JE PARS À LA DÉCOUVERTE
A l’intérieur comme à l’extérieur de Lima, la mémoire de l’empire Inca et de la colonisation sont indissociables.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’appellation de « Ciudad de los reyes » que porte la capitale du Pérou, n’a rien à voir avec une quelconque royauté péruvienne, ni même, pourrait-on imaginer, celle des Incas. Los reies étaient les Rois catholiques espagnols. Appeler Lima ainsi permettait d’ancrer davantage dans les esprits que le Pérou (vice-royauté) était partie intégrante de l’Espagne (en tout cas jusqu’’à la déclaration d’indépendance). Lima fut conçue selon le principe des conquérants espagnols qui ne concevaient leur implantation que par la guerre, contrairement aux Quechuas qui, depuis des millénaires, avaient pour principe la vie communautaire aimable, conciliante et dénuée de toute attirance pour le lucre ou le pouvoir. A leur arrivée, les Espagnols, sous la dynastie des Habsbourgs, n’avaient, eux, d’autre idée que de créer un pouvoir par la guerre avec des places fortes. C’est dans cet esprit que naquit Lima dans les vallées de trois fleuves : Rimac, Chillón et Lurín.
Musée de Larco-Herrera
Y figurent poteries des périodes pré-colombiennes (incas, moche et chimus), des évocations très représentatives de personnes malades, de personnes aveugles, de visages d’une même personne à plusieurs stades de sa vie, de personnes avec le nez coupé (maladies probablement), jumeaux, etc. Allez savoir pourquoi, c’est dans la partie où sont exposées les poteries érotiques montrant des couples en pleine action que s’attardent plus volontiers les visiteurs… On trouve aussi dans ce musée des statues ressemblant à s’y méprendre à celle de la BD d’Hergé « L’oreille cassée ».
En découvrant le centre historique, on prend conscience de la même disposition urbaine que dans les autres grandes villes latino-américaines, avec cette marque de l’imposition des pouvoirs essentiels du colonisateur dans la place principale qui porte le nom, à Lima, de place d’Armes (ou aussi plaza Mayor, comme à Madrid) avec les symboles des pouvoirs mis en place au 16ème siècle. Ils sont représentés sur les quatre côtés de la place : le palais du Gouvernement, la maison de la Magistrature, le palais de l’archevêque de Lima et la cathédrale devant laquelle a été dressée la statue du conquistador Francisco Pizzaro dès 1535. En entrant dans la cathédrale c’est encore Pizzaro qui est à l’honneur avec son tombeau arborant une plaque en son épitaphe. Les marches du palais de l’archevêque sont les préférées des paysans quechuas en costumes bigarrés venus prendre le soleil, ignorants parfois ce que cette place avait pu vivre comme événements historiques. En 1821 José de San Martin y arbora le nouvel étendard du pays afin de proclamer l’indépendance du Pérou. Au centre de la place d’Armes, un grand parc de verdure est le lieu de rendez-vous préféré des habitants de Lima. Un peu partout dans la ville historique, les références à la colonisation espagnole se répètent comme, par exemple, le luxueux manoir adjacent au palais du Gouverneur ayant appartenue dès la création de Lima en 1535 à l’un des plus précieux officier de Pizzaro qu’était Jeronimo Aliaga. Dix huit générations y ont logé et ont laissé des trésors de mobilier ancien, de tableaux et de décorations extérieures et intérieures.
Certes, là où la colonisation espagnole a le mieux réussi est dans la conversion des populations péruviennes au catholicisme, leur dévotion étant spectaculaire, tant dans les églises et cathédrales que lors des processions multiples pour célébrer le Christ, la Vierge sous des formes diverses ou encore les nombreux saints connus ou moins connus. Lima a aussi été marquée par une histoire mouvementée après la conquête espagnole. Pourtant, la percée des croyances venues d’Amérique du Nord semble changer la donne avec, notamment, l’église adventiste qui représenterait la seconde religion du Pérou.
