Le Mont-Saint-Michel : Un atout dans la Manche
Sur le littoral français de la Manche qui sépare la France de l’Angleterre, l’un des plus fabuleux sites classés au Patrimoine mondial de l’UNESCO et, aussi, l’un des plus visités de France, est à n’en point douter la butte du Mont-Saint-Michel, à un tel point réputé que son entrée est aujourd’hui, à juste titre, très réglementée.
Le voilà donc cet îlot célèbre, émergeant petit à petit de la brume un matin de grande marée de printemps. Bien que nous soyons en basse saison, la foule de visiteurs s’écoule à un rythme régulier, au gré des navettes de bus auxquelles personne ne peut se soustraire. Nul ne peut circuler en voiture sur une distance d’environ deux kilomètres à moins d’avoir réservé une chambre d’hôtel dans un espace consacré à l’hôtellerie, la restauration ou les boutiques de souvenirs. Bien qu’en période de basse saison, l’affluence est permanente du matin au soir, ce qui laisse imaginer le flot de touristes en pleine saison. Il est néanmoins vrai que nous sommes en période de grande marée, un grand rendez-vous international dont le Mont-Saint-Michel est un théâtre exceptionnel.
Grande marée : 08h 00 du matin.
Le brouillard va-t-il se dissiper ? Peut-être, peut-être pas. Nous montons quand même dans le bus-navette qui nous conduira, avec une équipe de touristes japonais, suédois et argentins, auxquelles se mêle une exubérante classe de collégiens venus de la Catalogne lançant à la volée des blagues … de collégiens en dépit de l’heure matinale. Le bus s’arrête à l’extrême limite admise, pour raison de sécurité, c’est-à-dire à l’endroit où la grande marée aura investi la partie du pont qui sépare la terre ferme de l’entrée de l’îlot du Mont-Saint-Michel. Une équipe de sauveteurs veille, sur son zodiac, que rien n’arrive de fâcheux aux promeneurs imprudents qui voudraient s’engager sur le pont immergé avant que la mer ne se soit retirée. Les marées les plus fortes y ont lieu 36 à 48 heures après les pleines et nouvelles lunes. C’est au Mont-Saint-Michel qu’elles sont, paraît-il, les plus fortes de l’Europe continentale, avec une différence de hauteur allant jusqu’à 15 mètres entre basse et haute mer. Et puis, la mer se retire à 15 kilomètres des côtes et remonte à la vitesse d’un cheval au galop (62 mètres par minute)! Le brouillard est à couper au couteau. Tout le monde attend patiemment deux événements : le retrait de la marée pour atteindre, à pieds trempés, l’entrée de l’île et, surtout, pour voir ses premiers remparts. L’attente est longue. Le seul phénomène tangible, impressionnant il est vrai, est l’arrivée de vagues qui s’engouffrent à grand bruit sous les lattes du pont et jaillissent en geysers entre elles. Rien à faire, on a beau écarquiller les yeux, on ne voit qu’une vague forme qui apparaît et disparaît dans le brouillard. Nous sommes humblement obligés de nous soumettre aux lois de la nature. Retour deux heures plus tard : cette fois-ci, le sommet du clocher commence à se distinguer, puis, dans le quart d’heure qui suit, se détache complètement, suivi par les remparts et, enfin, le Mont-Saint-Michel entier dans toute sa splendeur.
Retour sur histoire
Habité au 6ème siècle par des ermites, celui qui avait pour nom de Mont-Tombe était doté d’une chapelle dédiée à Saint-Etienne, le premier martyr chrétien. Au 8ème siècle, Aubert, évêque d’Avranches, aurait eu une vision de l’archange Michel qui lui aurait ordonné de bâtir une église en son honneur. Aubert fit alors construire une église sur le modèle de celle de Mont-Gargan en Italie et y plaça douze chanoines. La ferveur pour Saint-Michel attira des foules de pèlerins et le Mont-Tombe troqua son nom pour celui du Mont-Saint-Michel. En 966, des moines bénédictins remplacèrent les chanoines, et c’est au 11ème siècle que leur nombre dépassa les cinquante âmes grâce à la générosité des pèlerins. Au 11ème et 12ème siècle, une abbaye romane fut érigée avec une église au sommet, ainsi qu’un monastère sur plusieurs niveaux en raison de l’exiguïté des lieux. C’est à partir de 1212 que furent bâtis l’aumônerie, la salle des Hôtes, et le réfectoire des moines, puis, à des étages différents, le cellier, la salle des chevaliers, le monastère et, véritable prouesse technique et artistique, le bâtiment de la Merveille datant du 13ème siècle. Au fil de l’histoire, on retiendra que Bertrand Du Guesclin fut le capitaine de la garnison du Mont à partir de 1357 et qu’à la tête de ses troupes, il remporta victoire sur victoire en repoussant tous les assauts anglais. Après le départ du connétable pour l’Espagne, l’après-guerre de Cent ans vit un certain relâchement de la vie monacale, les abbés encaissant à leur profit l’argent censé être employé à l’entretien des bâtiments. La décadence s’aggrava avec les guerres de Religion. En 1793, les révolutionnaires fermèrent l’abbaye qui fut transformée en prison, ce qui, miraculeusement, permit d’en assurer la maintenance. En 1874, l’ensemble conventuel fut confié à l’Administration des Monuments Historiques, ce qui permit de remettre les édifices en état et, depuis 1969, une communauté religieuse s’y est à nouveau installée.
Une splendeur
En empruntant le parcours classique entre les maisons de granit et de tuiles noires, on accède à celle qui mérite tous les éloges : l’abbaye dont le patron fut Saint-Michel, pourfendeur du dragon, guide d’Israël et protecteur de la France à l’époque des Carolingiens. Tous ces lieux se visitent dans un dédale d’escaliers, de corridors et de terrasses. C’est un véritable émerveillement qui vous attend avec les arcs-boutants du chœur gothique, les superbes arcades du cloître, les tours du châtelet, les piliers massifs de la crypte des Gros piliers, le bas-relief de Jésus sur la croix (15ème siècle) et, bien entendu, la superbe flèche de l’abbaye avec la statue de l’archange Saint-Michel à son sommet. Magnifiques sont aussi les remparts qui protègent le rocher qui ressortent d’autant plus lorsque ce dernier est entouré d’eau. Magnifique aussi est la vue panoramique, surtout par beau temps, dont on bénéficie depuis les terrasses de l’abbaye par marée basse, avec des chatoiements de couleurs et le soleil qui se reflète sur les filets d’eau provenant des estuaires de la Sée, de la Sélune ou du Couesnon.
Moins plaisants sont les « marchands du temple » que sont tous les commerces de souvenirs et restaurants qui pullulent le long du chemin menant à l’abbaye ; et ne parlons pas du restaurant servant la légendaire omelette de la mère Poulard dont la dégustation n’est pas tout à fait en rapport avec le prix exorbitant qui en est demandé.
Texte Gérard Blanc et Erika Bodmer
Photos Gérard Blanc
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Infos pratiques
Renseignements
www.manchetourisme.com, www.normandie-tourisme.fr
Très bon article, suite à votre visite. Nous y avons passé le 30.06.2006. Bons souvenirs. Acheté une aquarelle de
Stéphane Lavro, artiste classé sur « Artprice »
C’était avant « l’isolation du site »
Ami D. Crissier