la Terre promise. Les vignobles de Jéruzalem sont une vraie splendeur. Ce sont des coteaux de vignes à perte de vue: le Lavaux à grande échelle. La star de la région est le cépage šipon (prononcer chipon) qui donne un crémant sec dont les Slovènes sont très friands. Le nom viendrait de ce que, de passage en Slovénie, les soldats de Napoléon 1er l’aient trouvé «si bon».
Miel
En Slovénie, l’abeille camiole est l’animal porte-drapeau au même titre que l’ours. Elle est très aimée des Slovènes, car elle est sage, non agressive, très productive et, enfin, résistante aux maladies et aux pesticides. Le 20 mai est le jour de la fête des abeilles, date de l’introduction de l’apiculture en Slovénie par un agronome autrichien.
La courge
Jadis, en Slovénie, la courge était un légume pour les cochons et les pauvres, mise à part l’huile de graines de courges. Depuis une trentaine d’années, elle est considérée à sa juste valeur et connaît un engouement sans pareil. Sa préparation se décline de multiples façons dans les restaurants. A Ormoz, près de Jéruzalem, le Moulin aux graines de courges marche à plein régime et, au centre d’accueil, on peut y apprendre tout sur la courge et ses applications, avec dégustation à l’appui.
Divines charcuterie
Le jambon de la région de Prekmurje (dans la tête de la poule) est, pour les connaisseurs, à mettre au même titre que ceux de Parme ou de Bayonne. C’est en tous cas ce que Jamez Jsanko Kodila, boucher de la 3ème génération, vous affirmera si vous faites escale à la Maison du Jambon de Murska Sobota. Mais en visitant la fumerie et son enfilade de jambons désossés pendus au plafond, vous découvrirez qu’il fume aussi des saucisses, du salami et du lard. Au dessert, vous finirez par une prekmurska gibanica, gâteau qui vous calera pour le reste de la journée.
Texte et photos Gérard Blanc
Infos pratiques
Dormir
On peut loger chez l’habitant dans des zidanice (maisons de vignerons), aménagées en logements touristiques. Hôtels : le Mitra à Ptuj, le Lavda Prestige à Moravske Toplice et l’hôtel Grof à Vransko
Manger
Le Gostina Amadeus à Ptuj, l’auberge Franci à Zagrad, près de Celje, et le restaurant Hisa Denk à Zgornja Kungota (une étoile Michelin)
Ce reportage a pu être réalisé grâce à l’invitation de l’Office du tourisme de Slovénie.
Cet article a également été publié dans le quotidien La Liberté.