Cannes touristique: silence on tourne !
Si elle ne peut renier la réputation octroyée par son festival du cinéma, elle n’en est pas moins une station balnéaire de la Côte d’Azur avec ses grandes plages de sable, et offre d’autres attraits méconnus, comme le quartier du Suquet ou les îles de Lérins qui lui font face.
Toute bonne visite de Cannes commence par les Allées de la Liberté, proche du Palais des festivals, face au vieux port, là où trône la statue du Lord Henry Brougham, grand chancelier britannique. Ce dernier, en 1834, souhaite se rendre en Italie avec sa fille Eléonore-Louise pour l’y faire soigner contre la tuberculose, et il trouve la frontière entre la France et l’Italie fermée par le roi du Piémont par crainte de l’épidémie du choléra qui sévit dans le comté de Nice. Lord Brougham doit rebrousser chemin et s’arrête au charmant petit village portuaire de Cannes, où il séjourne à l’auberge de Maître Pinchemal, rue du Port, pendant quelques jours. Il a le coup de foudre pour cette bourgade qui, à l’époque, n’a que 4’000 habitants. Il achète un terrain à la Croix-des-Gardes et y fait construire une grande maison, la villa Éléonore-Louise, pour recevoir ses amis britanniques qui ne vont pas tarder à affluer.
Ainsi commence la véritable histoire de Cannes qui devient alors la coqueluche de la noblesse britannique, principalement en hiver pour la douceur du climat. Et c’est parti pour un essor économique qui transforme peu à peu Cannes en une station balnéaire mondialement réputée. Il se développe alors toute une demande de services de jardiniers, de cuisiniers, de serviteurs, de nurses, de maçons, etc. Le personnel local devient vite débordé et des nouveaux immigrants débarquent, notamment du Piémont. La population devient un mélange de Provençaux et de Piémontais qui vont se côtoyer, travailler ensemble et donner peu à peu à l’agglomération la taille d’une grande ville pour passer de 4’000 habitants en 1834 à plus de 75’000 aujourd’hui.
Si la ville s’étend maintenant sur environ 20km2, son attrait serait plutôt concentré sur cet espace en forme de bicorne vu d’avion qui serait délimité par les boulevard Boualam, de la Lorraine et du Général Valentin avec la Croisette à sa base, entre le Suquet à l’ouest et le port Pierre-Canto à l’est.
La Croisette et son cinéma
Nul ne peut la manquer. Elle peut se targuer d’avoir été photographiée des milliards de fois depuis 1946 à l’occasion du célèbre festival du cinéma qui se déroule au Palais des festivals chaque année en mai. Cannes ne manque pas une occasion pour rappeler la consécration de ce festival ici et là, sous forme d’une quinzaine de fresques et autres évocations disséminées dans la ville, où apparaissent les acteurs fétiches et les grands réalisateurs. Au pied du Palais des festivals, on trouve les empreintes dans le ciment des mains de Pedro Almodovar, Claudia Cardinale, Julie Andrews et bien d’autres encore, preuves irréfutables de leur passage au festival. Les nostalgiques ne manqueront pas de faire un tour vers l’escalier est pour voir les fameuses marches mille fois montées et descendues par les grands noms du cinéma et sur lesquelles les congressistes, qui occupent le Palais des festivals pour d’autres raisons, rêvent parfois de les fouler en s’imaginant, un instant, être des stars, avec ou sans tapis rouge.
La Croisette, où tant de starlettes ont inspiré les paparazzis, est comme l’axe principal de Cannes, bordant, côté Méditerranée, une plage géante qui, avec un apport de sable supplémentaire, a été réaménagée récemment pour le bonheur des estivants. Côté ville s’alignent les grands palaces et les boutiques de marques mondiales, alliant la mode et les parfums. Mais Cannes ne s’adresserait-elle qu’aux gens fortunés? Non, se défendent les Cannois, qui clament que les deux rues parallèles à la Croisette, à savoir la rue d’Antibes et la rue Meynadier et leurs ruelles adjacentes vendent des produits à des prix tout à fait abordables pour des bourses moins garnies.
