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JE PARS TRÈS LOIN

Mille et une ferveurs en Inde

Varanasi

Les bords du Gange à Bénarès

Dans le sous-continent indien, la religion joue un rôle primordial dans la vie quotidienne. Elle est visible à la fois dans l’architecture, la sculpture, la danse et la peinture. Agra est le symbole de la tolérance religieuse; Khajurâho vénère l’amour; Vârânasî (Bénarès) est le culte de la fin de vie et du Gange; Bhubaneshwar célèbre le soleil et la porte du Nirvana.

L’Inde est le pays où se pratiquent avec ferveur le plus de religions au monde. Sur les 1,2 milliard et quelques milliers d’habitants, 827 millions pratiquent l’hindouisme, 136 millions l’islam, 24 millions le christianisme, 19 millions le sikhisme, 8 millions le bouddhisme, 4,2 millions le jaïnisme et viennent ensuite d’autres religions minoritaires telles le zoroastrisme (venu de la Perse orientale), le judaïsme (surtout à Kochi), etc. Plus que nulle part ailleurs, l’Inde offre un témoignage artistique varié et spectaculaire de toutes ces croyances, l’hindouisme en priorité.

La ville du dernier voyage
Il y aurait trois cent trente millions de dieux en Inde et tous vivraient à Vârânasî (Bénarès). Pour la majorité des Hindouistes, mais aussi paradoxalement pour d’autres religions, la ville sainte est un portail vers la vie ultérieure, celle qui arrête le cours infernal de la réincarnation. Le Gange est un étrange phénomène par sa fonction purificatrice miraculeuse. Malgré sa pollution évidente, il ne transmettrait aucune épidémie, mais, a contrario, il guérirait les maladies, car, comme le dit un proverbe hindou, «rien ne peut souiller les eaux du Gange». En période de mousson, il envahit les rues, ce qui ne représente aucune calamité pour ses habitants, bien au contraire. Cette eau purifiera les rues bien souvent souillées d’immondices. A 6 heures du matin, le spectacle des rives du Gange est fascinant. Sur les «ghâts», ces escaliers majestueux qui descendent vers le fleuve, des milliers de pèlerins se déploient pour prendre le bain purificateur du matin. Pour accéder au ponton où sont amarrées de barques rudimentaires et colorées, il vous faudra peut-être traverser une haie de mendiants lépreux, symbole du choc des cultures entre l’Inde et l’Occident.

Un ghât de Bénarès

Un ghât de Bénarès

Mené peut-être par un vieux batelier et son petit-fils, vous longerez alors, à une distance d’une dizaine de mètres de la rive, les ghâts éclairés, comme une gigantesque scène de théâtre, par les rayons rasants du soleil levant. L’image est alors digne des plus grands tableaux de David ou de Goya. Vers les huit heures, les escaliers, depuis l’Asi Ghât jusqu’au Prahlad Ghât, sont bondés et multicolores. Une mélopée lancinante monte alors de quelques mille quatre cents temples hindouistes auxquels se joignent les appels à la prière des muezzins d’environ deux cent minarets.

Les bords du Gange sont décorés de guirlandes religieuses et de pétales de fleurs. Inlassablement, le rite se répète: Après une prière à la gloire du Gange, les mains jointes sur le front, après avoir salué le soleil, le ciel et les quatre points cardinaux, le pèlerin boit trois fois l’eau du Gange dans un petit gobelet appelé «lota». Il s’immerge ensuite trois fois, les bras croisés, et repart en ayant eu soin de remplir son gobelet avec de l’eau miraculeuse. Depuis la barque, le spectacle est permanent. Un cortège apparaît. Les hommes se sont poudrés de cendre, les femmes sont drapées dans des mousselines de couleur vive, des enfants ont peint leurs visages. Quatre hommes portent un mort qui sera brulé sur un bûcher. A l’arrière-plan, des temples et des tours et des bâtiments d’origines assyrienne et babylonienne prennent le ton ocre vif donné par le soleil. Sous un bouquet d’ombrelles, un gourou guide les pèlerins dans leur prière. Sur le fleuve flottent des colliers de frangipanier et de jasmin. Groupes, couples et célibataires s’en retournent le regard serein, dans les ruelles boueuses bordées de bûchers prêts pour la crémation. Ceux-ci sont réservés aux riches. Les pauvres, eux, n’ont pas d’autre choix que de faire incinérer leurs proches dans un crématoire commun. C’est à Vârânasî qu’il faut finir incinéré après un long rituel, et que vos cendres soient dispersées dans le Gange. En contrepartie, vous aurez l’assurance d’arrêter définitivement la suite angoissante de la réincarnation. Vârânasî est un enchevêtrement d’édifices religieux de multiples croyances que l’on découvre au milieu de maisons modernes et de masures sans âge. On trouve côte à côte des pyramides, des temples de toutes les époques, des mosquées, des stupas bouddhiques, mais aussi des monastères, parfois même implantés par des moines japonais ou sri lankais.