Les effets de l’exode rural
Lima n’est, de loin, pas seulement concentrée dans son quartier historique et ceux qu’on pourrait appeler les quartiers extérieurs qui se sont peu à peu construits grâce aux avancées de la technologie, au début du 20ème siècle. Elles ont favorisé un formidable essor à l’industrie et au commerce, avec, notamment, l’avènement de l’automobile, du chemin de fer, générant un irréversible exode rurale en 1950. Les quartiers de l’ouest bénéficient de l’avantage certain d’une terrasse d’environ 30 km surplombant le Pacifique, océan qui attire les surfeurs pour des vagues atteignant des hauteurs impressionnantes. La température de l’eau peut osciller entre 14° et 17° en raison du courant froid de Humboldt, une situation paradoxale avec le climat subtropical et désertique de l’ensemble de la côte péruvienne. La pêche est la seconde activité économique du Pérou, après les extractions minières et suivi par l’exportation du guano et du salpêtre. Peu à peu donc, les zones agricoles et les villages qui composaient la périphérie de Lima disparurent pour céder la place à de grandes avenues. Le meilleur exemple est l’avenida Arequipa de Miraflores qui fut construite pour la circulation des premiers véhicules à moteur. Peu à peu des maisons et des commerces se construisirent de part et d’autre de ces artères. Aujourd’hui, Miraflores est un quartier de résidences cossues des classes supérieures liméniennes, et où ont élu domicile la plupart des ambassades. L’un des clous de Miraflores est son « parc de l’amour », grand lieu de la célébration de la Saint-Valentin où trône la sculpture nommée El Beso (le baiser), signée de l’artiste péruvien Victor Delfín et représentant deux corps nus qui s’enlacent, témoignage de l’évolution des mentalités. Son maire jouit d’une certaine popularité auprès des résidents car il a mis l’accent sur une sécurité telle qu’il n’y a pas un recoin de sa juridiction qui ne soit filmé par une caméra de surveillance. C’est dans ce même quartier que les amateurs de livres anciens trouveront leur bonheur dans les foires du livre qui ont leurs étals dans les rues adjacentes des grands axes.
Au rendez-vous des artistes
Affublé parfois de « quartier des bobos », il serait plus exact de donner au quartier de Barranco le nom de quartier des artistes. Les maisons de Barranco ne dépassent pas les deux étages, et leurs façades arborent, pour la plupart, des couleurs vives. Côtier comme Miraflores, Barranco est de loin le plus pittoresque de l’agglomération et le coup de cœur des visiteurs. Ayant gardé son âme du 19ème siècle, il est aujourd’hui le rendez-vous des artistes et c’est aussi là que se retrouvent les jeunes pour passer du bon temps dans les cafés branchés. Le week-end, c’est la fête sans discontinuer sur la Plaza Central. C’est à cet endroit que se trouve le café Bisetti, lauréat des concours internationaux du café. Avec un peu de chance, vous pourrez y suivre une dégustation guidée de la part du torréfacteur ayant participé à ces concours et apprendre la manière de faire un café fort, incolore, torréfié et moulu sur place, un délice à déguster avec un gâteau au chocolat maison.
Gérard Blanc, texte et photos
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Infos pratiques
Vol
Genève-Amsterdam-Lima avec KLM
Gastronomie
Le meilleur parti à prendre est encore de déguster les poissons locaux, comme, par exemple, la bonite, la sole ou le corvina (maigre). A goûter encore : la causa, plat typique quechua à base de pommes de terre et de poulet.
À voir encore
Le musée MATE (à Barranco) mettant en valeur les œuvres du photographe péruvien Mario Testino ; le musée Pedro de Osma retraçant en détail l’évolution de la dynastie inca et la conquête espagnole. On y apprend comment Beatriz Nusta, fille de l’Inca Sayri Tupac, fut mariée de force à Marin G. de Loyola (un parent d’Ignace), à la suite de quoi Sayri Tupac fut sommé de faire accepter par son peuple le pouvoir espagnol. Sachant que le dernier Inca ne pourrait pas supporter une telle défaite, les Loyolas poussèrent la perfidie jusqu’à lui suggérer de se suicider pour ne pas perdre la face. Il s’exécuta.