Le Suquet
Ce vieux quartier est l’image d’Epinal sur lequel ont été apposées des lettres grand format C.A.N.N.E.S à la manière hollywoodienne et, côte à côte, pointent le clocher de Notre-Dame d’Espérance et, à son côté, la tour du château de la Castre. Celle-ci a été transformée en musée, dont une pièce est consacrée aux instruments de musique folkloriques et une autre à des peintures permettant de comparer ce qu’était Cannes avant et après l’arrivée des visiteurs anglais au début du 19ème siècle.
Le Suquet des artistes
Sur la colline du quartier historique, il faut absolument visiter le Suquet des artistes, un musée d’art plastique aménagé dans l’ancienne morgue de Cannes, ayant pour objectif de promouvoir la création contemporaine. Sur environ 350 m2, quatre ateliers ont été attribués à des artistes cannois (Olivier Domin, Richard Ferri-Pisani, Grégory Berben et Olivia Paroldi) dans le but de consacrer cet espace à la jeune création, dans l’esprit d’un laboratoire artistique. En pénétrant, par exemple, dans l’atelier de Richard Ferri-Pisani, on découvre un espace présenté volontairement comme un doux capharnaüm, où s’entassent pêle-mêle un disque Bobby Lapointe, des vieilles revues de cinéma, des panneaux indicateurs, un livre de Picasso et, bien entendu, plein de tableaux irrévérencieux de l’artiste dans un style rappelant celui d’Andy Warrol, avec des attaques non déguisées des institutions américaines comme, par exemple, la National Rifle Association.
Un bon accès au Suquet est celui par la rue Meynadier direction ouest, non sans avoir, au passage, fait un arrêt au marché authentiquement provençal de Forville avec ses étals de fruits, légumes et poissons, et son stand de vente de la célèbre socca. Depuis la place Bernard Cornut Gentille, on gravit ensuite des ruelles en pente rappelant celles du quartier du Panier à Marseille en plus intime pour atteindre, en son sommet, une terrasse d’où on bénéficie d’une vue panoramique splendide sur les toits de la ville, la forêt de mâts du Vieux Port, l’enfilade de la Croisette et, bien sûr, la grande bleue.
Les îles de Lérins
Face à la pointe de la Croisette, souvent méconnues, elles méritent la découverte pour y faire des excursions d’une journée depuis le Vieux Port. A mi-chemin entre l’Italie et l’Espagne, elles étaient sur les routes du commerce maritime depuis le 4ème siècle avant J.C. En 410, après J.C., un raz-de-marée les a dévastées et chassé ses habitants vers le continent. Arrive alors le moine Honorat qui, selon la légende, réduit les reptiles qui y ont proliféré, à la pourriture. Il y installe un monastère bénédictin après avoir été béatifié. Saint-Honorat est aujourd’hui une île appartenant à des moines cisterciens avec 8 hectares de vignes qui produisent plus de 30’000 bouteilles par an. Elle est peut-être la moins visitée car les moines en limitent l’entrée. Nous passerons les multiples péripéties de l’Histoire pour nous arrêter au début du 17ème siècle où, à la demande du duc de Guise pour défendre l’accès à Cannes, on construisit le fort Royal qui sera ensuite aménagé en prison par Vauban. Ce fort est le clou de la visite de l’île Sainte-Marguerite. On peut y visiter les cellules des prisonniers célèbres qui y ont séjourné, comme l’Homme au masque de fer, le gouverneur Saint-Mars, six pasteurs protestants lors de la Révocation de l’Edit de Nantes, ou encore la Smala d’Abdel-Kader en 1843.
Gérard Blanc, texte et photos
Infos pratiques
Y aller
Vols Genève-Nice avec easyJet ou Swiss.
Loger
Hôtel Montaigne, Hôtel Albert 1er, Hôtel de Provence.
Bonnes tables
Le Riviera Beach, l’Alba, la Brouette de grand-mère, la Mirabelle (au Suquet).
Gourmandise
Prendre un goûter chez Charlotte Busset et ses pâtisseries maison.