Temple Agra

Temple d’Agra © Gerard Blanc

Agra, exemple de tolérance religieuse
C’est à la vue du merveilleux site que Sikandar, alors sultan de Delhi, décida de bâtir la ville d’Agra pour mieux surveiller ses vassaux et les réunir sous son autorité. Babur, un prince turc de la tribu de Burlas, à la fois poète, soldat, aventurier et le premier des empereurs, fit d’Agra sa capitale. C’est au 16e siècle qu’Agra connut sa véritable période de gloire avec Akbar le Grand et ses successeurs. Ce fut l’époque de tous les fastes. L’empereur recevait de ses vassaux son propre poids en or et en argent, qui était ensuite distribué aux pauvres. Akbar le Grand donna aux monuments de la cité tout leur éclat grâce à son amour de l’architecture. On peut découvrir tous les détails de cette histoire tant en visitant le Taj Mahal que le fort d’Agra ou le palais de Fatehpur Sikri.

Vingt mille ouvriers: Construit à la demande de l’empereur Shah Jahan, en mémoire à sa défunte épouse, à la beauté suprême, l’«élue du harem», Muntaz Mahal, le mausolée du Taj Mahal prit dix-sept ans de travail acharné, de 1631 à 1648. Vingt mille ouvriers participèrent à sa construction et à sa décoration.

Taj Mahal

Taj Mahal © Gerard Blanc

Quel splendide résultat! Quelle merveille! Rien ne fut épargné pour la perfection de cet édifice. Ni la profusion de marbre blanc finement ciselé, ni celle des pierres précieuses minutieusement incrustées dans la pierre blanche, ni l’architecture grandiose. On comprend l’inquiétude du gouvernement indien quant à la menace de la pollution de l’air qui risquerait de mettre en péril une telle merveille. Le majestueux édifice est entouré de splendides jardins, similaires aux jardins moghols de Delhi.

Fatehpur Sikri: Appelée «Cité de la victoire», Fatehpur Sikri se situe là où Akbar décida de bâtir sa capitale, obligé de l’abandonner quelques années plus tard, pour cause de pénurie d’eau. Cette ville fantôme de grès rose a gardé ses fortifications et ses portes massives d’une authenticité rare. Les palais qui se trouvent dans cette enceinte sont remarquables par leur richesse architecturale. On y mesure l’amour sans borne et la tolérance religieuse que témoignait
Akbar le Grand à ses quatre épouses en leur bâtissant un palais selon leurs religions respectives (christianisme, islam, judaïsme et hindouisme) avec pour espoir une entente parfaite entre toutes les religions. L’un des clous de la visite est le tombeau du vénéré Salim Chishti, fait de marbre blanc délicatement sculpté. Autre monument méritant une visite: le tombeau d’Itmad-’ud-Daula, élevé en hommage à l’impératrice Nur Jahan sur les bords de la Yamuna.

Sculptures erotiques de Khajuraho

Statues de Khajurhao © Gerard Blanc

 Les prêtresses de l’amour
Le petit bourg paysan de Khajurâho serait passé inaperçu si des fouilles n’avaient mis à jour des temples hindouistes, zoroastriens, animistes ou jaïns, dont le plus ancien fut construit il y a mille ans. Ces édifices attirent depuis des lustres les amateurs du Kâma-Sûtra. Aravathi, fille d’un prêtre de Vârânasî, alla un jour se baigner au clair de lune dans le lac Rati. Son irrésistible beauté fit descendre des cieux le dieu Chandrama qui l’enlaça comme un simple mortel. De leur union naquit un fils, dont l’un des descendants fit construire 85 temples, dont 22 d’entre eux sont encore debout.

Vénération de l’érotisme: Sur les murs d’à peu près tous les temples de Khajurâho, hormis quelques animaux légendaires de la mythologie indienne, c’est la femme et encore la femme qui est reine. Elle apparaît partout, à la base comme au sommet, le long des frises, sur les piliers, les plafonds, bref, sur chaque surface sculptée. La plupart des poses ne laissent aucun doute sur le sujet principal: l’amour. Rien n’est vulgaire. C’est plutôt une vénération sans borne de la femme, de la beauté de son corps et de la beauté de l’acte amoureux. Les reines de Khajurâho sont montrées tour à tour méditatives, coquettes, en train de se retirer une épine du pied, de se faire un brin de toilette, mais, surtout et encore, de prendre des poses les plus diverses. De toutes ces statues émane une immense grâce féminine. Pourquoi un tel libertinage lié à la religion? Il semblerait qu’en raison de nombreuses guerres, la population ait été en sérieuse régression. Il fallait donc stimuler les naissances. L’autre version, plus vraisemblable, serait celle d’un simple cours d’éducation sexuelle à la population locale.

Une forêt de 500 temples

Bubhaneshwvar

Bubhaneshwvar @ Gerard Blanc

Bhubaneshwar, situé dans le nord-est de l’Inde, fut jadis le théâtre d’une guerre sanglante. Horrifié par le carnage qu’il avait engendré, le souverain Ashoka renonça à la violence et se convertit au bouddhisme. Si les ruines bouddhiques subsistent, la ville vénère aussi Shiva, le seigneur des trois mondes Tribhubaneshwara, dont le nom abrégé est devenu Bhubaneshwar, celui de la capitale de l’Orissa à l’est de l’Inde. Chaque roi qui succéda y construisit son propre lieu de culte, ce qui lui donne l’aspect d’une cité cathédrale avec ses 500 temples admirés mondialement pour leur architecture.
La grande tournée: Parmi les nombreux édifices, nous retiendrons Lingaraja (11e siècle), décrit par l’historien Fergusson comme le plus bel exemple purement hindou de l’Inde; Rajarani, réputé pour ses fascinantes statues de femmes exécutées dans une variété de poses et d’humeurs amoureuses; Muktesshwara, qui donne un artistique mélange de beau et de grotesque représentant des femmes côtoyant des ascètes, des nains et des animaux.
Le golfe du Bengale: A 60 kilomètres se trouve le site de Konarak. On le rejoint en traversant une contrée verdoyante rappelant le Vietnam, avec ses rizières et ses villages paysans aux toits de paille. C’est là où se trouve le temple du Soleil de Konarak, connu pour ses douze paires de roues géantes et ses sept chevaux, mais aussi pour ses statues aux thèmes érotiques qui, contrairement à celles de Khajurâho, ont été érodées par le vent, le sable et l’air marin.
Udaigiri: A sept kilomètres de Bhubaneshwar se trouve Udaigiri, l’un des lieux d’origine du culte jaïn. A Udaigiri, on peut admirer les cavernes creusées dans le flanc de la colline qui servirent de lieux de retraite aux premiers moines jaïns. La plus célèbre est celle à deux étages de Rani Gumpha ou cave de la Reine. On peut y admirer des sculptures et des fresques retraçant des scènes religieuses, historiques et populaires.


Erika Bodmer (photos Gérard Blanc)

 

Informations pratiques

Renseignements

Office national du tourisme de l’Inde +33 1 45 23 30 45,

Formalités

Passeport valable et visa. Santé: Recommandation: prophylaxie contre la malaria, vaccins anticholérique,
diphtérie, tétanos, poliomyélite.

 

Gastronomie

Cuisine très épicée et riche; viandes (agneau, volaille) très cuites ou poissons accompagnés de sauces relevées; thé Darjeeling; bières locales (King Fisher, Black Label).

Pourboires, mendicité

Les pourboires se donnent aux chauffeurs, aux guides, au personnel hôtelier, etc., mais soyez ferme si on se montre trop insistant. Ne donnez pas d’argent aux enfants mais plutôt un crayon, un stylo, un petit carnet, etc.

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